PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Lors des Assises de l’apprentissage qui se sont tenues ce 19 septembre à l’Elysée le président de la République a prononcé un important discours programme. Nous le reproduisons intégralement ici, assortis de quelques commentaires

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Je voudrais d’abord remercier toutes les personnalités qui ont permis le succès de cette réunion, parce que c’est un succès de faire que l’ensemble des partenaires sociaux, que le gouvernement et les ministres qui en ont la responsabilité, que les régions, que les chambres consulaires, que les principaux acteurs de la formation publique comme privée, se soient non seulement rencontrés mais se soient rassemblés sur un même engagement : un engagement national pour le développement de l’apprentissage.

La conférence sociale avait au moins, en juillet dernier, abouti à ce constat et à cette obligation faite à notre pays : faire que nous puissions insérer davantage de jeunes ; répondre davantage aux besoins de l’économie et permettre que nous puissions réduire le chômage et assurer ainsi la cohésion nationale. C’est sur ces enjeux-là qu’il y a pu y avoir ce travail qui aboutit aujourd’hui à des conclusions.

Il y a à peu près 420.000 jeunes qui sont en parcours d’alternance ou d’apprentissage, c’est trop peu. D’ailleurs la tendance en 2013 a été plutôt à la baisse, comme pour les contrats de professionnalisation. Si nous comparons la situation de la France en terme d’alternance et d’apprentissage, par rapport à de grands pays, nous constatons qu’en Allemagne, un jeune sur quatre est en apprentissage ; au Danemark, un jeune sur cinq; en France un jeune sur huit ou dix.

Les derniers chiffres des sept premiers mois de 2014 confirment une tendance baissière pour l’apprentissage (voir Apprentissage : une baisse de 11,8 % des contrats sur le sept premiers mois de l’année); alors que nous n’avons aucun chiffre pour l’année 2014 concernant la professionnalisation, ce qui est pour le moins détestable (voir   Apprentissage : comment piloter une politique sans chiffres ?)

Ce n’est donc pas le résultat que l’on peut espérer pour notre pays. J’ai fixé un objectif : 500.000 apprentis d’ici 2017. Mais il a été rappelé, à juste raison, que ce qui compte c’est moins le chiffre lui-même que la qualité des formations qui peuvent être dispensées et l’accompagnement, le suivi, le savoir, qui vont pouvoir être transmis pour permettre à ces jeunes d’accéder à un emploi et disposer d’un véritable métier.

Cette fois, François Hollande ne fait pas de l’objectif quantitatif le seul critère d’appréciation de la réussite d’une politique. Il semble que l’épisode douloureux de l’inversion de la courbe du chômage ait conduit à une heureuse prudence. Quant au chiffre de 500 000 apprentis en 2017, dont il est raisonnable de penser qu’il s’applique pour la rentrée 2017 2018, nous saurons s’il est atteint en septembre 2019 à la parution des chiffres du Repères & Références statistiques 2019 (voir Interrogation sur les effectifs de l’apprentissage)

Voilà ce que nous devons faire. Pour y parvenir nous avons besoin du rassemblement de tous, de la mobilisation de tous les acteurs, car tous comptent.

Il y a d’abord, plusieurs leviers qu’il convient d’utiliser.

Le premier, c’est que l’Etat montre l’exemple avec les collectivités publiques. Comment ? En accueillant des apprentis en plus grand nombre qu’aujourd’hui. Il faut savoir que l’Etat forme 700 apprentis aujourd’hui. 700 ! L’objectif, et il est finalement modeste, ce serait que d’ici 2 ans, l’Etat puisse accueillir 10.000 apprentis.

Il convient d’abord d’être exemplaire. Comment essayer de convaincre des entreprises d’accueillir plus d’apprentis, si l’Etat, dans la diversité de ses missions, n’arrive pas à proposer à des jeunes une qualification, une formation et demain un métier ? Un métier qui n’a pas besoin d’être dans l’Etat et qui pourra trouver un débouché dans le secteur privé.

On voit bien où peuvent être d’ailleurs ces missions : aussi bien dans les domaines de l’environnement, que dans l’éducation, que dans l’accompagnement des jeunes ou des personnes âgées. Les hôpitaux et les collectivités locales ont d’ailleurs été en avant-garde pour l’accueil d’apprentis. Je sais que beaucoup s’engagent également dans cette direction.

François Hollande confirme l’objectif donné en juillet lors de la conférence sociale, dans des termes très proches de ceux qu’avait employé Nicolas Sarkozy (voir Apprentissage dans la fonction publique : François Hollande annonce des choses très proches de ce qu’avait annoncé Nicolas Sarkozy cinq ans plus tôt)

Allons nous cette fois dépasser le stade de l’intention ? Rappelons que ce dossier avait été ouvert par Thierry Repentin quand il fut trop brièvement Ministre en charge de la Formation Professionnelle et de l’apprentissage (voir Le développement de l’apprentissage passe par le secteur public et l’économie sociale), puis à nouveau oublié, Michel Sapin se contentant de constater la faible utilisation (voir Apprentissage dans le secteur public : il ne suffit pas de constater la faible utilisation ) et Jean-Marc Ayrault d’engager une nouvelle mission (voir Une nouvelle mission pour développer l’apprentissage dans la fonction publique) dont le rapport annoncé pour comme devant paraître avant la fin du premier trimestre 2014 n’est toujours pas publié de moins à notre connaissance. Avancera-t-on sur  la question de assujettissement du secteur public à la taxe d’apprentissage (voir Assujettir le secteur public à la taxe d’apprentissage) ou en en resterons nous à l’actuel dissuasif paiement de la formation par l’employeur au CFA ? Traitera-t-on la question du différentiel de rémunération de 10 % ou de 20 %  en faveur des apprentis du secteur public par rapport à leurs collègues du secteur privé, dont il est difficile de justifier l’existence aujourd’hui ? Surtout que rien n’est prévu pour les apprentis de niveau supérieur au Bac + 2 ! En tous cas aujourd’hui les derniers chiffres sur les effectifs de l’apprentissage dans le secteur public montrent une baisse de 7,6 % sur les sept premiers mois de l’année 2014 par rapport à la même période de 2013

Comme il s’agit d’un objectif simplement mesurable on souhaiterait, pour pouvoir suivre sa concrétisation, que les statistiques de la DARES qui publient chaque mois le nombre de contrats d’apprentissage signés dans le secteur public individualisent ceux signés par l’Etat

De la même manière, la commande publique devrait tenir compte de la place de l’apprentissage ou plus exactement du nombre d’apprentis, de l’effort de formation de jeunes réalisé par ces entreprises qui soumissionnent aux marchés publics. Ce sera donc une des clauses figurant désormais dans les marchés.

Sur ce point l’annonce présidentielle est la reprise de la demande des Chambres des Métiers, qui ont bien construit leur lobbying pour faire aboutir une revendication dont il n’est pas certain (voir Une nouvelle banalisation de la clause d’insertion avec l’apprentissage) qu’elle n’aura pas des conséquences négatives sur l’effort d’insertion que permet la développement de cette clause. Il va en tous cas être attentif à ce que des exigences en termes de niveau et de publics soient formulées et que l’embauche d’apprentis en master dans les bureaux ne soit pas considérée comme un moyen de répondre à cette clause conçue pour les publics éloignés de l’emploi.

Le deuxième levier, il est financier. Il existe aujourd’hui et le Premier ministre l’avait annoncé lors de la conférence sociale : une aide de 1.000 euros par an pour tout apprenti recruté par une petite entreprise. Et lors de la dernière conférence, une mesure supplémentaire a été adoptée : 1.000 euros de plus pour les entreprises de moins de 50 salariés qui recrute leur premier apprenti à la condition d’être couvert par un accord de branche. C’est un bon principe.

Mais nous sommes à la veille d’une rentrée où nous devons convaincre encore davantage des entreprises pour qu’elles accueillent des apprentis. Aussi je pense qu’il faut faire encore plus simple et encore plus clair.

Pour cette rentrée, le gouvernement proposera que le régime d’aide s’applique à tout recrutement d’un apprenti supplémentaire, que ce soit le premier ou les suivants. Tout apprenti supplémentaire dans une entreprise pourra donc avoir le bénéfice de cette prime, toujours dans la limite des seuils considérés.

Pour les TPE, les petites entreprises, l’aide totale sera donc de 2000 euros par apprenti, de façon à encourager. Je sais que beaucoup de petites entreprises sont très attentives à l’embauche d’un ou de plusieurs apprentis. Cette mesure prendra effet dès cette rentrée, avec une date d’effet au 1er juuillet. Les jeunes peuvent d’ores et déjà aller frapper à la porte des entreprises pour espérer y être accueillis et pouvoir ainsi développer un parcours en apprentissage.

Ce dispositif s’appliquera cette année sans conditions. Mais il ne sera prolongé, pour la rentrée de 2015, que dans les branches professionnelles où un accord de branche aura été signé d’ici le mois de juin prochain. S’il n’y a pas d’accord de branche, il ne pourra pas y avoir l’aide qui est ainsi dispensée.

Il semble cette fois avoir été compris que les dispositions annoncées en juillet et intégrées dans le projet de loi de finances rectificative n’auraient que peu d’impact comme nous l’avons écrit lors de leur adoption (voir Apprentissage : une prime de 1 000 euros au champ d’application limité) L’application immédiate et la prolongation l’année prochaine en cas d’accord de branche est incontestablement préférable à la solution adoptée en juillet qui ne donnait aux employeurs aucune certitude, et n’a probablement au qu’un impact très marginal sur la signature de contrats

On ne pouvait en plus demander au président de la République que ces primes compensaient tardivement et imparfaitement celles qui ont été supprimées par une décision malencontreusement annoncée en juillet 2013 et fondée sur une approche étroitement budgétaire (voir Apprentissage : une annonce de suppression des primes inapplicable, incohérente et inopportune). Souhaitons que cet épisode permette d’obtenir enfin ce que tout le monde sait primordial une continuité des engagements permettant de faire des prévisions.

De la même manière, 150 millions d’euros supplémentaires seront affectés aux Centres de formation des apprentis. Grâce à une nouvelle répartition de la taxe d’apprentissage, un effort de 80 millions d’euros pour l’investissement sera consacré pour l’hébergement des jeunes, car la question du logement est très importante pour les apprentis. On leur demande parfois d’aller suivre une formation très loin de leur domicile. Cela devient impossible pour beaucoup de jeunes. La question du permis de conduire est également souvent posée. Si des soutiens doivent être imaginés, ils devront être prioritairement dirigés vers les apprentis, ou vers les jeunes en lycée professionnel.

Le Programme des Investissements d’Avenir avait en 2000 réservé 250 millions d’euros pour ce qui concernait l’apprentissage

  • action 1 : modernisation de l’appareil de formation en alternance

  • action 2 : développement de solutions d’hébergement adaptées pour les jeunes engagés dans une formation en alternance

Ouvert jusqu’en fin 2014, il est difficile de connaitre la consommation de ces crédits maintes fois annoncés : aucune information ne semble montrer que des crédits ont été attribués sur ce programme depuis début 2012

Le troisième levier, c’est l’implication de l’Education nationale. Le nombre de jeunes en apprentissage, dans les établissements publics d’enseignement, sera porté de 40 000 à 60 000. Afin de compléter l’offre des centres de formation des apprentis, les lycées professionnels – qui sont des établissements de grande qualité – devront avoir les soutiens indispensables et être sur les bonnes filières de formation. Les familles devront être encouragées à faire confiance à ces établissements pour l’avenir de leurs enfants.

D’où vient le chiffre des 40 000 jeunes en apprentissage dans les établissements publics d’enseignement ? Les derniers chiffres publiés par le ministère de l’Education en mentionnent 28 906

C’était très important que le ministère de l’Education, et que la ministre en particulier soit présente à cette réunion, pour montrer qu’il y a une ambition collective qui embrasse l’ensemble des formations de la nation. Le ministère de l’Education multipliera les actions d’information dans tous les collèges et pour tous les élèves. L’apprentissage sera regardé comme une voie de réussite.

Intention louable, qu’il ne suffit pas d’affirmer pour qu’elle devienne réalité, car changer les mentalités pour que l’apprentissage apparaisse comme une voix de réussite ne peut se faire par le seul effet de circulaires. Surtout quand des thuriféraires de l’apprentissage continuent à aller en sens inverse, quand ils réduisent celui-ci aux seuls métiers manuels (voir « Il faut revaloriser l’intelligence de la main »  et  Le retour de “l’intelligence de la main”, ou l’art de mettre l’apprentissage dans l’impasse)

Les partenaires sociaux auront un rôle dans le contenu des formations. Les professionnels, c’est-à-dire souvent les chefs d’entreprise, auront également toute leur place, aux côtés de l’Education nationale, pour définir les métiers de demain et pour assurer que les formations débouchent bien vers des emplois. Nous ne pouvons pas attirer des jeunes dans des filières dont nous savons d’ores et déjà qu’elles ne pourront pas correspondre à ce qu’attendent les entreprises.

Curieux de citer en introduction les “partenaires sociaux” puis de ne faire référence qu’à un seul des partenaires, les chefs d’entreprise. Comme si les salariés eux-même n’avaient pas d’avis pertinent à formuler sur le contenu des formations.

Il y a une espèce de d’obligation morale, il ne s’agit pas d’accueillir des jeunes pour accueillir des jeunes en pensant que la situation économique règlera mécaniquement le problème qui nous est posé. Si nous voulons que les jeunes sortent du chômage, si nous voulons que les jeunes s’insèrent dans l’emploi, il faut leur proposer la meilleure qualification et le métier qui correspond à l’économie de demain.

Le dernier levier, c’est la mobilisation des entreprises elles-mêmes. Une cartographie sera proposée pour que tous les gisements d’apprentissage puissent être exploités. Elle sera disponible pour les branches professionnelles. Elles devront jouer leur rôle. Il y a un lien à établir entre le pacte de responsabilité – qu’on l’approuve ou qu’on ne l’approuve pas – et les négociations qui doivent avoir lieu. Les négociations de branche doivent tenir compte de la nécessité de proposer des emplois aux jeunes. L’apprentissage fait partie des engagements que les entreprises doivent souscrire dans le cadre du pacte de responsabilité.

Qui établit cette cartographie ? Il semblerait que ce devrait être au coeur des missions des observatoires de branches, à gestion paritaire, alors que selon la formulation présidentielle, celle-ci est mise à leur disposition. Par qui ? Par l’Etat ?

33 branches ont déjà lancé ces négociations. Beaucoup, je le souligne, ont intégré des mesures d’alternance. Mais cela veut dire que beaucoup d’autres n’ont pas encore engagé le processus de négociation. Il convient donc de faire de l’apprentissage, de faire de l’insertion des jeunes, de l’emploi des jeunes, une des obligations, une des contreparties, un des engagements dans le cadre de ces négociations.

Le rappel que le pacte de responsabilité doit s’accompagner d’engagements, en particulier pour les emplois offerts aux jeunes, dont des postes en apprentissage, est la bienvenue. Rester à savoir si la non fixation d’engagements, ou la non tenue des engagements souscrits entraînera des sanctions. Si, comme cela est prévu actuellement, il n’y en a pas, il est à craindre que ces engagements soient, pour une large part, virtuels

L’apprentissage ne s’adresse pas qu’aux petites entreprises, même si beaucoup font cet effort. L’apprentissage doit être regardé comme une possibilité offerte à toutes les entreprises et pour tous les niveaux de qualification. Or, je constate que dans les entreprises de taille intermédiaire et dans les grandes entreprises, beaucoup préfèrent payer la taxe, plutôt que de respecter des obligations en matière d’emploi d’apprenti (4% et bientôt 5 % des effectifs).

Si nous sommes dans la logique de taxe introduite par la majorité précédente, il est nécessaire que le montant de celle-ci soit dissuasif pour faire évoluer les stratégies des entreprises. Il n’est pas certain que sa fixation à un montant variant entre 0,05 % et 0,3 % de la masse salariale soit suffisante pour induire des changements de stratégie.

Cette conception doit évoluer. Mieux vaut ne pas payer la taxe et former davantage d’apprentis. Même si cette taxe n’est pas perdue, puisqu’elle est reversée là où il y a des formations. Nous veillerons à ce qu’il puisse y avoir par Pôle emploi, par les services du ministère du Travail, un accompagnement de ces entreprises pour qu’elles proposent davantage de contrats d’apprentissage.

Est-ce bien rasionnable de vouloir confier une nouvelle mission à Pôle emploi, qui a bien du mal à assumer ses lourdes responsabilité actuelles ? Et comme on s’adresse à des jeunes, il serait sans doute souhaitable d’impliquer les Missions locales qui ont fait preuve de laur efficacité pour le programme des emplois d’avenir.

Si nous voulons utiliser tous ces leviers, si nous voulons mobiliser tous les acteurs, il faut également lever tous les freins.

Il y a des freins qui peuvent être financiers. Pas simplement du côté des entreprises. Aussi du côté des apprentis.

Leur rémunération est aujourd’hui calculée selon un critère d’âge, alors qu’elle devrait pouvoir être fondée sur la qualification. C’est un changement sur lequel la concertation, la négociation doit déboucher pour la prochaine rentrée. Mieux payer, quand il y a une qualification, que lorsque l’entreprise fait un effort de formation et que le jeune est sans qualification au départ, on peut le comprendre.

Sur ce point comment ne pas souhaiter une complète remise à plat d’un système initialement conçu pour des apprentis beaucoup plus jeunes : pour ne prendre qu’un exemple, aujourd’hui un apprenti en licence professionnelle qui prépare un diplôme de niveau bac + 3 touche  61 % du SMIC puisqu’une circulaire a assimilé cette formation à une deuxième année, alors qu’un apprenti en première année de master ne touche que 53 % du SMIC. Comment ne pas comprendre que les employeurs préfèrent les apprentis de meilleur niveau moins payés ? En tous cas la lecture de la circulaire du 28 février 2007 montre que la demande de simplification n’est pas infondée

Il y a ensuite les freins qui sont psychologiques. Nous connaissons les réserves de beaucoup de jeunes, de familles, comme d’ailleurs d’entreprises par rapport à l’apprentissage. Nous devons mieux informer, mieux communiquer, mieux former pour changer l’image de l’apprentissage. Cela sera l’objectif d’une campagne qui va être lancée dans les prochains jours. C’est pourquoi il était très important prévoir le dispositif de soutien financier en même temps. Il va permettre de faire en sorte qu’il y ait de plus en plus de candidats à l’apprentissage et de plus en plus d’entreprises prêtes à les accueillir.

Drôle de calendrier pour lancer une campagne de communication bien tardive alors que la rentrée a eu lieu et qu’on ne peut envisager qu’un rattrapage pour des jeunes inscrits dans les CFA qui n’ont pas encore trouvé de contrats, ou bien en avance pour la prochaoine rentrée

Décidément nos décideurs successifs ont du mal à intégrer les contraintes du calendrier dans la communication censée faciliter le développement de l’apprentissage. Nous l’avions déjà vu en 2011 (voir Alternance : une campagne de communication à contre temps)

Il convient également de simplifier les procédures administratives. Beaucoup d’entreprises critiquent la lourdeur des démarches à faire auprès des centres de formation des apprentis lorsqu’elles veulent embaucher. Alors, là encore, dématérialisons, allégeons et faisons en sorte aussi que les contreparties, les garanties sur la qualité de la formation soient respectées. C’est pourquoi, je suis prêt, avec le ministre du Travail à ce que le statut de maître d’apprentissage soit également valorisé.

La volonté de valoriser le statut de maître d’apprentissage. Nul doute qu’en cohérence avec la volonté d’accueillir 10 000 apprentis dans le secteur public, l’Etat va donner l’exemple là où il est directement responsable.

Dans les freins réglementaires, il y a aussi un débat qui a eu lieu : savoir s’il ne fallait pas adapter un certain nombre de règles pour qu’il y ait davantage d’employeurs qui puissent embaucher des apprentis et leur faire faire le travail, pour lesquels ils sont prévus. Nous devons respecter les procédures de sécurité, nous devons faire en sorte qu’il n’y ait pas de risque et donc pour faire évoluer ces règles, le mieux, c’est la négociation, c’est la concertation pour voir ce qu’il est possible de changer – compte-tenu de l’évolution des techniques – et ce qu’il y a lieu de préserver dans le cadre de la sécurité que l’on doit aux familles et aux jeunes.

Et puis, il y a aussi tout ce qui a trait au statut des apprentis. Je voulais aujourd’hui que les jeunes soient représentés et que les organisations syndicales puissent s’exprimer là-dessus. Il y a des jeunes qui décrochent de l’apprentissage, comme il y a des jeunes qui décrochent de l’éducation, nous le savons. C’est pour nous un enjeu considérable. Il y a toujours à un moment des mauvaises orientations, il y a toujours à un moment des problèmes qui peuvent être familiaux, personnels qui peuvent expliquer… Mais un décrocheur coûte beaucoup à la société et beaucoup à lui-même et à sa famille. C’est toujours un échec et cet échec, nous devons le prévenir, l’éviter.

Nous avons abordé cette questiuon dans notre article Qui peut prétendre représenter les apprentis ?. On attend avec intérêt ce que diront sur ce sujet les organisations syndicales

Alors, nous devons faire en sorte qu’il y ait un accompagnement, un conseil, un suivi de l’apprenti tout au long de son parcours. Qu’il y ait aussi, et c’est le rôle des CFA, une manière de permettre que le jeune soit encadré, y compris au-delà même de la formation qu’il reçoit. Qu’il y ait un meilleur dialogue avec les entreprises et les maîtres d’apprentissage.

Est-ce seulement le rôle des CFA ? Des expérimentations ont montré l’efficacité d’un accompagnement externe (voir Un accompagnement externe par les Missions locales permet de réduire les taux de rupture des contrats d’apprentissage et L’accompagnement des jeunes apprentis, pour limiter les ruptures de contrats) , mais nul ne semble prendre d’initiatives pour généraliser une expérimenation évalueé et concluante.

Il y a aussi le droit des apprentis, le statut des apprentis. Il n’y a pas de raison de penser qu’un apprenti devrait avoir des droits inférieurs aux lycéens ou aux étudiants. C’est finalement un jeune en formation. Ce qui devrait être posé comme règle, comme principe dans notre pays, c’est que tout jeune, s’il n’est pas dans l’emploi, doit être en formation. Aucun jeune ne doit être laissé à lui-même. A partir de là, il doit avoir les mêmes droits reconnus.

De ce point de vue, l’Europe a montré – ce n’est pas toujours le cas – un peu d’avance par rapport à ce que nous faisons. Par exemple, le programme ERASMUS, qui était jusque-là réservé aux étudiants, a été ouvert aux apprentis. Et là encore, nous avons pu en voir les effets.

Il peut arriver aussi que l’entreprise souhaite se séparer de l’apprenti. Cela fait partie de la vie professionnelle. Il y a parfois non pas des conflits, mais des parcours qui n’ont pas pu être reconnus comme utiles pour l’entreprise. A partir de là, il faut savoir gérer aussi ces séparations et éviter les contentieux. Parce que cela crée des freins à l’embauche. Je souhaite que les CFA puissent jouer un rôle plus net de conseil des employeurs, mais aussi des jeunes et des familles pour permettre que l’on évite ces conflits de déboucher vers des procédures.

Il est vrai que la procédure de rupture après la période d’essai est rude à conduire si les deux partis sont en tension, et qu’une procédure amiable, avec l’apport d’un médiateur serait souhaitable.

Enfin, il y a tout ce que le ministre du Travail doit présenter comme texte et comme décision suite à notre réunion. Je souhaite que cela aille vite. Nous avons défini un engagement national, nous nous sommes rassemblés, nous nous sommes réunis, nous avons trouvé les conclusions – et ce n’était pas forcément évident – qui nous permettent aujourd’hui de savoir quelle va être la responsabilité de chacun et quel va être aussi le rôle des pouvoirs publics. Toutes les décisions qui relèvent de l’Etat devront être immédiatement traduites – et je pense notamment au volet financier et administratif.

Acceptons en l’augure, sans penser que les conséquences seront significatives pour cette rentrée.

Tout ce qui est de l’ordre de la négociation doit être fixé dans un certain cadre, dans une certaine limite, pour qu’il puisse y avoir une traduction. Parce que tout temps perdu, fera que la rentrée 2015 risque de ne pas être aussi fructueuse que ce que nous avons espéré aujourd’hui.

Sur ce point la rappel du calendrier est tout à fait opportun et conduit à regretter que ce dossier n’ait pas été suivi comme il l’aurait du l’être après que Thierry Repentin, qui s’en était résolument emparé, ait du quitter cette responsabilité dans le jeu de chaises musicales en conséquence de l’affaire Cahuzac (voir Remaniement ministériel : un jeu de chaises musicales incomplet, formation professionnelle et apprentissage négligés), comme nous regrettons le retard de François Rebsamen à s’en emparer (nous ecrivions quelques jours après sa prise de fonction Apprentissage : les mauvais chiffres de février confirment l’urgence du dossier pour François Rebsamen)

Nous avons besoin des régions, je veux saluer ici leur rôle. Parce que ce sont les régions qui financent une grande partie de ce que les centres de formation des apprentis réalisent. Ce sont les régions qui définissent les formations. Nous avons besoin que dans chaque région, dans chaque grande région, il puise y avoir une évaluation des emplois, une évaluation des besoins, une évaluation des métiers pour demain. La mobilité se prépare aujourd’hui, par la formation. C’est donc dans les régions que nous devons réaliser des formations pour que cela puisse déboucher sur les emplois qui sont proposés dans les territoires.

Nous avons aussi à considérer l’apprentissage dans toutes ses dimensions. Il est vrai que nous devons concentrer les moyens sur les premiers niveaux de qualification. Pour les jeunes qui sont sortis du système scolaire sans aucune formation.

C’est une évidence que tous les chiffres mettent en exergue : le recul de l’apprentissage au niveau V est masqué par sa progression aux niveaux supérieurs (voir Apprentissage : poursuite de la baisse au niveau V et de l’augmentation aux niveaux supérieurs). La concentration des moyens sur les premiers niveaux de qualification n’est pas une évidence, loin s’en faut. Mais de là à penser que l’apprentissage est la solution pour les jeunes qui sont sortis du système scolaire sans aucune formation, il y a un pas que nous ne garderons de franchir, d’autant plus que cela risque d’affirmer que c’est surtout une voie de recours pour ceux qui ont échoué à l’école.

Mais nous devons aussi considérer que l’alternance peut être un parcours d’excellence. C’était très important qu’il y ait ici les universités qui soient représentées ou les chambres de commerce qui puissent valoriser ce parcours d’apprentissage à travers nos grandes écoles. Mais il est essentiel que l’on puisse considérer l’apprentissage comme un continuum, c’est-à-dire comme un parcours qui peut aller de la qualification la plus modeste, jusqu’à l’excellence la plus reconnue. Nous devons aussi faire qu’il y ait un cursus en alternance, du Bac-Pro jusqu’au Master. Ce qui est encore aujourd’hui rare.

Il n’est pas certain que traiter de façon globale deux réalités très différentes soit la bonne approche. Claude Lelièvre y consacre un fort intéressant article dans son blog d’Educpros qui se conclut en ces termes “En réalité, il ne s’agit pas vraiment des mêmes enjeux sociaux et économiques. Il serait sage, pour être à la hauteur de la situation et des enjeux, de ne pas les confondre (et de le dire clairement).”. Le continuum qu’évoque le Président est très largement un mythe aujourd’hui et le demeurera très probablement même si on trouve et on continuera à trouver quelques parcours atypiques qui sont et seront mis en exergue, dans les forums, colloques sans être certains qu’ils aient valeur d’exemplarité.

Je veux insister aussi sur une autre dimension qui pourra surprendre, c’est que l’apprentissage pourrait être un formidable outil de citoyenneté, de mixité, d’intégration et de promotion sociale. Il l’est le plus souvent. On sait que l’apprentissage a permis à des jeunes de milieux populaires de pouvoir créer leur propre entreprise et de réussir un parcours professionnel y compris comme salarié, qui leur a permis de franchir bien des obstacles et gravir bien des échelons.

Quand je constate que la diversité est aussi peu présente dans l’alternance ; qu’il y a deux fois moins de jeunes issus de ce que l’on appelle l’immigration dans l’apprentissage ; que les filières générales finalement accueillent plus d’enfants de ces quartiers… Comment le comprendre ? Ce n’est pas la résistance des familles, c’est aussi une forme de réserve, de retenue…

Vraie question, qui ne peut s’analyser sans prendre en compte une forme de discrimination plus ou moins consciente de la part de certains employeurs.

Nous devons faire de la mixité un objectif dans toutes les filières de formation. Alors que nous avons souvent à l’esprit des filières qui seraient plus féminines et d’autres qui seraient plus masculines, tous les métiers aujourd’hui doivent être offerts aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Ayons cet objectif de diversité, de représentation de toute la société ! C’est notre responsabilité, aux employeurs publics, comme aux employeurs privés de renverser cette tendance.

Je termine : relancer l’apprentissage, c’est relancer l’emploi. Relancer l’apprentissage, c’est réaffirmer la priorité à la jeunesse. Relancer l’apprentissage, c’est permettre l’élévation du niveau de qualification. Relancer l’apprentissage, c’est aussi relancer l’Education nationale. Parce que cela s’insère dans l’Education nationale.

Enfin, relancer l’apprentissage, c’est revaloriser le travail, le travail qui est une grande valeur républicaine à condition qu’il soit offert à tous. Merci.

Nous avons là un discours fondateur. Nous suivrons dans les mois à venir comment il transformera la réalité et espérons qu’il aura plus d’impact que le discours fondateur de Nicoles Sarkozy, celui d’Avignon le 29 septembre 2009, où l’alternance prenait place dans un discours plus large sur la jeunesse qui est demeuré un beau discours, mais au fond, n’a pas changé grand chose. (voir Deux ans après le discours présidentiel d’Avignon, Agir pour la jeunesse)

Notons enfin que le président de la République n’est pas revenu dans ce discours sur l’idée évoquée avant l’été d’ouvrir l’apprentissage à tous, sans condition d’âge, suite à une proposition du rapport Mestrallet. Encore une preuve de la limite de ces rapports, qui contiennent  des propositions dont nul n’a sérieusement testé la faisabilité, et semblent surtout faits pour susciter une éphémère mousse médiatique. Pour preuve personne n’est revenu sur cette proposition (voir Tentative de décryptage du propos présidentiel sur l’alternance). François Hollande n’est pas non plus revenu sur sa proposition formulée lors de l’introduction de la conférence sociale (voir Est ce que demander à s’engager à embaucher un jeune avant le début de l’apprentissage est une bonne idée ?) de « contrat d’apprentissage avec engagement d’embauche ».

Parfois, on se dit que nos décideurs gagneraient à moins s’entourer de communicants à la recherche d’idées chocs que retiennent les médias et plus de professionnels maîtrisant un tant soit peu les sujets, capables d’apprécier la faisabilité des propositions avancées, d’en comprendre les contraintes temporelles et d’en apprécier le réel impact politique. Mais c’est sûrement un rêve !

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