PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

La « nouvelle politique pour les banlieues« , rendue publique le 8 février 2008, avait été annoncée comme un plan Marschall, un plan « Espoir banlieue ».
Les ambitions ont été revues à la baisse. La réforme a, certes, le mérite d’exister et d’avoir débloqué des crédits. Il faut aussi reconnaitre qu’elle se heurte à des difficultés ancrées depuis longtemps dans notre société.

Mais plusieurs préconisations des groupes préparatoires sur le « décrochage scolaire » et « la parentalité« , réunis au Secrétariat d’Etat à la politique de la ville, n’ont pas été reprises. De même, la réflexion du groupe « Jeunes et banlieues« , au ministère du Logement et de la Ville, ne semble pas avoir inspiré les rédacteurs du Plan Banlieues.

Quant aux associations, elles regrettent la place fort modeste qui leur a été réservé. En vérité, la réforme affiche une liste de mesures qui se veulent réparatrices « des échecs passés » : sécurité des quartiers, dispositifs de la deuxième chance, internats, entreprises d’insertion…

Le Plan Banlieues regroupe quelques bonnes pratiques. Toutefois, nombre d’actions existantes, novatrices et efficaces, ne sont pas valorisées – la réussite éducative et le tutorat par exemple.

Des dispositifs qui ont trouvé leur caractère opérationnel sont passés sous silence : système d’information adaptés aux demandes des parents et des jeunes, lieux d’écoute et réseaux de téléphonie sociale, cafés et maisons des Parents, guichets uniques pour centraliser les démarches relatives à l’éducation et à la formation, antennes itinérantes pour aller au plus près des adolescents et des familles, tutorat étudiant…

On peut également sinterroger sur le fait que les mesures de médiation, d’appui et d’accompagnement des familles n’aient pas été mentionnées, ni celles visant à l’accès aux institutions. Les groupes de travail avaient souligné l’importance du droit à la mobilité des jeunes, la nécessité de diversifier les méthodes d’apprentissage, notamment en recourant aux nouvelles technologies, le désenclavement des quartiers bien au-delà des seuls moyens de transport…

Le « busing », qui a été pratiqué aux Etats-Unis à partir des années 1970, a obtenu des résultats mitigés, car le déplacement  » physique » ne suffit pas. Il devient même traumatisant et humiliant, lorsqu’il ne s’accompagne pas d’un travail sur les codes sociaux et culturels.

Les associations s’attendaient à débattre de questions fondamentales : la politique des quartiers rejoindra-t-elle le droit commun ou bien accentuera-t-elle le ciblage sur des territoires et des publics spécifiques ? Quelle politique de la ville pour favoriser les interactions périphéries/centres urbains et avec les zones rurales ou intermédiaires ?

Il ne suffit pas de proclamer le « vivre ensemble » et la « réussite de tous » si l’on ne précise pas les moyens d’y parvenir. Le souhait de Nicolas Sarkozy que « la deuxième chance devienne pour notre République(…) une priorité comme l’école primaire le fut jadis pour la Troisième République » a surpris. Comment comparer l’obligation scolaire, d’intérêt général, à une politique centrée sur l’échec ? Si l’égalité passe nécessairement par des mesures compensatrices des inégalités et des politiques incitatives en direction des plus défavorisés, elle suppose aussi de combattre la stigmatisation sociale.

Ainsi, le recensement des élèves décrocheurs n’a de sens que pour leur garantir un droit à l’éducation, non pour établir une liste des « jeunes à problème ».

Le risque d’un Livret qui accompagne l’enfant, de la maternelle au premier emploi, est de reproduire la disqualification sociale de certains quartiers, établissements ou filières de formation ! La vigilance s’impose d’autant plus que le Plan Banlieues met au premier plan le volet sécuritaire et la prévention de la délinquance, avec un contrat de responsabilisation parentale sous la menace de suspension des allocations familiales.

Les internants de réussite éducative sont présentés comme une solution phare, alors qu’ils coûteront fort cher à la collectivité et qu’ils entérinent la rupture avec les parents.

Une politique efficace dans les banlieues réclamait une politique cohérente de la jeunesse, des mesures de soutien et d’accompagnement des familles, un travail intergénérationnel.

Or, il a été fait peu de cas des associations, dont les savoirs-faire sont essentiels à des actions complémentaires de l’Ecole. Croit-on vraiement que l’on prévient le décrochage scolaire en proposant à des adolescents fâchés avec l’institution un soutien qui ressemble à ce qui leur a fait fuir l’école ?

Le développement des partenariats dans la co-éducation contribuerait plus sûrement à prévenir les difficultés et à ouvrir l’école sur la « vraie vie », à renouer les liens entre jeunes et adultes, y compris avec les étudiants à la fois proches et déjà citoyens.

Il est temps de restaurer la vertu cardinale de la démocratie : la confiance.

Jacqueline COSTA-LASCOUX, Directrice de recherche au CNRS, Présidente de la Fédération Nationale des Ecoles, des Parents et des Educateurs

[www.afev.org->http://www.afev.org]

Print Friendly
Categories: Généralités

Répondre