PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Marc Prensky a probablement raison d’expliquer que l’école de demain doit ressembler au monde d’après-demain. Mais en considérant que notre enseignement actuel est l’héritage d’un âge industriel révolu, l’auteure américaine Cathy Davidson se veut rassurante : nul besoin d’imaginer des techniques éducatives inédites… il suffirait de revenir aux classiques. 

Dans son livre « Now you see it », présenté par le New York Times, Cathy Davidson rappelle en effet ce chiffre étonnant, qui émane du Département d’Etat américain du travail : 65% des écoliers d’aujourd’hui pourraient pratiquer, une fois diplômés, des métiers qui n’ont même pas encore été inventés.

Si, pour elle comme pour d’autres, c’est un signal fort d’encouragement à faire évoluer nos pratiques éducatives, elle fait plutôt preuve de pragmatisme, et dévoile dans son livre une vision pour l’avenir très éclairée par les expériences du passé. 

> Revenir aux pratiques des Anciens…

La classe occidentale actuelle, avec son système de notation et ses horaires rigides, est un « héritage de la fin du 19e siècle », explique-t-elle. Au cours de cette période de changement sans précédent, « les machines, soudainement, ont eu besoin de fonctionner à l’heure ». De leur côté, les travailleurs devaient effectuer des opérations simples, extrêmement répétitives, qui n’avaient rien à voir avec les emplois polyvalents de l’ère numérique.

Pour être le « terrain d’entraînement » des futurs ouvriers de l’usine, la salle de classe de l’ère industrielle avait été remaniée de manière à enseigner la rapidité d’exécution des tâches, l’obéissance, la hiérarchie et les horaires. Notre éducation est l’héritage de cette période. Mais à présent que le monde a changé, et que les entreprises de l’ère numérique exigent des travailleurs toujours plus de souplesse et de polyvalence, ne pourrait-on pas revenir à l’école des Anciens ?

Si l’on en croit le raisonnement de Cathy Davidson, certaines des inventions pédagogiques parmi les plus anciennes, telles que le système socratique de questions et réponses, les méthodes de résolution de problèmes enseignées dans les guildes d’artisans d’autrefois, ou encore l’apprentissage par l’imitation d’un maître ou d’un mentor, seraient plus appropriées à l’ère numérique que les méthodes et les pratiques issues de l’école de la République. 

Autrement dit, les anciennes techniques éducatives étaient parfaites pour préparer les enfants à vivre dans un monde imprévisible, car encore plein de mystères. En « conquérant le monde », nous l’avons rendu prévisible, et avons dû adapter en conséquence nos pratiques à l’école. Mais à présent qu’il redevient imprévisible du fait de la vitesse de notre progrès technique, nous n’avons peut-être qu’à revenir aux pratiques antérieures.

La preuve, dit-elle ? En voici une parmi d’autres : les exercices que nous présentons comme les plus nobles formes d’apprentissage de la pensée ou de l’écriture à l’école, telles les dissertations, ne sont pas ceux où les étudiants donnent le meilleur d’eux-mêmes. 

« Les blogs destinés aux pairs présentent moins d’erreurs typographiques et factuelles, moins de plagiat, et sont généralement mieux écrits, en prose élégante et plus persuasive, que ne le seront jamais toutes ces dissertations rédigées en classe par les mêmes auteurs », remarque Cathy Davidson. 

Prenant le contre-pied de ses collègues, qui se désolent souvent de ce que les étudiants sont globalement « mauvais en dissertation », la pédagogue suppose donc que c’est la forme de la dissertation, qui est n’est pas adaptée aux étudiants d’aujourd’hui. A l’inverse, même ses étudiants les plus réfractaires à l’exercice sont devenus prolixes lorsqu’elle leur a proposé de publier leur écrit sur Internet, de le soumettre à la critique et de le modifier en ligne. Et « cela vaut pour tout, des commentaires politiques à la photographie en passant par la réalisation de vidéos satiriques ».   

> …pour mieux s’adapter à l’avenir ?

Aussi, dit-elle, « Lorsque nous critiquons nos étudiants parce qu’ils préfèrent se disputer sur Politico.com plutôt que de regarder des émissions politiques avec nous, ou de lire tel ouvrage de référence, nous nous empêchons de voir le monde tel qu’il est ». Nous considérons leurs activités comme des distractions, sans comprendre que les supports d’apprentissage que nous leurs présentons comme des références sont souvent issus d’environnements sociaux antérieurs… « qui ne devraient plus intéresser que les historiens de la culture ». 

Pour Cathy Davidson, nous ferions mieux de nous soucier de la meilleure façon d’inculquer à nos enfants des savoirs et savoir-faire utiles pour leur avenir. Car « la vidéo numérique et le Web politique sont intellectuellement solides et stimulants, profitables et même agréables ».

« Nous ne pouvons pas continuer à préparer les étudiants à un monde qui n’existe pas. Nous ne pouvons pas ignorer les compétences cognitives redoutables qu’ils développent en apprenant par eux-mêmes.

Et par-dessus tout, nous devons cesser de dénigrer les prouesses numériques, simplement parce que certains d’entre nous, quadragénaires et au-delà, ne parviennent pas à les égaler. Un bras de fer basé sur des rancunes institutionnelles entre les générations peut saboter toute une culture ».

Une salle de classe adaptée aux élèves d’aujourd’hui devrait enseigner la vaste gamme de compétences complexes qui relèvent de la culture numérique. Elle pourrait rendre les étudiants responsables sur le Web, et les inciter à participer régulièrement, dès la primaire, à un large éventail de projets wiki.

Surtout, conclut l’auteure, cette nouvelle salle de classe doit désaccentuer la tendance des écrans à produire des individus solitaires. Elle devrait faciliter le type de collaboration qui les aide à compenser leurs faiblesses, au lieu de les aggraver. Autrement dit, cette classe aurait besoin de nouvelles façons de mesurer les progrès, adaptées à l’ère numérique… pour ne pas rester coincée à l’âge industriel.

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