PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Nouveaux rythmes scolaires et laïcité

Nous devons tous être conscients que le temps éducatif n’est plus restreint au temps scolaire. Un temps éducatif s’est construit autour de l’école.

Il est très positif de ne plus découper le temps d’un jeune entre l’école, le centre de loisirs ou le club sportif. Une vision globale de ce qu’est l’éducation d’un jeune dans la cité est donc nécessaire afin de mieux appréhender les enjeux de la laïcité et de vivre ensemble. Cela nécessite de maintenir une certaine cohérence des valeurs portées pendant tous les temps éducatifs de l’enfant.

Le débat actuel sur les rythmes scolaires est une illustration de l’enjeu de la laïcité des espaces éducatifs. Il est important de mener une réflexion centrée sur l’enfant et d’intégrer un temps éducatif d’activités complémentaires, dans ou en dehors de l’espace scolaire. Le décret sur les rythmes scolaires évoque lui-même un temps éducatif décompté à part du temps scolaire.

De mon point de vue, comme écrit dans Pour une pédagogie de la laïcité à l’école, l’établissement scolaire, espace laïque de savoir et de citoyenneté, doit s’élargir désormais à l’ensemble des activités éducatives.

L’association d’activités complémentaires au temps scolaire nécessite, afin de ne pas perturber le jeune et de donner de la cohérence aux activités scolaires et éducatives, d’élargir la notion de laïcité à tous les temps éducatifs. La laïcité ne peut pas ne s’appliquer à l’école, mais pas au stade ou à la piscine ou dans les locaux associatifs liés par contrat à la commune.

Dans le décret actuel, le mot laïcité ne figure pas dans les critères qui permettent au Directeur académique des services de l’Éducation nationale, l’ancien Inspecteur d’académie, de valider les projets qui lui sont proposés.

« Les propositions soumises doivent être cohérentes avec le projet éducatif territorial élaboré conjointement par la collectivité, les services de l’État et les partenaires intéressés. Les propositions doivent être compatibles avec l’intérêt du service et ne pas porter atteinte à la liberté de l’instruction religieuse. »

Instaurer la laïcité dans l’ensemble des temps éducatifs est un combat permanent. Au-delà de l’école, il existe un enjeu d’éducation. Certaines institutions, quel que soient leurs statuts, devraient être considérées comme éducatives. Le principe de laïcité devrait , par exemple, s’applique aux instituts médicaux sociaux s’occupant des jeunes handicapés.

Mais l’actuel non-cohérence au niveau des valeurs prônées pendant les différents temps de l’enfant risque de dénaturer la nature même du sens du métier de professeur des écoles en opposant « l’austérité » de l’enseignement « au plaisir » des activités ludiques et ainsi d’entraîner des difficultés, des incompréhensions dans le rapport au savoir des jeunes, notamment des milieux populaires.

La laïcité, c’est aussi l’accès de tous au savoir, y compris le plus exigeant. Or, la refonte des rythmes scolaires peut accentuer les inégalités territoriales ; les communes les plus pauvres et les communes rurales sont mises dans l’incapacité de mettre en œuvre des projets avec du personnel qualifié. La refonte des rythmes prend le risque d’entraîner de nouveaux facteurs d’inégalités entre les enfants en introduisant des activités (linguistiques, culturelles, …) qui peuvent être très différentes d’un lieu à l’autre et peut remettre en cause la gratuité de l’école puisque parfois les activités validées par l’inspection académique sont payantes.

Enfin, la refonte des rythmes scolaires peut permettre l’entrée dans le temps éducatifs de l’enfant du privé sous toutes ces formes , dans le cadre de la mise en place des projets éducatifs territoriaux (PEDT) qui sont faits dans certaines communes sur des critères marchands et de rentabilité ou avec des associations privées fort éloignées des valeurs laïques.

Un certain nombre de dérives sont apparues depuis la mise en place de la nouvelle organisation du temps scolaire dans différentes villes :

  • Organisation pour des élèves de séances de catéchisme par des paroisses pendant le temps « périscolaire » rien n’interdit aux associations à caractère religieux d’intervenir dans le cadre du « périscolaire »

  • Possibilités données à des associations faisant explicitement référence dans leurs statuts référence au prosélytisme religieux d’intervenir dans et autour de l’école et de recevoir des subventions des collectivités locales à cette fin. C’est ainsi que le Conseil municipal de Paris a voté l’attribution d’une subvention de 13 400 euros, pour sa participation au PEDT, à l’association du diocèse de Paris « Jeunesse de Saint Vincent de Paul 

  • Séances organisées par des associations à démarche communautariste voire religieuse sous prétexte de découverte des « cultures d’origine »

  • Port de signes religieux par des animatrices associatives accueillant à côté de l’école les enfants pendant les « temps éducatifs »

Dans un souci de cohérence du temps éducatif et scolaire de tous les jeunes , il est donc important que le principe de laïcité concernant les élèves et tous les acteurs qui y interviennent s’applique aux activités péri-scolaires s’inscrivant dans l’emploi du temps des enfants comme aux sorties et voyages scolaires obligatoires.

S’il est positif de ne pas découper le temps du jeune en « tranches de salami » pour lui donner de la cohérence éducative », il est impossible qu’en même temps, la laïcité, elle, soit découpée suivant le temps éducatif de l’enfant.

C’est pourquoi, c’est avec une joie non dissimulée que j’ai découvert dans la circulaire du ministre de l’intérieur Manuel Valls datée du 19 octobre 2013 ( INTK1307763J ) les deux paragraphes suivants qui définissent très clairement ce que signifie « l’espace scolaire » qui n’est pas limité qu’aux seules salles de classe et aux bâtiments scolaires :

 

Ces paragraphes doivent être repris rapidement par le ministre de l’éducation nationale pour que l’ensemble des activités scolaires et éducatives des élèves soit irriguée par le principe de laïcité et que aux droits qui s’attachent à ces espaces, aux intervenants et aux enfants et élèves, soient liés des obligations tenant compte de ce principe.

Ainsi, serait réglé un certain nombre de problèmes soulevé par les activités péri-scolaires et les sorties scolaires.

L’obligation du respect de principe de laïcité devrait ainsi figurer explicitement dans les conditions de validation par les autorités académiques des projets éducatifs territoriaux prévus dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires.

Des associations à finalités cultuelles autant que culturelles n’auraient plus la possibilité d’être présente dans et autour de l’école.

Il ne serait pas possible que des intervenants d’activités péri-scolaires ou des accompagnateurs de sorties scolaires se tenant hors de l’école portent des signes indiquant ostensiblement leur appartenance religieuse.

Jean-Louis AUDUC

 

1 Abdenour BIDAR Pour une pédagogie de la laïcité à l’école. Haut Conseil de l’Intégration. Ministère de l’Education Nationale. Edité par la Documentation française. Décembre 2012

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Categories: Laïcité

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