PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Dans un courrier adressé aux présidents de l’Assemblée des départements de France (ADF) et de l’Association des régions de France (ARF), Vincent Peillon, le ministre de l’Education nationale, répond à leur demande de mise au point sur le transfert aux collectivités territoriales des charges de maintenance du numérique éducatif. Les nouvelles dispositions, prévues dans le projet de loi pour la refondation de l’école de la République, résultaient bien d’un accord avec les associations. Mais celles-ci attendaient en retour, une compensation financière ou une aide en personnel (voir notre article du 24 avril). Or, rien, ni dans le projet de loi initial, ni dans les amendements déposés, ne laisse supposer que le gouvernement répondra positivement à cette demande. Et le courrier du ministre confirme bien le statut quo sur l’aspect financier.
La position de Vincent Peillon n’a en effet jamais varié : "La prise en charge de la maintenance des équipements informatiques n’appelle pas un transfert de compétences", explique-t-il, mais plutôt une "clarification" du rôle de l’Etat et des collectivités, estimant que l’informatique ne peut avoir "un statut différent des autres charges d’investissement matériel incombant aux collectivités". En conséquence, la maintenance a vocation à "être répartie suivant les compétences de chacun".

Nouvelle ligne de partage : le responsable des achats assure la maintenance

Dans la nouvelle formulation du projet de loi, la région et le département sont chargés de la maintenance "des matériels et de leurs logiciels de mise en œuvre", c’est à dire des infrastructures et des équipements  (câblage des bâtiments avec leurs éléments actifs, serveurs, postes de travail fixes et mobiles, et périphériques) ainsi que des applications informatiques (les logiciels systèmes et ceux qui sont nécessaires à l’enseignement comme les espaces numériques de travail, les logiciels de gestion des réseaux locaux et les passerelles locales vers internet). De son côté, l’Etat assure la maintenance des "ressources numériques à caractère spécifiquement pédagogique", autant dire peu de choses.
En revanche, Vincent Peillon assure que l’Etat maintiendra ses engagements dans l’assistance aux utilisateurs en conservant "les emplois qui de facto y participent". Par assistance, il faut entendre "chaîne d’appui aux enseignants à l’usage des Tice", qui comprend principalement le diagnostic des dysfonctionnements techniques signalés sur le matériel et les logiciels et l’orientation de l’utilisateur ou du chef d’établissement vers les services de maintenance appropriés. Ce domaine devra tout de même faire l’objet "d’un partage entre le ministère et les collectivités", signale Vincent Peillon, sachant que ce serait même un point essentiel de la nouvelle gouvernance "partenariale" que le ministre souhaite établir avec les collectivités. Preuve de cette volonté : l’Education nationale réfléchirait aux missions des enseignants "référents numériques" présents dans tous les établissements et notamment aux modalités d’une coopération plus étroite avec les personnels techniques, ouvriers et de service (TOS) transférés aux collectivités en 2009. Cela signifie que l’Etat continuera à financer les décharges partielles de services à ces enseignants ou aux personnels de l’éducation concernés.

Un besoin de 2.500 postes d’assistance, selon l’ARF

Cette formulation est-elle à même de satisfaire les collectivités territoriales ? C’est peu probable. D’abord sur le principe. Le rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires culturelles, le député Yves Durand, n’a pas caché les divergences d’interprétations : "S’appuyant sur la jurisprudence du Conseil d’Etat (voir encadré ci-dessous), l’Association des régions de France considère que l’Etat, ayant conservé l’exclusivité des compétences pédagogiques dans le domaine de l’éducation, a bien à charge l’ensemble des dépenses directement pédagogiques dans les établissements scolaires." Il y aurait donc bien transfert. Et celui-ci devrait donner lieu à compensation, comme le prévoit la Constitution.
Ensuite, le mécontentement risque d’être proportionnel aux nouvelles charges qui vont peser sur les budgets. Toujours selon le rapporteur Yves Durand, les régions auraient déjà beaucoup investi dans les fonctions de maintenance "afin de compenser le désengagement de l’Etat". Traduction en chiffres : seize régions consacreraient déjà 555 emplois (équivalents temps plein, ETP) à la maintenance informatique alors que 15 rectorats n’y affecteraient que 360 ETP. Sur le volet "assistance aux utilisateurs", l’Etat mobilise entre 750 et 1.000 agents/enseignants pour l’ensemble des collèges et lycées alors que l’ARF estime les besoins à un poste pour trois établissements, soit environ 2.500 postes supplémentaires et des charges de fonctionnement qu’on peut estimer à 80 millions d’euros par an. Cinq académies pratiquent déjà une coopération étendue avec les conseils généraux et régionaux sur la maintenance et l’assistance (1) et il serait utile, souligne Yves Durand, que des partenariats équivalents puissent se développer dans d’autres régions, notamment en Champagne-Ardenne, Ile-de-France et Midi-Pyrénées, où les besoins en maintenance-assistance s’accroissent. Rien qu’en Ile-de-France, on estime que 130 à 150 postes devraient être créés pour les 400 lycées de la région.
Aussi le différend va persister et risque d’assombrir "l’embellie" constatée ces derniers mois entre l’Education nationale et les collectivités territoriales, d’autant que les ambiguïtés sur le partage ne sont pas entièrement levées. Combien d’agents seront réellement affectés à l’assistance après la réorganisation de l’Education nationale ? Comment tracer la frontière entre assistance technique et assistance pédagogique (ne relevant pas des collectivités locales) ? Qui s’occupera de la maintenance des logiciels non pédagogiques acquis et gérés par les personnels de l’Education nationale ? Comme le notait Yves Durand, la clarification des compétences pourrait être moins effective dans sa mise en œuvre concrète. En revanche, les transferts de charges risquent d’être bien plus tangibles.

Philippe Parmantier / EVS

(1) L’académie de Poitiers est dans ce type d’arrangement avec la région Poitou-Charentes, et avec les départements de la Charente, de la Vienne et des Deux-Sèvres ; l’académie de Strasbourg avec la région Alsace ; l’académie de Nantes avec la région Pays-de-la-Loire et le département de Loire-Atlantique et les académies d’Aix-Marseille et de Nice sont avec la région Paca et les départements des Bouches-du-Rhône et du Var.

L’avis du Conseil d’Etat sur la maintenance.
Le Conseil d’Etat rappelle, dans un avis, qui date certes de 1999, que le législateur, en application du principe général de la répartition des compétences par "blocs", mettait à la charge de l’Etat – qui a conservé, dans le domaine de l’éducation, l’exclusivité des compétences pédagogiques – l’ensemble des dépenses directement pédagogiques effectuées dans les établissements scolaires.
L’avis précise en outre : "Si la loi a renvoyé, dans un objectif de clarté, le soin à un décret de préciser la liste des dépenses pouvant être qualifiées de pédagogiques, ce décret ne saurait, sans méconnaître tant les dispositions précitées que le principe de libre administration des collectivités territoriales, avoir pour objet ou pour effet de décharger l’Etat du financement de dépenses ayant le caractère de dépenses pédagogiques au sens de la loi précitée et de mettre une partie de ces dépenses à la charge des collectivités territoriales". Ce qui semble pourtant bien être le cas aujourd’hui…. On notera toutefois que le Conseil d’Etat, consulté sur le projet de loi, n’a cette fois pas émis de remarques sur le volet du texte consacré à la maintenance.

Référence : CE, avis, 25 mai 1999, req. n° 363340

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