PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

PETIT GLOSSAIRE A L’USAGE DES PARTAGEURS D’EDUCATION … L’éducation ne se borne pas à l’enfance et à l’adolescence. L’enseignement ne se limite pas à l’école. Toute la vie, notre milieu est notre éducateur, et un éducateur à la fois sévère et dangereux. (Paul Valéry / Variété, 1924-1944) Les mots ont un sens, sens qui dépend de ce qu’ils expriment et du contexte dans lequel ils se situent. La notion, le concept, d’éducation partagée mène inévitablement à quelques questions cruciales sur lesquelles le voile du consensus flou ou mou doit être déchiré ! Ce vaste champ de l’éducation recouvre une multitude de fonctions qui supposent d’être identifiées et définies à partir de deux interrogations fondamentales pour lesquelles les réponses ne vont pas d’elles mêmes : – qu’est-ce que l’éducation ? – qu’est-ce qu’éduquer ? Réponses immédiatement suivies de deux autres questions : – où s’éduquent aujourd’hui les enfants et adolescents? – où sont-ils éduqués et par qui ? En effet parler d’éducation partagée c’est d’abord envisager l’enfant (mais aussi l’adolescent et l’adulte) comme un être global et donc rechercher complémentarité et cohérence des attitudes éducatives à son égard. En ce sens, l’enfant se situe bien au centre des préoccupations tant individuelles (les agents de l’éducation) que collectives (les acteurs et les institutions). Préoccupations qui supposent des choix de valeurs et de convictions pouvant se résumer en : quel homme (et femme) chacun veut former, quelle femme (et homme) la société veut fabriquer…. EDUCATION Le terme renvoie aux trois dimensions sous entendues par l’éducation d’une personne : la société, le temps et l’espace. L’éducation consiste à favoriser le développement aussi complet que possible des aptitudes de chacun, à la fois comme individu et comme membre d’une société régie par la solidarité. Une définition trop générale pour trancher la question car elle met en jeu l’éthique, les conceptions (religieuses et/ou philosophiques), la morale, les croyances, les représentations de chacun comme de chaque groupe social. C’est si vrai qu’une liste impressionnante de synonymes illustre les diverses conceptions, parmi lesquels on trouve : apprendre, apprivoiser, civiliser, conduire, cultiver, discipliner, dresser, développer, enseigner, entraîner, former, guider, instruire, nourrir, policer, préparer, élever. Derrière ces mots, éduquer et éducation, chacun met un contenu qui peut être fort différent, surtout si on se réfère à une philosophie ou une idéologie ou une religion, les différences s’accentuent. Mais chacun y met aussi des attitudes et des pratiques qui ont à voir avec l’autorité, la conception de l’enfance, l’obéissance ou la nature… Un vaste champ de conflictualité s’ouvre alors, qui mérite d’être déminé en acceptant d’approfondir ensemble le contenu que l’on donne à ces termes. En définitive l’éducation consiste en la mise en œuvre des moyens propres à assurer la formation et le développement d’un être humain, à le conduire et l’accompagner dans ses apprentissages cognitifs, techniques, artistiques, sociaux et comportementaux. Deux verbes peuvent résumer toutes les facettes de l’éducation : dresser et élever ! Dresser c’est-à-dire apprendre à se tenir droit (devenir autonome et responsable de soi), élever c’est-à-dire s’humaniser et se civiliser (par la reconnaissance de l’autre et des valeurs collectives du vivre ensemble). Reste à préciser si cette éducation est impositive (éduquer) ou participative (s’éduquer), c’est-à-dire quelle place occupe l’éduqué dans son éducation…. Question qui ne peut pas faire l’économie de l’analyse de l’évolution des formes familiales et notamment l’évolution du "statut" de l’enfant et de l’autorité parentale. EDUCATION FORMELLE, INFORMELLE, NON FORMELLE Si l’on observe les diverses fonctions éducatives on constate qu’elles s’exercent au sein de trois grands types d’activités encadrées, spontanées, naturelles ou choisies. L’éducation formelle est donnée et reçue dans des cadres fixes, publics ou privés, comme l’Ecole, le système scolaire, les Universités ou Instituts. L’éducation non formelle s’effectue dans des institutions, organismes ou systèmes non scolaires ou académiques ayant cependant l’objectif explicite d’une fonction d’éducation, d’une partie de l’éducation comme la famille, l’éducation populaire, les centres spécialisés, les musées, les conservatoires, les centres de formation, les auto-écoles… Quant à l’éducation informelle elle se situe dans des cadres ou activités n’ayant pas de finalité éducative particulière explicite comme les clubs, les associations, les médias, les entreprises….mais aussi la rue, les couloirs, les cages d’escalier, les cafés….. L’éducation partagée consiste donc à regarder ces diverses fonctions et formes pour les mettre, non pas en complémentarité ou dépendance mais en relation et cohérence. COEDUCATION et/ou EDUCATION PARTAGEE Le concept ou la notion de coéducation concerne en premier lieu ce que l’on appelle la mixité, plus précisément l’éducation commune des filles et des garçons ensemble. N’oublions pas qu’il a fallu attendre les années 50/60 pour que l’enseignement des filles et des garçons ne soit plus séparée! Au sens strict la coéducation a pour origine l’éducation des filles avec les garçons, ce qui fut une formidable évolution des mentalités. Par extension elle se définit en tant que partage entre l’éducateur et les parents, en co-opérateurs, dans les activités proposées ou encadrées dans une double dimension individuelle et collective : l’enseignant avec les parents de tel élève, l’Ecole comme structure avec les familles. Double dimension essentielle l’une pour la relation éducative singulière "personnalisée" (avec ses prolongements en terme de parcours individuel et au delà le concept d’accompagnement), l’autre pour l’action éducative (avec les références de socialisation et de solidarité, l’intérêt général et au delà le projet d’établissement). Dans tous les cas il s’agit d’une relation duelle, entre individus (parents/enseignants) et/ou entre institutions (familles/Ecole), qui s’établit pour une ou des fonctions éducatives spécifiques (en l’occurrence l’enseignement) où chacun des co éducateurs reconnaît et accepte le rôle et la place de l’autre. Les programmes pour l’école primaire précisent que « …les enseignants partagent avec les parents l’éducation des enfants qui leur sont confiés ». Cette situation impose confiance et information réciproques où le terme de confier est essentiel, non seulement pour la confiance, mais surtout pour réfléchir au rôle de l’enseignement et la définition de l’Ecole. En effet "l’instruction obligatoire" (c’est à dire l’obligation affichée par la loi d’instruire les enfants – et non l’obligation des enfants d’aller à l’Ecole) s’impose à toute la société, donc aux parents. L’Etat, lui, a pour mission de réaliser cette obligation et de contrôler qu’elle est respectée. Le contenu de cet enseignement est fixé par l’Etat selon des procédures fondées sur la notion de connaissances, de savoirs (théoriques et pratiques) qu’il ne serait pas juste d’ignorer mais fondées aussi sur les notions de scientificité et de libre examen. En ce sens la société politique impose aux familles de se dépouiller de leur fonction d’enseignement et de la déléguer à des professionnels. Pour être en accord avec la liberté individuelle -et la reconnaissance que la famille conserve le droit d’éduquer selon ses convictions- la liberté de l’enseignement permet aux familles le libre choix du lieu et du mode d’enseignement. Conséquence: les enseignants interviennent et agissent sur la base d’une double logique, celle de programmes (et de règles) décidés au nom de la société dans son ensemble et celle du consentement des familles. La coéducation ne se limite pas uniquement à l’enseignement : la famille peut entrer en dialogue avec d’autres éducateurs, pour d’autres fonctions éducatives (culturelles, sociales, sportives, artistiques…). M ais dans tous les cas les parents demeurent l’un des deux coéducateurs et la difficulté réside dans l’obligation d’une recherche constante d’entente et de complémentarité entre parents et enseignants, entre parents et éducateurs, entre parents et animateurs dans le respect de la spécificité et du rôle de chacun. D’autant plus que la forme scolaire publique, comme les diverses formes (centres de loisirs, clubs, patronages…) visent autant à aider ou suppléer les familles qu’à leur "arracher" une part de l’éducation et donc à passer d’une éducation individuelle à une éducation collective. D’autre part cette co-éducation consentie, peut se traduire par des attitudes contradictoires soit de « démission confiante » soit de « consumérisme exigeant ». EDUCATION PARTAGEE Si la coéducation peut se définir comme une première démarche de partage entre les familles et l’école, l’éducation partagée est tout autre chose puisque c’est une conception globale qui prend sa source dans la globalité de l’enfant (et de l’adolescent), qui est le même dans toutes ses activités, tous ses temps et tous ses lieux. L’éducation partagée c’est mettre en relation les diverses fonctions éducatives et les diverses activités éducatrices, c’est mettre en cohérence et en articulation les divers moments et divers lieux (donc institutions et acteurs) où le jeune s’éduque (où il apprend et où on lui apprend). L’éducation partagée dépasse le seul dialogue Famille Ecole et ne s’y réduit pas, ne serait-ce que parce que tout le reste influe sur la perception, que se fait l’enfant, de la famille et de l’Ecole. L’éducation partagée suppose une réflexion sur toutes les fonctions éducatives à assurer AUJOURD’HUI, sur qui les assure, dans quel cadre et sous quelles formes, en laissant toujours le libre choix aux familles. C’est pourquoi, l’éducation ne peut plus être centrée uniquement sur deux pôles (la Famille, l’Ecole), tout le reste n’étant que complémentaire, voire péri scolaire. Un seul pôle doit être pris en référence : l’enfant qui s’éduque, ses besoins et ceux de la société. Le point de vue de cet enfant, de cet adolescent, qui s’éduque tout au long de sa journée en traversant des moments et des lieux différents est celui qui fonde la nécessité de l’éducation partagée non pas en tant que « cible » (sauvage ou barbare à coloniser) mais comme « personne qui se construit » et qui construit son monde. Il s’agit en particulier de laisser des espaces de liberté, d’ennui, d’autonomie, d’aventure à chaque enfant ou adolescent et non pas transformer le dialogue en encadrement systématisé et en enfermement dans un contrôle absolu des temps de l’enfant. L’éducation partagée signifie que parents, enseignants, médecins, policiers, éducateurs, animateurs, travailleurs sociaux… interviennent dans l’espace éducatif de l’enfant qui en est l’acteur majeur. Un espace éducatif qui est composé du logement, de l’école, du stade, du bus, des commerces, des rues et places… autant de lieux où s’effectuent les apprentissages, notamment des relations sociales et interpersonnelles Coéducation, partenariats et partage d’éducation, exigent de se concerter pour définir les territoires et spécificités de chacun des intervenants. L’éducation partagée se comprend comme la réunion de différents acteurs de l’éducation pour tenter de proposer et de réfléchir ensemble à l’éducation des enfants et adolescents dans une cohérence des modes d’approche mais surtout pas dans une uniformité des modes d’intervention. Ce qui suppose de réfléchir ensemble non plus sur « comment agir sur l’autre » mais « comment agir avec les autres ». C’est à dire trouver le terrain commun sur lequel des adultes de nature différente et aux fonctions ou aux rôles différents doivent s’accorder et opérer. Sur ce plan l’éducation partagée ne peut s’enraciner que sur le territoire de vie des enfants et adolescents et que s’intégrer dans les diverses formes d’une éducation tout au long de la vie. L’éducation partagée n’est-elle pas la réponse d’aujourd’hui au constat de Montesquieu en son temps : « Aujourd’hui nous recevons trois éducations différentes ou contraires : celle de nos pères, celle de nos maîtres, celle du monde. Ce qu’on nous dit dans la dernière renverse toutes les idées des premières ». JCG mars 2006

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