PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Les historiens François Durpaire et Thomas Snégaroff nous convient à un voyage au cœur de la civilisation américaine, dans leur dernier ouvrage paru cette semaine "Les Etats-Unis pour les nuls".

Pour être accessible et ludique, celui-ci n’en déconstruit pas moins toute une série d’idées reçues sur la plus grande puissance mondiale, objet de répulsion/attraction pour nos concitoyens: les Américains sont-ils communautaristes ? Leur société est-elle bloquée ? L’Amérique peut-elle continuer de vivre au dessus de ses moyens ? Va-t-on vers un monde post-américain ? Le rêve américain n’est-il qu’une illusion ? En 2008, le candidat Obama – à nouveau en campagne aujourd’hui – avait été élu notamment sur la mise en acte de ce rêve américain : "yes we can" et  symbolisait une grammaire sociale prônant l’ambition personnelle comme moteur d’une ascension sociale possible à tous. Pourtant, l’ouvrage nous montre que la mobilité sociale est plus faible aux Etats-Unis qu’en Europe. Que peut donc nous apprendre un regard distancié sur l’Ecole américaine ?

Changer par l’Ecole?

Les auteurs proposent une analyse comparée de l’école américaine avec l’Ecole française. Le modèle américain propose de "changer par l’Ecole". Après avoir explicité l’organisation du système éducatif américain, les auteurs rendent compte des publics et parcours scolaires. Aujourd’hui, les élèves américains sont très majoritairement scolarisés dans des écoles publiques (90 %). Depuis une quinzaine d’années, la possibilité de choisir son école publique est en croissance (en France, ce phénomène est connu sous le nom d’"assouplissement de la carte scolaire" même si le choix est souvent du côté des chefs d’établissement plus que de familles); qu’il s’agisse d’une école publique choisie par leurs parents, d’une école privée confessionnelle ou pas. Depuis une dizaine d’années, les charter schools se développent. C’est une école publique ayant passé un contrat avec l’État et qui s’engage donc à obtenir des résultats pour ses élèves. La charte scolaire, revue périodiquement peut être révoquée si les résultats ne sont pas atteints. S’agissant des parcours scolaires, les États-Unis se trouvent dans un modèle de l’"intégration à la carte" caractérisé par une gestion des difficultés avec possibilité de groupes de niveaux (ability grouping) tandis que la France relève du modèle dit de l’"intégration uniforme".

Face à la ségrégation ethnique et urbaine ont été crées des écoles aimants. Les magnet schools sont des écoles publiques qui ont été créées à la fin des années 1960 et au début de la décennie 1970 pour réaliser la déségrégation raciale; le principe était d’attirer des élèves de diverses zones scolaires pour réaliser une mixité dans des écoles, en offrant des apprentissages différents et attractifs. Au début des années 2000, on comptait plus de 3000 magnet schools.

Une école des valeurs ? Mais quelles valeurs ?

L’école américaine cherche actuellement à restaurer la culture des 3 R : relationships, relevance and responsibility : la recherche d’un meilleur climat social à l’intérieur des écoles, de formations répondant aux besoins des élèves et la responsabilité de chacun. Traditionnellement, l’école américaine se présente comme ouverte, donnant priorité à l’éducation des comportements. Durant tout le cursus de l’Ecole obligatoire, on ne distingue pas l’éducation de l’enseignement, alors qu’en France, depuis Condorcet on oppose l’éducation, l’affaire des parents et l’enseignement la mission exclusive de l’école. De même contrairement au cursus français, aux États-Unis, l’éducation civique n’est pas une discipline scolaire. La formation citoyenne s’effectue à travers des activités multiples qui appellent des prises de responsabilités des élèves et des attitudes de coopération et de partage. La compréhension du fonctionnement de la démocratie se fait en actes.
Du point de vue pédagogique, l’école américaine est marquée par les idées de Dewey prônant un enseignement actif : hands-on learning ("apprendre par l’action"). La France a utilisé cette démarche pour l’enseignement des sciences à l’école primaire avec "La main à la pâte" impulsée par le Georges Charpak .

Des résultats médiocres

Si la réussite des universités américaines est éclatante, il n’en est pas de même des écoles primaires et secondaires. George W. Bush a mis en place en 2002, le programme No child left behind, qui permet au gouvernement fédéral d’intervenir en attribuant des moyens financiers pour des services d’éducation particuliers. Aujourd’hui, De nouveaux objectifs sont proposés : toutes les écoles publiques américaines devront désormais s’engager dans des programmes de progrès annuels visant à rendre tous les élèves compétents en lecture et maîtrise de la langue, ainsi qu’en mathématiques, d’ici à 2014. Ce recentrage sur les fondamentaux rejoint la démarche française, avec les programmes de l’école primaire arrêtés en 2008. Comme dans les réformes en cours en France ( socle commun de connaissances et de compétences, réforme du lycée..), la démarche américaine repose sur une recherche d’une plus grande individualisation de l’enseignement, un meilleur suivi individuel. L’ambition est que chaque élève progresse. Les résultats de l’enquête triennale Pisa confirment les inquiétudes de l’administration Obama : les performances des élèves américains stagnent dans les domaines évalués (écrit, mathématique, sciences)

En cette période de rentrée scolaire, ce détour que nous permettent les deux historiens par le système scolaire américain peut nous aider à penser l’Ecole française, non tant par une comparaison sans précaution mais en se nourrissant des expériences étrangères, de leurs défauts comme de leurs qualités .

Deghettoïser par l’Ecole ?

En 2005, un ouvrage décryptait les effets de la ségrégation urbaine sur l’école : L’apartheid scolaire. Enquête sur la ségrégation ethnique dans les collègues. Des écoles pour pauvres, noirs et maghrébins, face à des collèges pour riches et blancs, tel est le tableau apocalyptique de la France scolaire du début du XXIe siècle ?? Certes, l’école n’est que le produit de sa société. Elle ne peut pas se substituer à une politique de logement qui réintroduirait de la mixité sociale et ethnique dans nos territoires. Les plus informés ont toujours les moyens d’éviter ou de contourner la carte scolaire . Ce sont d’autres solutions qu’il faut inventer. Si l’école ne pas à elle-seule deghettoïser la société, elle peut en tout cas y contribuer… Créer par exemple des super-établissements regroupant des "sous-établissements" de différents quartiers, localisés en centre-ville comme dans les périphéries. Portant le même nom, cela contribuerait à homogénéiser l’"image de marque" de l’ensemble. Ils relèveraient surtout d’une même gouvernance, d’une même politique d’établissement. Les "sous-établissements" géographiquement situés dans les quartiers difficiles se verraient attribués dans ce contexte une implantation prioritaire des sections qui servent à la sélection sociale selon le principe des écoles aimants. A quartier répulsif, école attractives. Ainsi, l’école peut recréer du lien citoyen au sein de la république. Si elle est couplée avec une citoyenneté en acte plus qu’une moralelaïque abstraite. Comme par exemple, l’entretien de "jardins communautaires", communs à différentes écoles ou une véritable introduction du numérique comme outil pédagogique dans les Ecoles en créant des serious games notamment pour les cours d’éducation civique, juridique et sociale en lycée… L’expérience américaine a montré le succès de telles démarches.

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