PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

QUELLE FORMATION DES ENSEIGNANTS POUR QUEL METIER ENSEIGNANT ?

Jean-Louis AUDUC juin 2006

50% des enseignants vont être renouvelés dans 10 ans qui viennent. C’est un défi important pour le système éducatif.
30 000 à 40 000 enseignants vont être recrutés chaque année pendant cette période pour les écoles, collèges et les lycées.
Le professeur recruté en 2004 enseignera, s’il le veut, jusqu’en 2045 et cette année-là, il enseignera à des jeunes qui seront encore au travail en 2100.C’est donc au travers de leur formation initiale et continue, tout le XXIe siècle qui est en cause……

Les nouveaux enseignants sont souvent très critiques sur leur formation initiale.

Il apparaît ainsi fondamental en formation de permettre aux jeunes enseignants de leur donner des « comment » et de ne pas les fragiliser avec des « pourquoi ?».
Il est important que les jeunes enseignants aient les réponses au moment où ils se posent les questions et non en décalage.

L’enjeu d’une meilleure insertion des jeunes enseignants dans les établissements est donc décisif. Il faut travailler l’accueil, l’insertion des néo-titulaires dans les établissements en rompant avec toutes les pratiques de « bizutage » comme donner aux nouveaux les classes dont personne ne veut.
On entend souvent : Il ne faut pas affecter les débutants dans des établissements accueillant des populations jugées « difficiles ».
Je pense qu’il faut pondérer ce principe.
Il y a de tels établissements qui sont très formateurs, avec de bonnes équipes, un véritable sentiment collectif.
« Il faut permettre au jeune enseignant de « penser le local » en ayant présente à l’esprit la politique nationale de l’institution à laquelle il appartient qui doit assurer une même qualité d’enseignement sur tout le territoire ».

Il est également important de s’interroger sur les grandes réformes à apporter à la formation initiale enseignante qui ne peut en rester à la situation actuelle afin de permettre aux jeunes professeurs d’exercer un métier de plus en plus complexe et de permettre une meilleure réusite des élèves..

I) Il y a rupture, grand écart, voire contradiction entre les deux moments où le jeune se sent « entrer dans le métier » :
• La réussite au concours
• La prise en responsabilité comme titulaire de sa première classe.

Ce grand écart , qui s’accroît compte tenu des mutations du système éducatif et des difficultés existant dans nombre d’établissements est à combattre .

Est-il normal que l’entrée dans le métier enseignant se caractérise par un changement radical de posture entre ce qu’ont été les études universitaires , la préparation au concours et la réalité du travail à exercer, de la mise en apprentissage des élèves ?

La formation en France est organisée historiquement sur le mode SUCCESSIF, notamment pour le second degré où les concours ont un âge respectable : l’Agrégation date de 1766 et le CAPES de 1950……

On reçoit d’abord une formation académique à l’Université, puis, après, une formation professionnelle à l’IUFM.
Cette organisation impose au stagiaire un changement de posture radicale d’une année sur l’autre..
Il doit ainsi se montrer capable de transmettre des savoirs, de mettre des élèves en apprentissage alors que l’année précédente, ils cultivaient les savoirs pour eux-mêmes hors de toute perspective éducative.

Dans d’autres pays européens, on a une formation SIMULTANEE. On se forme en même temps pendant la durée de ses études dans les domaines académique et professionnel sans changement radical de posture.

II) Il faut donc interroger :

a) la place et les contenus des concours de recrutement

Est-ce que les concours de recrutement tels qu’ils sont conçus actuellement répondent aux défis posés par l’exercice du métier enseignant ?
La réponse apparaît négative face à ce qu’est aujourd’hui la réalité du travail enseignant et les exigences d’une professionnalisation accrue des enseignants.
Les concours de recrutement, notamment ceux du second degré, devraient ne plus être exclusivement tournés vers l’amont de la formation universitaire, mais comprendre des épreuves tournées vers l’aval, c’est-à-dire, vers le métier qu’ils doivent exercer.

b) la construction d’une identité professionnelle à travers une véritable alternance

Il faut permettre au futur enseignant de se construire une identité professionnelle qui s’appuie sur des savoirs, des savoir-faire, et des gestes professionnels.
Ceux-ci se construisent dans deux pôles :
– A l’IUFM, pour acquérir des savoirs scientifiques et disciplinaires, la connaissance des programmes d’enseignement, des compétences techniques ; il analyse ses pratiques et échange avec les formateurs et les autres professeurs stagiaires.
– Dans des établissements scolaires , il assure d’une part des enseignements et exerce, avec les soutiens nécessaires, la responsabilité dans une classe et prend, d’autre part, sa place dans un établissement particulier. A ce titre, l e professeur stagiaire acquiert une capacité propre d’expertise.

Une meilleure articulation entre ces pôles de formation est indispensable. Il faut permettre au jeune enseignant de « penser le local » en ayant présent à l’esprit la politique nationale de l’institution à laquelle il appartient : le service public de l’éducation nationale qui doit assurer une même qualité d’enseignement , dans le respect de programmes et de règlements nationaux sur tout le territoire. Il faut ensuite que l’IUFM soit le lieu des réponses que le professeur stagiaire se pose , mais aussi le lieu où il est en mesure de faire état de ses premiers choix comme autant de parcelles d’un savoir professionnel légitimé par l’expérience.

L’année de stage est une année de démarrage de la formation et non un fin en soi. L’IUFM ne peut prétendre former un enseignant « fin prêt » d’où l’importance de l’accompagnement à la prise de fonction et de la formation continue.

III) Pour qu’une formation soit efficiente, il faut que le stagiaire soit en situation de se projeter dans son métier futur.
Cet investissement est-il possible avec les concours actuels ?

Peut-on considérer que c’est le même métier que d’enseigner à des jeunes de 2 ans ou à des jeunes de 11ans ?
A des jeunes de 12 ans ou à des jeunes de 21 ans ?

Les jeunes qui sur un an va faire trois stages dans chacun des cycles du primaire peut-il se projeter dans l’exercice concret de son métier futur ?
Peut-on sérieusement travailler sur la psychologie de l ˜enfant de 2 à 11 ans, comme si c’était la même pour toutes les enfants de toutes les classes du primaire ?
En fait , on voit bien qu’avec les textes actuels, on est contraint à deux mauvais choix :
– un « saupoudrage » de psychologie de l’enfant avant chaque session de stage dans un des trois cycles du primaire
– une approche d’un jeune « virtuel » de 6/7 ans alors que le futur enseignant pourra se retrouver avec des enfants de 3/4ans ou des jeunes pré-adolescents de 10-11ans

C’est exactement la même situation pour les enseignants du second degré concernant la psychologie de l’adolescent.
Peut-on sérieusement travailler sur cette question, alors que le professeur-stagiaire des lycées et des collèges peut se retrouver nommé de la 6e à Bac+2, soit avec des jeunes de 12 ans ou des adultes de 21 ans ?

Ne serait-il plus judicieux de prévoir une définition du métier répartis non plus sur deux métiers : professeur des écoles (PE), professeur des lycées et collèges (PLC), mais sur des options de niveaux permettant une meilleur approche de la psychologie de l’enfant ou de l’adolescent ?

Par exemple, on pourrait avoir :

Un concours de recrutement de professeur des écoles avec une partie commune et deux options :
– un enseignant de la maternelle et du CP, susceptible d’enseigner à des jeunes de 2/3 ans à 6/7 ans
– un enseignant de l’élémentaire ( CE1, CE2, CM1)polyvalents avec dominante lettres ou sciences ou langues vivantes

Un concours de professeurs des lycées et collèges avec une partie commune et deux options :
– un enseignant de l’école moyenne ( CM2, 6e,5e,4e) ;
– un enseignants de lycée et de classes post-bac (3e,2de, 1ere, Terminale)

Avec des enseignants qui auraient l’assurance d’être formé à exercer sur des classes représentant environ 4 ans du cursus du jeune, on aurait sans une meilleure assurance qu’il puisse se projeter sur son futur exercice du métier et qu’il puisse suivre avec quelque intérêt des formations sur la psychologie de l’enfant ou de l’adolescent qui n’apparaîtront pas éloignées de son « réel ».

Ne faut-il pas casser les ruptures de la formation « successive » ?
Ne faut-il pas diminuer les ruptures entre formation académique et formation professionnelle en développant la préprofessionnalisation à l’université et en modifiant les concours pour mieux les articuler avec le métier enseignant ?

Ne faut-il pas allonger le temps de formation professionnelle des enseignants stagiaires pour leur permettre de mieux mettre en apprentissage les élèves et de mieux se sentir au sein d’une équipe, d’un projet d’établissement en articulant le centre de formation et l’établissement scolaire ?

IV) Exercer des responsabilités, c’est aussi gérer l’appartenance à un collectif et la liberté pédagogique que possède chaque enseignant.

Le projet d’établissement peut être l’outil permettant à de jeunes enseignants de s’intégrer dans les choix pédagogiques de l’établissement et d’être partie prenante d’un collectif.
Individuellement et collectivement, les enseignants exercent une responsabilité importante : celle d’orienter le jeune.

Cette responsabilité implique notamment d’articuler diverses démarches dans le cadre du projet d’établissement et de travailler en partenariat , en réseau avec divers personnels dans et hors de l’établissement. Elle nécessite que l’enseignant s’informe sur les métiers, les formations y conduisant ………..

Le jeune enseignant doit être mis en situation de travailler avec tous les membres de la communauté éducative : personnels administratifs, ouvriers , de service, personnels d’éducation, de surveillance, parents, personnels de direction, représentants des collectivités territoriales, etc…..

La cohérence de l’action des adultes de l’établissement ( Personnels de direction, d’éducation, enseignants, administratifs, ouvriers, sociaux….) est une nécessité.

Faire que tous les adultes de l’établissement aient un discours cohérent est un enjeu important pour toute la communauté éducative.
Cela implique que chacun, de l’aide éducateur à l’enseignant, du personnel administratif à l’équipe de direction, soit conscient qu’ :
– il faut une cohérence entre le dire des discours et le faire du travail quotidien ;
– il est nécessaire que chacun dans ses activités applique les mêmes règles que l’autre, ait le même seuil de tolérance concernant ce qui est inacceptable, non négociable.
Il est fondamental que l’élève ressente que tout l’établissement, toutes les heures de cours fonctionnent selon les mêmes règles. Les règles fonctionnant dans l’école n’étant déjà pas les mêmes que celles fonctionnant dans la rue, dans la cité ou évoquées dans les médias, il est difficile de pour les élèves de se les approprier, s’ils ressentent que, concernant par exemple les retards , le rendu des devoirs, les injures, il y a une règle en français, une en mathématiques, une en EPS, etc…

Cela ne peut que déstabiliser les jeunes et rendre plus difficile l’exercice du métier enseignant. Cette caractéristique des établissement français où la règle varie souvent selon les enseignants apparaît dans les enquêtes internationales comparatives.
La construction d’un seuil de l’intolérable commun à toute l’équipe éducative implique la construction d’un compromis entre tous les personnels où chacun apporte sa vision mais accepte de pratiquer, dans sa classe, dans son atelier, la loi commune. Il faut se garder de penser qu’un simple consensus sans réflexion de toute l’équipe de l’établissement puisse y suffire.

Le développement d’une véritable communauté éducative regroupant tous les acteurs d’un établissement , quelles que soient leurs origines, leurs philosophies, leurs croyances est le meilleur antidote contre les replis communautaires.

V) L’enjeu de l’accompagnement à la prise de fonction et de la formation continue pour permettre à l’enseignant de mieux répondre aux difficultés scolaires des élèves :

• La première année d’exercice, doit permettre au néo-titulaire de bénéficier d’heures de formation adaptées aux réalités du terrain et à ses questionnements. Il doit pour se faire bénéficier d’une décharge de service ;
• Compte tenu du fait que la première année d’exercice , le néo-titulaire n’a pas toujours un poste fixe, un volant d’heures d’accompagnement à la prise du premier poste fixe doit être prévu ( 3 heures de décharge sur un an ) pour permettre notamment de travailler sur les réponses susceptibles d’être apportées aux élèves en difficulté.
Dans les établissements classés « éducation prioritaire », un accompagnement « long » doit être prévu, lié à des stages de formation continue sur des thèmes comme :
– Analyse des difficultés des élèves
– Partenariat avec les associations, les autres services publics présents sur le territoire qui peut passer par des formations communes interministérielles.
– Quels effets ? Quelles évaluations des pratiques innovantes en direction de certains élèves ?

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