PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

« Ne Pas Plier et l’Observatoire de la Ville : une éducation populaire au service des enfants et des adultes pour apprendre à construire le dialogue social »
Isabel de Bary, responsable de l’association Ne Pas Plier.

Présentation de l’initiative

L’observatoire de la Ville est une terrasse aménagée au sommet d’une tour HLM du centre ville d’Ivry-sur-Seine. Depuis 1994, l’association Ne Pas Plier met cet Observatoire à la disposition des élèves des écoles primaires. L’observatoire de la Ville constitue un espace à la fois réel et symbolique que chaque personne peur investir de son imaginaire invitant à exercer un regard différent sur la ville, à penser d’autres rapports sociaux et d’autres formes d’échanges.

Objectifs opérationnels

L’Observatoire de la Ville s’adresse principalement aux enfants en âge des apprentissages fondamentaux et leur donne un cadre qui leur permet d’apprendre à déchiffrer le paysage urbain et à questionner la ville mais aussi aux étudiants et membres d’associations qui souhaitent aborder ce thème.

Pertinence du projet et articulation avec les dispositifs d’éducation en responsabilité partagée

L’association Ne Pas Plier est « une association qui travaille les formes de luttes politiques et sociales, car l’expression et le passage obligé des idées », précise Gérard Paris-Clavel, l’un des fondateurs. Au-delà d’un bureau composé de huit membres, les participants du réseau Ne pas Plier se comptent par centaines. L’association organise un Festival tous les deux ans qui réunit 300 personnes par jour pendant 3 jours. S’y retrouvent des membres du réseau international de Québec, d’Espagne, de Bolivie, de Serbie, d’Israël…C’est l’occasion de rencontres, le moment de croiser pratiques et utopies. Ne Pas Plier c’est aussi une « épicerie d’art frais » et des formations.
Avec l’Observatoire, l’association a permis de créer un cadre permettant l’émergence d’un dialogue social afin de mieux s’organiser autour du désir commun de « transformer le rapport aux autres. » Le fonctionnement de l’Observatoire s’appuie sur l’implication de l’office public OPHLM d’Ivry-sur-Seine. Il répond à une demande volontaire des enseignants.
Le projet de l’Observatoire de la Ville n’est en lien avec aucun dispositif d’éducation partagée pour l’instant.

Initiateur du projet

L’association Ne pas plier en collaboration avec l’office public OPHLM d’Ivry-sur-Seine.

Méthodologie retenue

L’Observatoire de la Ville est un outil pédagogique qui s’adresse aux enfants du primaire mais aussi aux étudiants, aux associations et aux adultes dans le cadre de formations professionnelles. Il accueille environ 10 000 enfants par an depuis dix ans.
Les projets naissent d’une réflexion menée avec les enfants après une première visite sur la terrasse de l’Observatoire. Quels que soient les thèmes développés, les enfants sont accompagnés par plusieurs acteurs dans leur lecture du paysage urbain. Outre d’un délégué de l’office OPHLM, toujours présent, il peut s’agir du facteur, du boulanger, d’une mère de famille, d’un élu, d’un architecte, d’un retraité… Ces visites sont l’occasion de croiser les savoirs singuliers de chacun sur la ville et d’établir, à travers ce dialogue, des liens entre des pensées et des pratiques sociales multiples.
En continuité du travail de l’observatoire, Ne Pas Plier organise des Chemins de Randonnée urbaine, les CRU qui proposent un autre travail de questionnement de la ville au travers de cheminements thématiques.
L’Observatoire de la Ville a pu compter sur le soutien de ses nombreux partenaires : l’office public OPHLM d’Ivry-sur-Seine, la DRAC ÃŽle-de-France, la Caisse des Dépôts et Consignations, le Conseil général du Val de Marne, la Préfecture du Val-de-Marne, la ville d’Ivry-sur-Seine, la Direction du Patrimoine et la Direction du développement culturel du Ministère de la Culture, la Fondation Nicolas Hulot, l’Inspection Académique de circonscription, le CRDP du Val-de-Marne, l’IUFM, la Ministère de la Jeunesse et des sports, J.C Lefort député, le Lycée Maximilien Vox, l’imprimerie IPA Patoux.

En quoi le projet peut-il être qualifié d’innovant ?

Ne Pas Plier revendique le temps du parcours, du mouvement. Elle ne se définit pas comme « innovante » mais comme « expérimentale

Le projet a t-il nécessité la formation des acteurs ?

A ce jour aucune formation spécifique n’a été engagée en ce sens.

Analyse des réussites et des résultats moins probants et des difficultés rencontrées

Le cadre offert par l’Observatoire permet de faire naître dialogues et réflexions entre les enfants et les adultes autour des questions liées à la ville en matière d’éducation, d’histoire, de liens sociaux… D’une manière très pédagogique l’activité de l’Observatoire est de donner le goût et de s’intéresser à ce qui s’appelle la responsabilité civique à de nombreux enfants et adultes.
Malgré les liens établis autour des projets de l’Observatoire, il est frustrant de constater que Ne Pas Plier ne peut pas participer aux classes à PAC pour des raisons d’ordre statutaires car les classes à PAC permettent de payer des intervenants et non des associations ou organisations pourtant mieux outillées. Cela limite le travail en partenariat avec l’éducation nationale.
Une des difficultés majeures que rencontre la structure est le manque de moyens humains et financiers pour amplifier ses actions.

évaluations prévues

Ne Pas Plier n’a pas les moyens financiers pour réaliser une évaluation scientifique mais réclame depuis longtemps à être évalué. Une évaluation sommaire et réalisée par des rendez-vous plusieurs fois dans l’année avec l’ensemble du corps enseignant qui partage avec l’observatoire les projets en cours.

Modifications des pratiques et transformations sociales observées

Les effets de l’Observatoire sont difficilement mesurables. Cependant, l’office OPHLM remarque que les intervenants réguliers font déjà repère dans les quartiers et que les actions menées luttent contre l’isolement grandissant et l’affaiblissement des solidarités.
Par ailleurs, certains jeunes de vingt ans ayant participé aux projets de l’Observatoire sont devenus acteurs de la ville et participent aux nouveaux projets.

Prolongements envisagés

Pour la première fois l’observatoire démarre un projet de sensibilisation à l’architecture qui sera mis en place sur l’année scolaire 2004/2005 avec la Maison des oiseaux.
Un autre projet serait qu’un auteur à résidence écrive, à chaque visite et sur toutes les visites, pendant un an, pour tenir la chronique ou récit de l’expérience. Il pourrait sortir un ouvrage mais pour le moment l’Observatoire n’a pas les moyens de financer ce projet. « Nous aurions une « bible » alors que ce que l’on peut en dire aujourd’hui tient de l’anecdote, ça n’a pas la même valeur puisque ce n’est pas écrit, parce que ce n’est pas exprimé. »

Valorisation

Une collection a été crée qui est composée de 13 titres pour questionner différents sujets sur le thème de la ville, témoigner ou restituer des projets pédagogiques réalisés.

Entretien avec Isabel de Bary

Entourée d’images en tout genre, immenses affiches, cartes postales, livrets, autocollants, adhésifs, tracts, Isabel de Bary, directrice et unique permanente de Ne Pas Plier, nous reçoit au dernier étage d’une tour HLM face à la mairie d’Ivry-sur-Seine dans les locaux lumineux de l’association, sur un plateau de 360 m2. Nous nous installons autour de grandes tables blanches d’atelier après avoir découvert la superbe vue panoramique qu’offre l’Observatoire de la Ville installé sur la terrasse du sommet de l’immeuble.

Prisme : Du haut de cet immeuble nous avons une vue du territoire urbain universel qui nous entoure et nous éduque. Combien de jeunes ont-ils pu apprendre à lire le paysage et leur vie ?

Isabel de Bary : L’Observatoire de la Ville a dix ans cette année et a reçu 10.000 enfants depuis sa création.

Comment exploitez-vous ce point de vue privilégié avec les enfants ?

L’Observatoire de la Ville offre un cadre pour une lecture subjective du paysage. Mis à disposition par l’office HLM d’Ivry, ce lieu est un véritable outil pédagogique.
En clair, le projet de l’Observatoire de la Ville consiste à proposer aux enfants des écoles, dans le cadre de leurs apprentissages fondamentaux, de déchiffrer un paysage urbain accompagné d’acteurs de la ville qui leur racontent leurs savoirs singuliers. A partir de là, un planning est établi, un questionnaire est fourni aux enseignants pour leur demander ce qu’ils attendent de l’Observatoire.

Comment les projets s’élaborent-ils ?

D’habitude nous rencontrons les enfants à l’Observatoire, puis nous retournons dans leur classe pour discuter avec eux de la visite. De là, se dégage un sujet. Je n’arrive jamais avec un sujet pré-établi. Les projets viennent toujours de la réflexion que nous menons avec les enfants.
Le projet des « voisins » est venu des enfants. Après la visite leurs réflexions, « c’est extraordinaire, c’est formidable… », nous ont conduit à leur poser les questions : « qu’est-ce qui dans votre quotidien pourrait être aussi exceptionnel tout en étant quotidien? Que voudriez-vous rencontrer, Qui voudriez-vous connaître ? » Un enfant a dit « Mon voisin » et hop, c’était parti… On a fait tout un travail sur la question. C’est là que j’interviens pour accompagner le projet pédagogique. Avec les enfants on est dans une liberté totale mais quand la proposition de travail est faite, pas question de dépasser les délais et de ne pas aller jusqu’au bout.
Pour la première fois, la règle va être tout autre dans le cas du projet des « Maisons des oiseaux », travail sur sensibilisation à l’architecture, que nous essayons élaborer pour l’an prochain. C’est une grosse opération. Les enfants vont dessiner, étudier la résistance des matériaux, faire une étude pour l’implantation… Pour cela nous allons faire intervenir des architectes, un ornithologue, des chefs de chantier…. Elle seront réalisées pour une part, par la régie municipale et la régie d’office HLM. C’est la première fois que nous proposerons un projet avant de rencontrer les enfants.

L’Observatoire offre un paysage assez étonnant et nous avions demandé à des artistes de venir l’exprimer pour en faire des tables d’orientation. Seul, un artiste, Lucien Fleury, a fait des toiles magnifiques pour lesquelles il a été payé très modestement. C’est un autre projet que nous aurions aimé développer, mais nous n’avons jamais eu les moyens de le relancer. On est pourtant là complètement dans le sujet de l’éducation artistique.

Quels rapports entretenez-vous avec l’institution éducation nationale ?

Les relations avec l’éducation nationale n’ont pas toujours été faciles. Le début des relations avec l’inspectrice a été conflictuel, car il fallait apprendre de nos différences, mais, très vite, un dialogue s’est installé. Nous sommes extérieurs à l’éducation nationale, agissons sur d’autres enjeux. et utilisons d’autres leviers reconnus comme complémentaires de l’action publique
Nous avons toujours sollicité des rencontres avec l’institution pour instaurer un dialogue, sans forcément leur demander uniquement des moyens financiers.

Pourquoi cette volonté?

Nous demandons des subventions pour l’Observatoire de la Ville et aussi pour d’autres projets. Mais Ne Pas Plier est une association expérimentale de recherche sur l’expression des luttes et, à se titre il est difficile d’avoir des moyens de la part des institutions.
A partir du moment où nous avons eu un outil comme l’Observatoire, cela a facilité le dialogue avec l’institution. Ce dialogue a été aussi facilité lorsque Ne Pas Plier s’est associé avec l’office HLM qui a joué le jeu de participer à un projet pédagogique. Aussi pour l’office HLM cela leur a permis aussi un nouveau type de dialogue avec les locataires.

Quel intérêt recherchez-vous donc, au fond ?

Ce que l’on a envie de faire à Ne pas plier c’est de la politique. Par exemple, l’Observatoire de la Ville participe au Pôle National de Ressources (PNR) Ville-Architecture-Patrimoine de l’Académie de Créteil.
Les PNR mis en place par une décision conjointe des ministères de l’éducation nationale et de la culture ont pour vocation d’accompagner, dans les douze domaines artistiques et culturels du plan de cinq ans pour les arts et la culture, la mise en œuvre des projets en la matière et de faciliter l’information et la formation de personnes-ressources. Outre les partenaires habituels des PNR, le Rectorat, la DRAC, l’IUFM et le CRDP, le Pôle National de Ressources Ville-Architecture-Patrimoine de l’Académie de Créteil fédère un grand nombre d’acteurs d’horizons différents dont l’Observatoire de la Ville qui participe aux activités du Pôle en tant que partenaire associé. Un stage de formation de trois jours est organisé au mois de mars 2004 pour les publics de l’éducation nationale, de la culture et des collectivités locales.
Nous devons nous servir de ces outils là car le dialogue ne doit pas se faire qu’avec les militants ou les associations. Si on veut changer le monde, il faut se confronter au pouvoir, donc à l’institution. On est dans une recherche longue, on n’est pas pressé, tous les membres de Ne pas plier sont des militants non rémunérés. On a le temps, le plaisir et l’intérêt de travailler à plusieurs au sein d’une association pluridisciplinaire qui réunit des chercheurs, des artistes, des sociologues, des élus, des architectes, acteurs municipaux, etc.

Avec qui le faites-vous?

Nous travaillons avec un certain nombre d’organisations. La part la plus visible de ce que l’on fait ce sont les « images » et l’Observatoire de la Ville, pourtant cela ne représente que 30% de notre activité. Notre travail d’assistant, d’accompagnement à l’expression des revendications, constitue notre tâche essentielle et celle qui nous motive
Notre activité est basée essentiellement sur les formes de visibilités des organisations politique et sociale avec qui nous choisissons de travailler. Ces formes de visibilités passent par plusieurs types d’interventions toutes liées à l’éducation Populaire.

Mais comment aider sans induire vos choix ?

Dans le cadre de l’action d’expression des revendications, on n’est pas là pour donner la leçon et dire, voilà ce qu’il faut faire. Nous travaillons avec les organisations qui viennent nous voir, nous partageons leurs luttes politiques, mais nous ne sommes pas dans un rapport d’aide, plutôt d’accompagnement. Nous sommes dans des échanges d’intérêts et c’est d’ailleurs ce qui nous protège.

Quels échanges d’intérêts ?

Beaucoup d’associations d’entraides sont dans un système d’assistanat et d’échange de compétences, ce qui est très bien mais nous, lorsque nous commençons à travailler avec les gens, on se pose la question de savoir quel intérêt nous avons à travailler ensemble, d’un côté comme de l’autre. Si on ne formalise pas l’échange d’intérêts, on ne travaille pas ensemble.

Sur quelles bases et sous quelles formes ?

Ça dépend des cas. Nous travaillons beaucoup avec les mouvements sociaux. Nous apprenons par exemple, que les assistantes sociales travaillent sur le logement, on croise les info, c’est passionnant ! Ce qui nous intéresse en ce moment c’est d’échanger des préoccupations, des intérêts en commun. Pour cela nous avons créé une nouvelle collection qui s’appelle « Savoir des luttes.» Ce que nous souhaitons montrer dans cette collection c’est que les acteurs sociaux, les militants sont détenteurs d’un savoir qui est rarement exprimé, et jamais reconnus comme tel.

Qui y-a-t-il de commun avec l’observatoire de la ville et le travail réalisé avec les enfants?

La rigueur est la même.

Et en quoi l’échange d’intérêt que vous avez avec les enfants a-t-il un rapport avec l’échange d’intérêt que vous avez avec les adultes ?

C’est clair, changer le monde. ! (rires!)
La venue hebdomadaire des enfants à l’Observatoire de la Ville permet de faire vivre un lieu incroyable où les acteurs de la ville viennent dialoguer avec les enfants.
Le cadre scolaire nous intéresse parce qu’il a sa rigueur, ses limites et qu’il est suffisamment structuré pour que cela fonctionne régulièrement et permette d’avoir une bonne organisation du planning à l’année. Il n’y a que l’éducation nationale qui permette de faire ça. Nous pensons que cet outil libère la parole, ce que nous faisons, c’est donner un cadre à la parole de ces enfants.

L’action menée sur l’expression de la revendication à travers ses différentes facettes a-t-elle amené des modifications, au-delà de la signature du contrat avec l’éducation nationale ?

Mais il n’y a eu aucun contrat de signé ! Si des projets existent sur la ville, avec d’autres structures et des propositions ficelées, Ne Pas Plier ne fonctionne pas ainsi ! Nous sommes soit l’offre, soit la demande ou encore autre chose.
Beaucoup n’ont aucune idée de ce qu’est la lecture du paysage, ni vraiment ce qu’est la ville. Ils n’ont pas de formation pour cela et nous souhaitons nous mettre en contact avec l’IUFM dans ce sens. Cette année, et pour la première fois, une matinée pédagogique est organisée avec le CRDP.
L’observatoire de la Ville est un outil pédagogique aussi bien pour les adultes que pour les enfants. Au bout de 10 ans nos questionnaires sont de plus en plus riches, les demandes de plus en plus exigeantes. Nous avons créé un outil, un cadre pour apprendre à formuler les sujets. Nous ne sommes pas là pour répondre aux questions mais pour les exprimer à partir du questionnement des gens, les formaliser pour créer ce travail d’éducation populaire nécessaire à l’éducation nationale. Je ne réponds d’ailleurs à aucune question des enfants, il y a toujours un enfant qui répond à ma place.

Quelle liaison avez-vous avec les collèges ?

Jusqu’à maintenant, Ne Pas Plier n’était pas en contact avec les collèges car il est plus difficile de gérer les ados et nous ne sommes pas outillés pour cela. Toutefois, nous recevons depuis un an les collèges qui nous appellent. Les visites sont plus préparées, ce n’est pas la même gestion, on se doit d’avoir un dialogue plus construit. La gestion assez libre, un peu intuitive, ouverte qui peut se faire avec les écoles primaires n’est pas possible avec les collèges et les lycées.

L’intérêt est qu’à cet âge, les jeunes sont en recherche d’identité revendicatrice. Cette démarche peut donc devenir un élément de stabilisation ou d’éveil.
C’est vrai, mais cela nous demande des compétences qui ne sont pas encore les nôtres. On n’est plus dans le même projet. Nous nous intéressons particulièrement aux enfants en phase d’apprentissage des fondamentaux et aux étudiants chercheurs !
Nos volontés de contacts avec l’IUFM vont aussi dans ce sens mais nous rencontrons toujours la même difficulté avec l’éducation nationale, celle de trouver le bon interlocuteur.

Pourtant, l’IUFM de Créteil est une des plus favorables à ce type de projets. Elle a été la première à organiser des formations ZEP ainsi que des formations et université d’été pour les parents d’élèves.
Ne Pas Plier participe déjà à des stages « OUV », Ouverture culturelle et partenariat de l’IUFM mais nous sommes freinés par le temps que demandent toutes ces prises de contact et démarches. Nous nous appuyons beaucoup sur la persévérance, en particulier, des membres du CRDP de Créteil, qui heureusement sont très attachés à poursuivre le dialogue Ne Pas Plier / éducation nationale et nous comptons aussi beaucoup sur notre présence au PNR pour créé un lien avec l’IUFM.

Il n’y a pourtant aucun lien de hiérarchie entre le CRDP et l’IUFM.

Effectivement, mais ces structures sont sur un dialogue plutôt large et les réunions pour organiser le stage du PNR se passent d’ailleurs ici. Les membres de l’IUFM sont venus à plusieurs reprise. Cela a permis à ces personnes de mieux comprendre nos actions et ils sollicitent maintenant une rencontre.
Les relations de Ne Pas Plier avec le PNR sont particulières car nous sommes modulables. Franck Poupeau, sociologue de l’éducation intervient pour Ne Pas Plier, au stage du PNR, sur la carte scolaire. Son sujet de prédilection est l’éviction scolaire et il a écrit récemment « Une sociologie d’état1 » qui pose les questions suivantes, « En quoi les discours tenus sur l’école contribuent-ils à faire l’école ? » et « Pourquoi les gouvernements successifs ont-ils peu à peu, depuis les années 1980, instrumentalisé les chercheurs et mis les experts à leur service ? »
Nous venons d’éditer dans la collection de « L’observatoire de la ville », un titre sur la carte scolaire, par Franck Poupeau et Jean-Christophe François, géographe. En terme de lecture d’une ville, la carte scolaire est une interprétation de la ville très intéressante.

C’est aussi une déduction de la reproduction sociale.

Mais pas que ça !

Ce qui est intéressant est de voir quels sont les outils qui vont amener la transformation sociale par l’éducation alors que nous sommes dans une reproduction forte par l’éducation.

F. Poupeau et J. Christophe François réalisent actuellement une étude sur l’éviction scolaire du premier degré à Ivry. Nous avons avec la ville d’Ivry et grâce à l’Observatoire, une relation très ouverte sur cette étude.
En continuité de notre travail à l’Observatoire de la Ville, nous organisons des chemins de randonnée urbaine, les CRU. Ces Chemins de randonnée urbains proposent un travail de questionnement de la ville dans des cheminements thématiques (le CRU des enfants, des chômeurs, des sens, etc.) dans la ville d’Ivry, ponctués d’animations artistiques, poétiques ou politiques, pour une  » perception à la fois intime, locale et globale de la ville « . Nous avons organisé un CRU à partir de ce travail sur la carte scolaire. On a tout d’un coup une lecture de la ville très intéressante.

Il est intéressant d’avoir cette lecture de la carte scolaire, qui d’ailleurs, est un faux terme puisque dans le langage administratif, la carte scolaire est la répartition des moyens. Il s’agit en fait des périmètres scolaires qui part l’idée de la volonté de favoriser la mixité sociale … ce vers quoi on tend !
Le premier a en avoir parlé a été J.Paul Payet à Lyon autour des problèmes liés à la sectorisation des collèges, des difficultés de mise en œuvre et des contournements de la règle par tous les acteurs !
Pour ce faire aujourd’hui la difficulté est contournée par « changez les logements ! »

Je reconnais que ce travail m’a permis de prendre la vraie mesure des enjeux sociaux et urbains de la carte scolaire mais je ne sais pas encore comment cela va nourrir le projet de Ne Pas Plier.

C’est intéressant car on peut avoir une lecture révélatrice du territoire, commune à différents acteurs, décideurs impliqués grâce à Ne Pas Plier. L’éducation nationale, les élus, les parents sont sur le même objet, l’enfant, mais le gèrent selon des territoires dits de compétences… différentes.

Beaucoup de gens nous sollicitent mais nous n’avons pas beaucoup de temps. C’est vrai que l’école, la ville, le travail, la santé sont pour nous des sujets passionnants et centraux. En même temps les gens viennent nous voir, nous interrogent…

Pensez-vous être des initiateurs ou des instigateurs ?

Nous n’avons pas envie de nous poser cette question là. Nous à Ne Pas Plier nous sommes un outil volontaire avec un objet défini qui s’appuie sur d’autres outils pour pouvoir exercer notre volonté première. Nous sommes dans un parcours, un mouvement. L’association a 15 ans et nous avons changé deux fois notre article 2 ce qui prouve que nous sommes en bonne santé. Nous modifions l’objet de notre association quand il ne correspond plus à nos recherches. Ce que l’on veut c’est faire un travail de recherche. La pluridisciplinarité nous permet d’avoir une critique objective, constructive et sans aigreur. Ça n’existe pas un lieu comme ça ! On peut entrer, rencontrer des acteurs sociaux, des sociologues, des artistes, travailler sur un sujet en commun, critiquer.
Actuellement, nous sommes dans une colère monstrueuse par rapport à la situation politique de notre pays et son gouvernement autoritaire. Nous avons la chance de s’être créé cet outil qui s’appelle Ne Pas Plier qui nous permet d’agir et de donner le goût du politique, le goût aux gens de réinvestir le champ du politique, d’une manière ou d’une autre. Nous pensons que si le champ politique est abandonné nous allons droit à une situation très dangereuse. Nous essayons modestement de contribuer au mouvement social, à une certaine forme de réflexion sur la pédagogie liée à la ville.
Nous sommes sur un projet très ambitieux avec des outils humbles malgré nos 360 m2. Tout nous semble trop long et nous sommes pourtant souvent étonnés de tout ce que l’on a pu faire en une année lorsque établissons le rapport d’activité.

En quoi considérez-vous vos actions comme innovantes ?

Ne Pas Plier ne se défini pas comme innovant mais comme expérimental. Nous n’aimons pas ce mot « innovant » car cela voudrait dire que l’on rechercherait un résultat. Le vrai problème que l’on a avec l’éducation à la ville c’est qu’il est toujours nécessaire d’avoir un sujet et un résultat, on n’est jamais sur un parcours. On a toujours dit qu’il faut laisser le temps du parcours, ça ne veut pas dire d’ailleurs qu’on ne rend rien aux enfants.
Les autres organisations du PNR présentent leurs « projets/certitudes » et n’ont qu’une envie celle d’être reconnues par l’institution. Nous, nous ne voulons pas être reconnus, nous voulons être interrogés, évalués, critiqués par elle. Et l’institution ne sait pas encore le faire.

L’observatoire de la ville a-t-il déjà été évalué ?

Nous devrions être évalués, c’est même indispensable sur l’Observatoire. On apprendrait beaucoup de choses. On ne sait pas toujours si l’on fait bien.
Nous avons déjà fait une demande très officielle au Rectorat pour une évaluation par un chercheur en sociologie. Ne Pas Plier a les compétences pour ce travail, pas les moyens financiers. Pourtant il serait intéressant d’interroger les enseignants scientifiquement.
On peut tout de même voir qu’avec les équipes d’enseignants, certains avec qui on travaille depuis 10 ans, les effets sont assez étonnants. Souvent les artistes reviennent étonnés car il y a une écoute, une exigence du montage du projet. Il y a aussi les enfants qui ont participé aux premiers projets à la création de l’observatoire, qui ont maintenant 20 ans et qui sont devenus acteurs de la ville. Tout ça s’évalue mais on n’a pas les moyens de le faire.

C’est incroyable de toujours exister auprès de l’éducation nationale après dix ans, ça c’est une évaluation !

Il ne faut pas se leurrer, nous avons eu tous les problèmes possibles. Mais nous sommes en dehors du système : à la base, nous sommes des politiques et nous savons créer les rapports de force. Nous avons un rapport de force réel mais aussi de bonnes relations avec l’inspecteur académique. Beaucoup de choses se déclenchent en fonction des rapports humains.

Ce peut même être un problème car il n’y a pas de liaison réelle, tout est trop lié à un rapport humain. En même temps, c’est ce qui fait que cette grande maison est capable de pouvoir s’ouvrir n’importe où, n’importe comment parfois parce qu’il y a une grande liberté d’action. C’est ce qui peut être décourageant parfois et exaltant également de par les possibilités offertes en réalité aux entrepreneurs d’éducation!

Si l’Observatoire existe c’est parce que certaines personnes m’ont toujours aidé et soutenu. Notamment, la conseillère pédagogique qui, parce qu’elle aime ce projet, s’applique à maintenir la relation.

Ça marche parce qu’elle est reconnue par les enseignants et puis l’éducation nationale pêche par un manque de mémoire à cause du turn-over important des décideurs. Alors une personne qui n’a pas soit disant une responsabilité importante mais qui est là depuis plusieurs années, a effectivement un vrai pouvoir.
L’éducation c’est du temps et un parcours, ce n’est jamais fini, on parle de formation tout au long de la vie.
On a un ministère de l’éducation nationale qui est, en réalité, un ministère de l’instruction publique. Dans « éducation » il y a école, mais ce n’est pas que ça !
Pour travailler l’objet éducation autrement, l’association de réflexion et de promotion Prisme se doit de promouvoir un outil de rassemblement des acteurs, au-delà d’un site. Nous voudrions fédérer autour de ce qui pourrait s’apparenter à des maisons de l’éducation, à travers les acteurs de l’éducation agissant dans le champ large social et avec les parents.
Historiquement ce sont les enseignants qui ont la parole instituée ; il faut trouver le lieu où on admet la parole errante des autres éducateurs.

Je pense que le travail d’enseignant ne devrait pas exister. Nous devrions tous enseigner à un moment de notre vie, un peu comme on faisait le service militaire obligatoire. Et les enseignants devraient tous faire de la recherche. Je dis cela car la pédagogie m’a émancipée en me permettant d’exprimer et de partager mes connaissances.

1- F r a n c k P o u p e a u, Une sociologie d’état. L’école et ses experts en France, 2003. 17,5 x 11,5 cm, 256 p., ISBN N° : 2-912107-18-0.
2- F r a n c k P o u p e a u, Jean-Christophe François La carte scolaire, 2003. 10,5 x 15, 24 p., ISBN N° : 2-910463-12-5.

Contacts

L’Observatoire de la Ville : Association Ne Pas Plier:
BP 3 – 94200 Ivry-sur-Seine France
Tel. :01.45.21.00.26
e-mail: nepasplier@wanadoo.fr

Rédaction

Jean ROUCOU : roucou.jean@wanadoo.fr

Brigitte VIGROUX : bvigroux@free.fr

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