PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Contribution de Bernard Desclaux, Directeur de CIO, et formateur, académie de Versailles, ESEN à l’occasion de la quatrième université d’été de PRISME

1/ Trois caractéristiques françaises

L’orientation en France a été conçue à partir de la question « Qu’est-ce qu’on en fait ? » (pouvoir sur l’autre) et non pas « Que va-t-il faire ? » (aide au développement se soi).
Il s’agit de s’occuper d’enfant et non pas d’adultes (USA)
Il s’agit de gérer la question de l’apprentissage (formation professionnelle de premier niveau)
On pourrait rajouter qu’elle concerne donc les enfants du peuple.

2/ Le contrôle de la circulation
La circulation des élèves, dans le secondaire, est régit par le pouvoir des enseignants (plus ou moins assoupli au cours de l’histoire). C’est une vieille histoire, le premier texte réglementaire produit par le ministère est la Circulaire du 27 mai 1890 relative aux examens de passage est demeurée valable pendant 70 ans (André Caroff : L’organisation de l’orientation des jeunes en France, Evolution des origines à nos jours. Editions EAP, 1987 (p.151)).

Les enseignants enseignent aux élèves qu’ils jugent. Jusque dans les années 70 les « compositions trimestrielles » servaient de garants externes, (supprimées par la circulaire du 6 janvier 1969 d’Edgar Faure). C’est ensuite le jugement collectif formulé en conseil de classe qui prend le relais.
Les enseignants français sont ainsi soumis à un paradoxe : faire réussir tous les élèves, mais être capable de produire des différences dans les réussites pour fonder la répartition (décisions d’orientation).

Il en découle au moins trois effets :

• Effet sur la pédagogie et les modalités d’évaluation (accrochage à la notation, cf. le rapport des IG : Les acquis des élèves, pierre de touche de la valeur de l’école ? Juillet 2005, N°2005-079). Ce système de notation a de forte conséquence sur l’estime de soi et donc la motivation à apprendre.

• Effet sur l’attribution causale de la difficulté. C’est pour l’essentiel le travail des élèves qui est conçu comme cause de la difficulté, ceci permet la déculpabilisation de l’enseignant (voir les travaux de Philippe Perrenoud et d’Anne Barrère).

• Effet sur les conditions de travail des enseignants. D’un côté ils passent un temps très considérable à évaluer les élèves (cf. enquête de la DEP : Les pratiques d’évaluation des enseignants au collège, Note 04.13). Mais de l’autre surtout, les décisions d’orientation créent les conditions de travail de l’année suivante. Le pouvoir des chefs d’établissement exercé hors du cadre du conseil de classe depuis 1990 est sans doute combattu par les enseignants pour cette raison.

3/ Conséquences pour les résultats du système,

Et notamment à partir du livre de Christian Forestier, Claude Thélot avec Jean-Claude Emin, Que vaut l’enseignement en France?, Editions Stock. 2007.

Evaluation du système

1/ La progression de la longue scolarisation et notamment le slogan des 80%
Courbe exponentielle du XXème siècle, faisait que le slogan était autant un objectif politique que le constat d’une évolution sociale inéluctable.
Cette courbe est bloquée depuis 1994 sur un taux de 62-63%. Dix de blocage.
Les hypothèses portent surtout sur ce qui se passe à la fin du collège, et donc sur l’orientation.

• Les parents demandent plus la voie professionnelle (peut du chômage, et crainte de l’investissement financier nécessaire pour faire des études au-delà du bac). Mais ces études portent sur la demande du troisième trimestre.

• Constat d’un arrêt de la progression du taux de passage en 2 GT à l’issue de la troisième, effet de la réduction puis de la suppression de l’orientation fin de cinquième.

• C’est l’effet de la création de la seconde générale et technologique. Les professeurs de collège protègent le lycée (apparition du slogan résister contre le « lycée light »), ils protègent aussi leurs futurs postes (hypothèse que l’on peut faire à la lecture du livre de Agnès Van Zanten et Patrick Rayou : Enquête sur les nouveaux enseignants : Changeront-ils l’école ?, Bayard Centurion, 2004).

2/ Le redoublement est l’un des effets de l’orientation

La France est l’un des « pays de la faute » qui pratiquent de manière systématique le redoublement. Essentiellement l’Europe « latine », France, Italie, Espagne, Belgique francophone. La première enquête PISA avait permis de repérer ce phénomène, cette différence dans le traitement de la remédiation.
La dernière enquête PISA a été retravaillée par la DEP (L’évaluation internationale PISA 2003 : compétences des élèves français en mathématiques, compréhension de l’écrit et sciences, Les dossiers évaluations et statistiques – D.E.P.P. – N°180 mars 2007
.
• L’élève moyen français se situe très légèrement au-dessus de la moyenne des pays (l’enquête porte sur une soixantaine de pays de l’OCDE et quelques autres). Il fau rappeler que la France est la sixième puissance…

• 49% des jeunes français de 15 ans se trouvent en seconde. Notre système fonctionne donc normalement pour la moitié de la population scolaire.

• Les résultats de PISA de ces élèves « normaux » se retrouvent dans le peloton de tête mondial.

• Ceux qui ont redoublé simplement une fois se trouvent très nettement en dessous de la moyenne, du côté des résultats de la Grèce.
• Il n’y a donc pas l’élève moyen français. Et le redoublement est un marqueur différentiel fort.

« Une étude comparative menée à la DEP1 a montré par ailleurs que les élèves de 14 ans scolarisés en Troisième ont un score plus proche de celui de leurs aînés de 15 ans scolarisés en Seconde, que des élèves de Troisième en retard.
Les élèves qui suivent un cursus scolaire sans rupture (sans redoublement), qu’ils soient en Troisième ou en Seconde, ont au contraire des résultats similaires : l’effet positif de la classe de Seconde, qui est indéniable, est néanmoins beaucoup plus faible que celui du paramètre « redoublement ». Autrement dit, le retard scolaire est le facteur le plus « explicatif » des variations de performances entre les élèves français de 15 ans ; les élèves ayant redoublé ont des difficultés scolaires qui perdurent au cours de leur scolarité. » p. 22

3/ Le système français se veut régulateur, atténuateur des différences sociales.
Niveaux de sortie et répartition sociale

Quelle est la répartition sociale entre les trois types de bac ?
« Si l’on analyse la composition sociale des trois voies du lycée, on observe une voie générale composée essentiellement d’enfants de milieux favorisés (et plus particulièrement la série S), une voie professionnelle composée à l’inverse d’enfants de milieux défavorisés, et une voie technologique intermédiaire, voie de promotion pour les plus pauvres et voie de sauvetage pour des enfants de milieux favorisés mais en difficulté scolaire. » (Forestier, p. 55)

Diplômes et origines socioculturelle des jeunes

Quelles sont les poursuites et les réussites d’études dans l’enseignement supérieur selon les catégories sociales ?

En passant, deux autres Références :

In L’orientation, c’est l’affaire de tous – 1. Les enjeux

Coordonné par Dominique Odry, série « Dispositifs » de la collection « Repères pour agir. Second degré »

Quatre articles de Bernard Desclaux :
– Des particularités françaises
– Vers l’éducation à l’orientation
– Mutations du travail : l’orientation concernée
– Le conseil de classe, entre justesse, justice et justification

Document(s) associé(s) :

doc/desclaux.doc

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