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Morale laïque
Le ministre de l’Éducation nationale a annoncé lors de sa conférence de rentrée, mercredi 29 aout, qu’il souhaitait développer l’enseignement de la morale laïque « du plus jeune âge au lycée ». François Hollande, lors de la remise du rapport de la concertation à la Sorbonne, le 9 octobre dernier lui a exprimé son plein accord.
Vincent Peillon a de bonnes intentions, sans doute : « Je n’ai pas dit instruction civique, mais bien morale laïque », précise le ministre. « C’est plus large, cela comporte une construction du citoyen avec certes une connaissance des règles de la société, de droit, du fonctionnement de la démocratie, mais aussi toutes les questions que l’on se pose sur le sens de l’existence humaine, sur le rapport à soi, aux autres, à ce qui fait une vie heureuse ou une vie bonne ».
Le ministre, avec la morale laïque, parle donc des valeurs de la République et de morale universelle. Selon lui, « si ces questions ne sont pas posées, réfléchies, enseignées à l’école, elles le sont ailleurs par les marchands et par les intégristes de toutes sortes ».
La morale laïque ne se réduirait donc pas à la seule instruction civique avec la transmission de savoirs encyclopédiques relatifs aux institutions et services publics de la France et à leurs fonctionnements. Elle rejoindrait l’éducation civique avec l’acquisition de connaissances, des valeurs et des règles de la vie en société, les droits et les devoirs du citoyen.
De plus, la morale laïque dépasserait l’éducation civique actuelle, car elle permettrait d’analyser, de vivre heureux, de s’émanciper, et de choisir hors de tout déterminisme, familial, ethnique, social, intellectuel.
Les modalités de cet enseignement ne sont pas encore établies, ce qui n’empêche pas de mettre en doute ses effets. Il devrait permettre d’analyser, de comprendre, de connaitre des valeurs et des règles, des droits et devoirs. Pourquoi pas, on peut imaginer des cours qui partiraient de situations de vie, d’images, de textes littéraires, philosophiques… pour poser des interrogations. Mais cela restera un discours qui n’engagera ni actes politiques ni transformation de vie. Ainsi, les élèves pourront restituer correctement cet enseignement dans des évaluations et continuer d’agir et de penser comme si rien ne s’était passé.
De plus, cet amoncèlement de valeurs, de règles, de droits et de devoirs reste très éloigné de la vie d’un grand nombre d’enfants et de jeunes qui arrivent à l’école préoccupés, voire ensevelis par la précarité et les injustices qu’ils vivent avec leur famille. Malaise renforcé encore par les situations scolaires quotidiennes qui renforcent ce sentiment d’injustice, d’inégalité et d’exclusion. Toutes ces expériences révèlent l’écart entre les bonnes paroles enseignées et les faits réels. Cette dichotomie entraine à partir du collège le rejet de la normalité scolaire, de ses règles et de ses obligations qui s’étendra au reste de la société quelques années plus tard. C’est également un terreau fertile pour les intégrismes de toutes sortes.
Si cet enseignement de la morale laïque ne permet pas d’agir autrement, ni de vivre plus heureux, ni de s’émanciper, ni de choisir hors des déterminismes, alors que faire ?
Quelques suggestions :
Vivre et non apprendre les valeurs de la République, les droits de l’enfant et du citoyen.
Donner son avis et participer aux espaces démocratiques et de vie des établissements scolaires.
Être acteurs et auteurs des règles de vie et des règlements, adultes comme enfants et jeunes.
Accueillir toutes les singularités dans les établissements et transformer les pratiques pédagogiques pour qu’elles s’adressent à tous les enfants.
Donner à chacun le temps d’apprendre et à tous celui de vivre ensemble.
Préférer la coopération à la compétition au coeur des temps et des espaces éducatifs.
Mettre la philosophie au coeur des établissements scolaires, de la maternelle au lycée pour construire la réflexion au lieu d’inculquer des formules magiques comme « la liberté commence… » et autres adages.
Et bien d’autres pratiques que certaines classes et certains établissements mettent en oeuvre depuis quelque temps déjà… comme les classes et établissements Freinet.
Au lendemain de la remise du rapport de la concertation, Vincent Peillon a mis en place une mission de réflexion sur l’enseignement de la morale laïque à l’École avec à sa tête trois personnalités qui doivent lui remettre un rapport fin mars.
Espérons que la concertation qui continue au sein du ministère à laquelle les mouvements pédagogiques et les associations éducatives sont associés puisse irriguer les travaux de cette mission.
Catherine Chabrun

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Categories: Laïcité

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