PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Point de vue prismé :

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Tribune Pour les membres de l’association Prisme, la refondation de l’éducation, dans et hors école, passe par une coopération de toute la société : enseignants, parents, collectivités territoriales, associations.

Par Yannick BODIN, ancien sénateur de Seine-et-Marne, ancien vice-président chargé des lycées et de l’action éducative de la région Ile-de-France, Robert CHAPUIS, député-maire honoraire de Le Teil (Ardèche), ancien secrétaire d’Etat, Jacques GUYARD, député-maire honoraire d’Evry (Essonne), ancien secrétaire d’Etat, Jean ROUCOU, maire adjoint à l’éducation et à la formation tout au long de la vie, à La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne), membres de l’association-réseau national Prisme (Promotion des initiatives sociales en milieux éducatifs)

Nous avons enseigné pendant vingt ans à tous les niveaux de l’Education nationale, puis nous avons coopéré à l’éducation des jeunes et des adultes comme élus locaux, parlementaires, membres du gouvernement ou comme responsables au sein d’administrations centrales.

Nous constatons que, malgré les efforts de beaucoup d’enseignants, l’école française va mal. Ses résultats régressent dans les comparaisons internationales. Elle laisse beaucoup trop de jeunes, issus des familles les moins favorisées, au bord du chemin.

Notre conviction aujourd’hui est que, pour répondre à ce défi, l’action éducative demande la coopération de toute la société : enseignants, parents, collectivités territoriales, associations doivent travailler ensemble pour tirer profit de tout ce qu’apprennent les jeunes, qui passent moins de 800 heures par an en classe sur quelque 5 500 heures d’activité.

C’est au plan local que cette coopération peut et doit s’organiser, par des contrats éducatifs qui permettront de valoriser les compétences acquises par les jeunes à l’école et au dehors. Cette conviction s’exprime depuis plusieurs années (projets éducatifs locaux, projets de réussite éducative…), et concerne surtout le hors temps scolaire, sans être prise en compte dans l’action de l’école. Mais les résultats sont insuffisants. Il faut aller plus loin, vers un projet local concerté et cohérent, adapté au terrain et réunissant les compétences de tous les acteurs publics.

Un exemple : en Seine-et-Marne, le taux d’encadrement en primaire est le plus faible de tous les départements métropolitains, le taux de réussite au baccalauréat se situe en dessous de la moyenne nationale, le taux de poursuite d’études supérieures reste inférieur de 10% à la moyenne nationale.

C’est pourquoi le conseil général a organisé, le 8 décembre, les Assises de la réussite éducative en Seine-et-Marne, à partir d’une enquête auprès des collégiens de cinq collèges représentatifs. Le 23 mars, le conseil général adoptait le «Manifeste pour le droit à la réussite des élèves seine-et-marnais».

Le conseil général démontre, par cette démarche, son intention d’appréhender d’une manière citoyenne des problématiques comme le décrochage scolaire, les différentes aides à apporter aux établissements, aux élèves les plus en difficultés et à leurs familles. Ce format, qu’on retrouve ailleurs en France, pourrait constituer la base de rencontres éducatives territorialisées regroupant les différents acteurs concernés par l’éducation partagée, soucieux de participer à la refondation de l’Ecole.

Le débat ouvert par le gouvernement afin de préparer la loi d’orientation et de programmation pour «refonder l’école» est l’occasion d’avancer en ce sens, s’il s’articule bien avec le débat annoncé pour la troisième phase de la décentralisation.

La loi d’orientation et de programmation guidera en effet l’action des collectivités territoriales à travers plusieurs sujets importants. Ainsi, quel rôle sera celui du collège si «l’école du socle commun» prend forme sur toute la durée de la scolarité obligatoire ?

Assurer la continuité entre l’école maternelle (et plus largement la petite enfance) avec l’école primaire et le collège unique impliquera la mise en réseaux effective des écoles et des collèges, avec, sans doûte, la création de structures de concertation, de coordination, sinon de décisions. On peut, en effet, imaginer que la référence aux cycles d’apprentissage devienne la règle d’organisation pédagogique et que, par exemple, le CM2, la 6e et la 5e se suivent sans rupture dans une école qui fait avancer au lieu d’éliminer.

Bref, refonder l’école implique d’abord que l’on refonde l’école maternelle, l’école primaire et le collège, tel un tronc commun de la scolarité obligatoire afin de réduire les fragmentations administrative et pédagogique.

Autres questions essentielles :

-Quelle forme et quelles missions pour un grand service public de l’orientation scolaire et professionnelle ? Sachant que les élèves et leurs parents sont concernés dès la classe de 3e.

-Quelles politiques peuvent être mises en œuvre par l’Etat et les collectivités territoriales pour lutter contre le décrochage scolaire ? La sortie sans diplôme ou sans qualification de 20% d’une classe d’âge chaque année est un échec national, qui s’aggrave dans la comparaison internationale.

-Quels seront les nouveaux rythmes de vie de l’enfant : à la journée ? à la semaine ? à l’année ?

-Comment assurera-t-on la nécessaire harmonisation entre le temps de l’enfant et le temps des parents (et les conséquences sur l’organisation des transports scolaires, de la restauration scolaire, des activités éducatives, sportives et culturelles…) ?

-Quelle nouvelle politique en faveur de la scolarisation en milieu rural ?

-Quelles formes d’accompagnement des jeunes et de leurs familles dans les «territoires rurbains» ayant, de plus en plus, des caractéristiques sociales semblables à celles des quartiers dits «politique de la ville» ?

Une véritable refondation implique des réponses fortes et nouvelles à ces questions, dans une forme nouvelle de coopérations transversales. Et comme on vient de le voir, tous ces actes de refondation qui engageront l’action de l’Etat et son ministère de l’Education nationale engageront aussi l’action des collectivités territoriales dans leurs choix de politique éducative.

C’est pourquoi, il paraît indispensable – condition de la réussite de «la refondation de l’école» – que les projets de loi marquant une nouvelle phase de la décentralisation soient examinés et discutés en concomitance avec le projet de loi d’orientation et de programmation de l’école.

– Quelle sera demain la nouvelle carte politico-administrative de la France ? Les départements, les régions et les intercommunalités ont besoin que soient clarifiées et redéfinies leurs compétences. Et l’éducation sera au cœur des choix.

-Quels territoires pour définir les projets éducatifs et sociaux pertinents ?

-Quelles nouvelles coopérations instaurer pour mieux répondre aux besoins de notre jeunesse et de leurs familles ?

Les collectivités territoriales sont déjà fortement engagées dans le temps scolaire des élèves; elles le sont encore plus hors du temps scolaire. Toute refondation de l’école aura nécessairement des conséquences immédiates dans la réalisation des projets éducatifs, artistiques, sportifs, citoyens, avec : le concours du monde associatif de l’éducation populaire, des mouvements de jeunesse, des sports ; la participation renforcée des parents d’élèves et celle des jeunes eux-mêmes ; la reconnaissance effective des personnels des collectivités comme des agents éducatifs de plein exercice.

D’autre part, les collectivités sont incontournables pour les nécessaires investissements permettant l’appropriation des supports et outils numériques. Il conviendra aussi de penser ou repenser les locaux scolaires comme espaces culturels et sociaux du quartier, du village. Vaste chantier sans lequel la refondation de l’école ne trouvera pas son véritable sens sociétal.

Si l’Etat est le garant de l’égalité de tous devant la loi, les collectivités territoriales sont dans l’attente de règles et de mesures de péréquation financière et fiscale. Une nouvelle loi de décentralisation devra éviter que se poursuivent les inégalités entre les territoires (on cite souvent l’exemple de la commune dotée d’une piscine voisine d’une autre qui n’a qu’une mare aux canards !). L’inégalité entre les territoires ne peut qu’aggraver les inégalités entre les citoyens, et d’abord entre les enfants. La réussite des jeunes a besoin de toute la société.

www.prisme-asso.org

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