PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

=http://www.prisme-asso.org/?p=181 Résumé

L’intervention des collectivités territoriales dans l’enseignement supérieur s’est développée et diversifiée au cours des vingt dernières années. Elle a été souvent présentée comme ayant conduit à une trop grande dilution de la carte universitaire, notamment par la création des antennes universitaires, problème sur lequel s’est souvent focalisée la réflexion alors qu’il représente une faible proportion des effectifs.
Le bilan est tout autre si l’on tient compte de leur intervention dans la recherche universitaire y compris par le canal des grands organismes qui lui sont associés. L’action des collectivités territoriales a en fait une action positive de structuration de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle favorise l’autonomie des universités. Elle a contribué à l’ouverture des universités à leur environnement socioéconomiques. Surtout elle a contribué à renforcer les secteurs d’excellence de l’université qu’il s’agisse de la recherche ou des formations professionnelles. Enfin la qualité du partenariat passe par la définition d’une politique claire de l’Etat et par une meilleure organisation des universités sur le plan territorial.

Communication

Cette intervention s’appuie sur une expérience personnelle de 20 ans dans la négociation des contrats de plan Etat-Région et des contrats d’établissements, le travail en commun avec la DATAR, la participation à l’élaboration des plans Université 2000 et U3M et la rédaction du schéma de services collectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle prend en compte l’analyse des nombreux rapports faits sur le sujet par les Assemblées parlementaires, les corps de contrôle ou d’inspection comme celle des colloques tenus sur ce sujet.
Elle s’attachera d’abord à mieux caractériser la nature et l’importance de cet engagement des collectivités territoriales et à en déterminer les raisons. Dans une seconde partie qui constituera le cœur de cette intervention, elle essaiera de mesurer les effets de cette participation des collectivités. Au-delà du reproche traditionnel et à nuancer de saupoudrage, il s’agira de montrer que cet effort des collectivités territoriales a contribué de manière positive à une structuration de l’enseignement supérieur et de la recherche qui lui est associée. Enfin nous verrons que cette structuration est favorisée par un partenariat avec l’Etat lorsque celui ci a une politique mais qu ˜elle implique aussi une meilleure organisation du partenariat entre universités et collectivités territoriales.

I. UNE IMPLICATION CROISSANTE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

1)Un montant encore modeste mais parfois significatif

Rappelons qu’à l’exception des classes préparatoires aux grandes écoles et des sections de techniciens supérieurs, implantées dans les lycées et dont les collectivités territoriales assurent le fonctionnement matériel et l’investissement, la contribution des collectivités territoriales au développement de l’enseignement supérieur et de la recherche repose uniquement sur le volontariat. Même si cette contribution a été multipliée par 4 en 20 ans, elle ne représente que 6% de la dépense nationale d’enseignement supérieure et un montant légèrement inférieur de la dépense nationale de recherche et développement. S’agissant des seules universités, cette contribution des collectivités territoriales représente seulement 4% Ce montant n’est pas négligeable cependant dans la mesure ou il concerne essentiellement les dépenses de construction et d’équipement scientifique et on sait que cette participation territoriale est souvent une condition sine qua non de bouclage du financement des équipements des laboratoires.

2)Une participation progressive de l’ensemble des collectivités importantes

Une analyse détaillée des quatre générations de contrats de plan montre l’évolution des collectivités concernées. S’agissant de contrats de plan état-Région, les régions ont été en première ligne dès le départ Elles ont vu dans le soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche qui lui est associée, un moyen de contribution au développement économique régional et d’affirmation de leur rôle.
Ce sont ensuite, à partir du milieu des années 1980 les départements et les villes moyennes peu pourvues en implantations universitaires et favorables à la création départements d’IUT et un peu plus tard, d’antennes de premier cycle. Le plan université 2000 a accentué ce rôle des départements notamment en étendant fortement le réseau des IUT mais a impliqué également fortement des grandes villes à l’exception notable de Paris. Enfin le plan U3M comporte un engagement significatif des collectivités jusque là les plus réticentes, la Région Ile de France et la Ville de Paris.. Au bout du compte sur 20 ans l’ensemble des collectivités territoriales concernées aura manifesté leur intérêt pour l’enseignement supérieur même si la région demeure prépondérante au niveau des financements avec 50% des financements contre 25% pour les départements et les villes. Il faut noter aussi que de manière générale, il n’y pas eu spécialisation des collectivités, celles ci préfèrent apparaître de concert sur des opérations phares.

3) Une évolution du type d’actions soutenues

Le premier contrat de plan (1984-1988) s’est surtout intéressé au soutien de la recherche dans les secteurs jugés prioritaires (biotechnologies, matériaux, filière électronique) et au développement des filières technologiques (IUT et écoles d’ingénieurs) ; les filières universitaires générales ont été en revanche peu soutenues. Il a également favorisé le développement du transfert de technologie. A partir de 1986 a également commencé pour les villes et les conseils généraux le soutien à la création d’antennes universitaires.
Le second contrat de plan (1989-1993) correspond au cœur d’Université2000. Il se caractérise par l’accroissement sur tout le territoire national des capacités d’accueil pour faire face à l’augmentation rapide du nombre d’étudiants, le développement des IUT en villes moyennes et la création des universités nouvelles. C’est dans cette même période (1991) que se met en place le plan de renforcement de la recherche en région qui vise explicitement à développer les pôles d’excellences régionaux. Ces objectifs seront poursuivis par le 3ème contrat de plan (1994-1999).
La quatrième génération (200-2006) accorde une part importante à la recherche universitaire en liaison avec les grands organismes de recherche, aux bibliothèques, au logement étudiant. Elle couvre pour la première fois les sciences humaines et sociales (construction de locaux, création de maisons des sciences de l’homme). Elle prend en compte pour la première fois les insuffisances du patrimoine immobilier en Ile de France avec le démarrage d’opérations de grande ampleur (transfert de Paris VII sur la ZAC Tolbiac et installation sur ce même site du pole langues et civilisations).
Les contrats de plan n’épuisent pas toutefois les formes d’aide à l’enseignement supérieur pratiquées par les collectivités territoriales comme par exemple l’octroi de bourses de thèse ou de mobilité à l’étranger, l’aide à l’accueil des chercheurs étrangers et le financement de chaires d’excellence. La connaissance des politiques territoriales en matière d’enseignement supérieure et de recherche est notoirement insuffisante

4)Les raisons de cet engagement accru

L’enseignement supérieur et la recherche qui lui sont associés sont vus progressivement comme un facteur de développement économique régional ou local. Ce sentiment est d’abord le corollaire des assises de la recherche et les lois de 1982 relative à la recherche et de 1984 relative à l’enseignement supérieur ont clairement affiché comme objectifs le développement régional.. Ce sentiment s’est renforcé en raison de difficultés économiques ; l’implantation de filières technologiques ou professionnelles, le développement de la recherche ont fait partie systématiquement des mesures proposées en faveur de pôles de conversion (Nord, Lorraine) elles ont dans cette dernière région, contribué à renforcer la spécialisation des universités lorraines dans les sciences pour l’ingénieur (c implantation de l’INRIA et d’un centre de Supelec). Elles sont appelées systématiquement au secours des villes touchées par les industries d’armement(Bourges, Roanne, Tulle, Tarbes), par les licenciements de Michelin (Clermont -Ferrand) ou les difficultés de Moulinex même si l’impact réel de ces mesures sur le redressement économique réel d’un bassin d’emploi n’est pas évident.
Plus positivement, dans une logique de compétitivité internationale, l’existence d’un enseignement supérieur de qualité est considérée comme un facteur d’attraction pour l’implantation d’entreprises. La loi innovation et recherche (1999), le schéma de services collectifs (2002) ont réaffirmé cet objectif. Des instruments (incubateurs, plate -formes technologiques) ont été crées à cet effet. Le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003 considère aussi que recherche et formations supérieures sont « deux leviers indispensables pour asseoir, dans une perspective de visibilité internationale, le statut métropolitain d’une agglomération ».Et la création de pôles de compétitivité annoncée au CIADT de septembre 2004 reprend cette idée d’articulation formations supérieures recherche et développement économique.

Les villes universitaires considèrent maintenant que la présence de l’enseignement supérieur est un moyen de revivifier les centres villes, de dynamiser le commerce local. Elles cherchent à réimplanter l’université en centre ville ou à désenclaver les campus excentrés. Si l’aide des collectivités territoriales peut contribuer à structurer l’enseignement, t supérieur, inversement la présence de l’université est structurante pour une agglomération. Elle est parfois partie prenante, voir au cœur d’opérations d’urbanismes (Amiens et le réaménagement du centre ville, Lyon et le quartier de Gerland, Bordeaux et la rive gauche de la Garonne). Elle est déterminante pour le réseau des transports collectifs en site propre (Grenoble, Toulouse, Lille, Rennes, Strasbourg….). Et ce n’est pas un hasard si des villes reconnues comme dynamiques et agréables à vivre (Nantes, Rennes, Toulouse, Montpellier…)sont des villes à forte présence étudiante. La population étudiante (au sens large) atteint parfois plus de 20% de la population de l’agglomération.
De ce fait le poids économique des universités n’est pas négligeable si l’on s’en tient à l’effet des salaires des personnels rémunérés par l’université et les organismes associés (CNRS, INSERM, CROUS) et les dépenses des étudiants. Diverses études menées avec la caisse des dépôts et consignation font état, à chaque fois de 10000 à 30000 emplois directs ou indirects, induits par la présence de l’université. L’absence de budgets consolidés au sein, de l’université masque souvent cet impact aux yeux des décideurs locaux.

II. UNE INTERVENTION DES COLLECTIVITES AU BOUT DU COMPTE POSITIVE

1)Les critiques sur la dilution de la carte universitaires sont à nuancer

Un des reproches les plus fréquents imputé à l’effort des collectivités territoriales en matière d’enseignement supérieur est qu’il a conduit à une dilution ou à un saupoudrage de la carte des formations. Nous avons tous en mémoire des exemples d’implantations non justifiées : Fallait-il par exemple deux sites universitaires dans l’Indre, trois dans la Corrèze, l’Indre, le Morbihan ou le Calvados. ?A quelle logique correspond la création à Mende d’une antenne de l’université de Perpignan ? Etait-il nécessaire de créer une quatrième université bretonne ou le Centre universitaire Champollion en Midi-Pyrénées ? La lecture de l’atlas régional de l’enseignement supérieur réalisé par la DEP nous paraît confirmer cette première impression. On y dénombre en France métropolitaine hors Ile-de-France (60 universités) pas moins de 581 sites (agglomérations) d’enseignement supérieur ou si l’on enlève les sites n’accueillant que des STS, 153 sites universitaires dont quarante- trois seulement correspondant à des agglomérations sièges d’université. La réalité est plus nuancée et ce constat doit être relativisé
– ces 153 sites ne représentent que 2,5 sites par université ;
– s’ils accueillent un tiers des étudiants en IUT, ces sites secondaires n’accueillent que 6% des étudiants de 1er cycle et 4% des étudiants de 2ème cycle, essentiellement en licences professionnelles. Ils sont quasiment absents du 3ème cycle ;
– dans 25% des universités considérées avec IUT ou dans 40% (hors IUT) la proportion des étudiants dans les sites secondaires n’atteint pas 5%. Elle ne dépasse 10% que dans une dizaine de cas en comptant les IUT et dans un seul cas, si on les prend pas en compte. Le poids des antennes universitaires de premier ou second cycle est donc à relativiser fortement et on a peut -être eu tort de se focaliser sur cette question ;
– le cas des universités multipolaires (Artois, Littoral, Bretagne-Sud, Pau et Pays de l’Adour, université de Savoie) est très particulier et la proportion d’étudiants hors de la ville siège de l’Université est important. En revanche leurs sites secondaires ont un effectif significatif ;
– d’une manière générale les grands centres universitaires ont des sites secondaires peu nombreux alors que ce sont souvent des universités moins fortes en recherche qui sont le plus éclatées (Amiens, Reims, Orléans, Dijon…).

Il est utile de passer en revue les arguments favorables ou hostiles au développement de cet enseignement de proximité :
*Au-delà des antennes, les universités les plus récentes ont visiblement amené à l’enseignement supérieur des couches nouvelles. La proportion de boursiers ou d’étudiants de milieux moins favorisés est souvent corrélée avec la faible ancienneté de l’Université. Cet enseignement de proximité a donc contribué à la démocratisation.
* Les études de la DEP sur les facteurs de réussite au DEUG montrent plutôt un effet positif de l’étude en antennes universitaires et une absence de handicap pour la poursuite d’études. Celles de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE) montre qu’un étudiant en IUT dans un site secondaire a plus de probabilité de poursuite d’études qu ˜un étudiant d’IUT de la ville siège de l’Université. On retrouve le phénomène inverse pour les STS qui méritent plus le reproche d’enseignement captif et disséminé.
* Par ailleurs l’analyse de la mobilité étudiante, réelle en 2ème et 3ème cycle, amène à conclure qu’un enseignement universitaire de proximité n’est pas un obstacle dirimant à une mobilité ultérieure :
– le plus grand inconvénient de cet enseignement de proximité est peut être celui de l’insertion en recherche des maîtres de conférence nommés dans ces implantations où la recherche est peu développée voire absente. Il est vraisemblable que cela constitue un, handicap fort même s’il n’existe pas à notre connaissance d’études précises sur le sujet. C’est un thème que nous envisageons de creuser.
– sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, il convient de distinguer selon les sites secondaires, en fonction de l’éloignement mesuré par le temps de trajet. Dans un nombre significatif de cas la distance centre secondaire siége correspond à un temps de déplacement courant en transport collectif de l’agglomération parisienne (Saint-Nazaire vs Nantes, Bourg vs Lyon, Blois vs Tours ou Montauban vs Toulouse). Ce n’est pas le cas général (Troyes-Reims, Chartres-Orléans, Le Puy-Clermont).

Nous ne pouvons que souscrire à la conclusion du schéma de services collectifs reprise dans le relevé de conclusions du CIADT du 18 décembre 2003 : « l’organisation territoriale de l’enseignement supérieur présente un maillage satisfaisant et la densité du réseau ne sera plus significativement modifiée ».

2)L’implication des collectivités territoriales favorise l’autonomie des universités

C’est sans doute le premier effet structurant de cette implication des collectivités territoriales que d’accroître l’autonomie de l’université et tout au moins de favoriser l’émergence de la notion d’université. Il est plus facile de développer l’autonomie lorsqu’on échappe à une relation bilatérale avec l’Etat. On retrouve à cet égard, mutatis mutandis, ce qui a été constaté pour les proviseurs de lycées vis-à-vis des régions qui ont, selon la juste analyse d’Yves Dutercq, bénéficié un espace de liberté avec la décentralisation. Et cette idée du multipartenariat comme facteur favorable de l’autonomie était déjà une des conclusions développées par Philippe Lucas du colloque de la CPU de Lyon en 1985 sur les relations contractuelles des universités.

On pouvait craindre que cet engagement plus grand des collectivités territoriales induise une ingérence excessive des collectivités locales dans le fonctionnement des universités, en contrepartie des financements accordés ; d’une manière générale cette crainte ne s’est pas révélée fondée. On est passé progressivement, et cette évolution était visible dans la manière dont étaient montés les dossiers pour les CIADT et les CPER, d’une présentation fondée sur des relations personnelles entre universitaires et pouvoirs locaux à une présentation plus institutionnelle. Il est heureusement plus difficile maintenant à un universitaire ou à une équipe isolée de pouvoir négocier directement son projet avec les collectivités territoriales, sans que la demande transite par l’université. On retrouve ainsi au plan local, la même règle que pour les relations entre le ministère et les universités, le président est l’interlocuteur unique. Et il est possible de paraphraser la formule de Christine Musselin dans son livre la longue marche des universités « Et les régions reconnurent les universités ».
Il y a bien entendu des exceptions à ces principes de bonne conduite et parfois peut-on reprocher aux autorités universitaires dans certaines régions d être à la remorque de querelles ou de rivalités historiques entre villes proches, alors qu’il serait nécessaire de rechercher des complémentarités que des concurrences. Le plus bel exemple est celui de Metz et Nancy même si les Universités lorraines ont maintenant entamé un processus de coordination de leur offre dans le cadre du LMD. Un autre cas particulier est celui de Languedoc Roussillon et particulièrement de Montpellier. Un organisme comme le CNER considére que le conflit majeur, permanent et exacerbé entre les différents acteurs politiques locaux et l’implication d’universitaires dans ces conflits sont un handicap pour le développement du pôle montpelliérain d’enseignement supérieur de recherche. Et les politiques ont eu leur part de responsabilité dans les tentatives d’éclatement de l’Université de Nantes avec la création d’Atlantech, dans le découpage en quatre universités à Bordeaux ou dans la création d’écoles d’ingénieurs délibérément hors de l’Université à Clermont Ferrand.
Mais ces cas extrêmes sont rares et les divergences politiques sont laissées de côté pour soutenir des projets jugés essentiels pour une région ou une agglomération ; les plus beaux exemples de cette unanimité étant le transfert des ENS à Lyon, le développement du pôle nanotechnologies à Grenoble ou la création de l’université nouvelle de Cergy -Pontoise.

3)L’implication des collectivités territoriales favorise l’émergence ou le développement des points forts de l’université

L’analyse des décisions des collectivités locales s’est sans doute excessivement focalisée sur la question des antennes universitaires et la dilution de la carte universitaire. Mais le bilan est certainement différent si l’on prend en compte le soutien à la recherche universitaire et aux grands organismes de recherche qui lui sont liés, ce soutien agissant dans un sens contraire et visant clairement la création ou le renforcement de pôles d’excellences en région.
Si on examine les recommandations du schéma de services collectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche de 2002, il possible de dire que l’action des collectivités territoriales a concouru aux mêmes objectifs et les a même d’une certaine manière précédés. Rappelons que ce schéma fixe une typologie des sites universitaires :
– les grands centres universitaires pluridisciplinaires, groupant souvent plusieurs établissements qui offrent sur l’ensemble des champs disciplinaires des formations supérieures de haut niveau et des laboratoires de recherche dotés des infrastructures nécessaires et répondant aux standards internationaux. Les efforts des collectivités territoriales et notamment des régions ont surtout porté sur le développement de la recherche, particulièrement dans des domaines comme la médecine et la biologie, l’informatique et l’électronique mais aussi des disciplines plus fondamentales comme la chimie(laboratoire ISIS à Strasbourg)ou la physique, voire certains secteurs des sciences humaines. Les régions ont été très réceptives pour participer au renforcement des pôles régionaux de recherche en région ou la constitution d’un réseau de génopoles dans le cadre du plan U3M. Le développement des centres régionaux de l’INRIA à Rennes, à Grenoble, Nancy et Nice, en très forte imbrication avec le CNRS et les universités s’est fait avec un très fort appui des collectivités territoriales et a contribué à une spécialisation partielle de ces sites dans les sciences et techniques de l’information et de la communication (STIC). Et d’une manière générale, les priorités en matière de recherche, sur ces grands centres, à travers les différentes vagues de contrats de plan, ont bien correspondu aux projets des établissements Ce soutien à la création de pôles d’excellences rejoint en outre une préoccupation identique au niveau européen.
– les autres pôles universitaires sièges d’universités, qui comportent un large éventail de formation mais qui offrent des formations de troisième cycle plus spécialisées et disposent de capacités de recherche sur quelques créneaux d’excellence. La spécialisation est ici clairement revendiquée partant de l’idée que l’identité d’une université se construit à travers ses formations professionnalisées, son troisième cycle et sa recherche. L’analyse montre d’ailleurs que les universités de ce type qui ont plutôt réussi sont celles qui sont parvenues à une certaine spécialisation, favorisée par leur histoire et leur ancrage territorial comme Valenciennes, Mulhouse ou le Havre, universités construites à partir de leurs filières professionnelles, voire de leurs écoles d’ingénieurs comme Mulhouse et avec un fort soutien des collectivités territoriales. Inversement les plus fragiles sont celles qui ont refusé la spécialisation et ont voulu être présentes sur tous les fronts pour imiter l’université voisine parfois distante de 50km. Dans l’ensemble les collectivités territoriales soutenant de manière privilégiée la recherche et le développement des filières professionnelles ont poussé à cette spécialisation. Brest et les sciences de la mer, Limoges et la céramique, Angers et la biologie en liaison avec l’INRA voire l’Université du littoral dans le domaine de l’environnement
– les implantations universitaires, IUT et antennes situées dans les agglomérations de taille moyenne dont l’objectif est d’être des moteurs du développement local en s’appuyant sur le développement de formations professionnalisantes, sur l’insertion naturelle de ces formations dans le tissu économique local et sur la création de plates-formes économiques locales. Là encore cet objectif rejoint la pratique des collectivités territoriales (cf. II.4) qui, dès 1984 se sont intéressés au transfert de technologie et ont financé ses différentes structures souvent liées aux filières professionnelles des universités

Un éclairage intéressant est apporté, sur le sujet de l’implication des régions lors de la réflexion prospective menée par l’INRA (INRA2020).Son président, Bertrand Hervieu figurent note que les collectivités territoriales figurent au premier rang des partenaires de l’organisme. Ce partenariat est jugé fécond, parce qu’il facilite, en renforçant l’ancrage territorial de l’INRA, le dialogue sciences-société. En outre les régions françaises semblent avoir compris, à l’opposé de leurs homologues espagnoles ou italiennes, la logique d’une spécialisation des centres INRA évitant les doublons sur le territoire.

4)L’implication des collectivités territoriales favorise la liaison université-monde économique

Cette ouverture du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche et la reconnaissance d’une mission de transfert de technologie des universités et organismes de recherche est clairement inscrite dans les lois de 1982 et de 1984. Les régions, dans la logique de leur compétence d’aide au développement économique ont en partie été les médiateurs de cette démarche. Elles ont donc, des les premiers contrats de plan, soutenu activement le volet transfert de technologie et le soutien aux CRITT (centres régionaux d’innovation et de transfert technologique) souvent adossés à des filières de formation. Elles se sont également engagées nettement dans les nouveaux dispositifs prévus par la loi de 1999 comme les incubateurs et dans ceux prévus dans le plan U3M comme les réseaux nationaux de recherche technologique (RNRT) et les centres nationaux de recherche technologique (CNRT). Et le plus bel exemple est celui évoqué ci dessus du pôle micro et nanotechnologie de Grenoble qui allie fort engagement des collectivités territoriales, et véritable liaison université- recherche industrie

III. Un partenariat à organiser

* L’histoire de ces vingt dernières années montre que plus l’Etat est capable de définir une politique et plus le partenariat avec les collectivités territoriales est efficace comme peuvent en témoigner les plans Université 2000 et U3M ou le plan de développement de la recherche en région. Cette cohérence a été favorisée par la collaboration avec la DATAR dont les responsables ont fait preuve d’une bonne compréhension des questions de recherche et d’enseignement supérieur. Inversement les plus grandes erreurs (cf. l’université thématique d’Agen)sont faites quand les ministères ont une stratégie purement défensive

* On peut objecter que la répartition des financements induites par le partenariat n’a pas été totalement optimale. Les constructions en Ile de France, les sciences humaines et sociales, la restructuration des bâtiments universitaires ou le logement étudiant ont été sous financés. La négociation entraîne des compromis. L’acceptation par C. Allègre du développement des IUT en villes moyennes a été la contrepartie d’un fort engagement des collectivités territoriales dans Université 2000. Mais est-on sûr que, même en l’absence de cofinancements, la répartition effectuée par l’Etat aurait-elle été rationnelle ?

* Il y a un désordre apparent dans les différentes procédures contractuelles et absence de cohérence de calendrier. Mais on retrouve les mêmes priorités dans les CPER et les contrats d’établissements et le rapport de l’instance d’évaluation du plan sur la contractualisation indique que la contractualisation avec l’Etat a facilité les relations avec les partenaires extérieurs. Pour autant, l’idée du contrat unique conclu entre l’université, l’Etat et les collectivités territoriales, est illusoire et infaisable. IL faut en revanche multiplier des pratiques comme celles de l’Université Louis Pasteur où Etat, Collectivités et université elle-même ont financé une action du contrat : l’aide aux jeunes chercheurs nouvellement recrutés.

– Il n’y pas de structure favorisant, sinon le partenariat, du moins la concertation sur les grands objectifs. Les conseils d’administration, tels qu’ils fonctionnent, n’ont pas d’intérêt pour les personnalités extérieures. Les CCRDT créent par la loi de 1982, qui parfois fonctionnent bien ne traitent pas de l’enseignement supérieur. Les pôles européens présentent un bilan mitigé et les collectivités y sont rarement représentées à un haut niveau. L’idée de la création d’un comité d’orientation stratégique, à l’instar des universités nouvelles, surtout au niveau du site, est une bonne idée.
– Même si cela ne débouche pas sur la nécessaire recomposition du paysage universitaire, les universités ressentent le besoin d’une meilleure organisation territoriale, à la fois dans un souci de visibilité internationale et d’une réponse coordonnée face aux régions. Les initiatives sont nombreuses allant de CPU régionales à la coopération affichée des universités du même site ou de la même région et à la construction de réseaux régionaux ou interrégionaux. La région Rhône Alpes est comme souvent un laboratoire avec une conférence Rhône Alpes Universitaire très active et la création de Grenoble universités en fusionnant le Pôle européen et la conférence académique des présidents d’universités, la création d’un comité d’orientation stratégique du site et d’un comité scientifique international. Il reste bien évidemment à étudier le contenu réel de ces différentes initiatives. Les débats autour de la préparation à la future loi d’ orientation et de programmation de la recherche remettent à l’ ordre du jour la réorganisation de nos grands sites universitaires

Jean-Richard. Cytermann
Professeur associé EHESS
jean-richard.cytermann@education.gouv.fr

éléments de bibliographie
– Schéma de services collectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche.
– Rapports du CNE et du CNER, notamment sur les pôles de Grenoble et de Montpellier.
– Rapports de l’IGAENR sur l’autonomie des universités et sur les incubateurs.
– Les universités françaises en mutation : la politique française de contractualisation (1984 2002) – rapport de l’instance d’évaluation présidée par A. Frémont.
– La France et l’aménagement de son territoire (1945-2015) par A. Fremont et P. Deyon.
– C. Allègre : l’âge des savoirs, pour une renaissance de l’université.
– Le développement de l’enseignement supérieur, rôle respectif de l’Etat et des collectivités territoriales par J.R. Cytermann – Educations et formations n° 62.
– Actes du Colloque :entre décentralisation territoriale et autonomie universitaire : les enjeux de l’enseignement supérieur pour les collectivités territoriales.
– Les universités et le territoire D. Filatre.

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