PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Le Plus – le Nouvel Observateur – le 2 septembre 2014 :

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LE PLUS. Selon une étude de l’université du Minnesota, les lycéens et collégiens ne devraient pas débuter leurs heures de cours avant 8h30. Commencer trop tôt quand on est adolescent a-t-il des répercussions sur la santé ? Pour Claire Leconte, professeure de psychologie spécialisée en chronobiologie, c’est une certitude. Explications.

Édité par Louise Auvitu 

Cette étude s’inscrit dans la droite lignée des précédentes. Il y a quelques années, un lycée anglais avait même tenté l’expérience de faire commencer ses élèves plus tard. Les résultats avaient été très concluants. 

Il faut savoir que les adolescents (jeunes âgés de 10 à 20 ans) sont à une période critique de leur vie car ils subissent de plein fouet un tas de changements physiques et physiologiques qui influent directement sur leur rythme biologique. Le sommeil a donc une importance capitale pour eux

Un adolescent a besoin de 9 à 10 heures de sommeil par nuit car ce qui se passe dans son organisme au quotidien est très coûteux en énergie. La fatigue physique et intellectuelle est fréquente à cet âge-là. 

De plus à cette période de leur vie, les changements provoqués par la puberté induisent un retard de phase physiologique d’une durée d’1h à 1h30 qui les entraîne à s’endormir plus tard, à se réveiller plus tard, à avoir faim plus tard. 

À cet âge-là, le sommeil est primordial 

Le sommeil permettra une récupération physique de l’énergie dépensée au cours de la journée, une régénération du système immunitaire et favorisera les apprentissages. Ce temps de repos n’est en aucun cas un temps creux, vide et inutile

Il est constitué d’une succession de cycles qui durent en moyenne 90 minutes. En début de nuit, l’individu accède à un sommeil profond qui lui permet de récupérer physiquement. Cette phase se distingue également par la sécrétion d’hormones de croissance, indispensable aux adolescents. 

À partir d’environ 3 heures du matin, l’individu plonge alors dans un sommeil paradoxal de plus en plus long. Cette période est souvent raccourcie chez les adolescents à cause de leur lever trop précoce. Or, tant le début que la fin du sommeil sont importants, d’où la nécessité de respecter la régularité de ce rythme veille-sommeil. 

La phase d’éveil, qui se manifeste par une remontée de la température centrale, un pic de cortisol et l’arrêt de sécrétion de la mélatonine, est elle aussi primordiale. Un réveil à la hâte aura des répercussions immédiates et néfastes sur l’individu. 

Comment s’adapter à son horloge biologique ?  

On ne connaît malheureusement pas suffisamment son rythme de sommeil parce que cette connaissance ne fait pas partie des apprentissages considérés comme importants. Mais à l’âge de l’adolescence, deux typologies peuvent vous orienter sur votre horloge biologique : 

– Le nombre d’heures de sommeil nécessaires : dès notre première année de vie, il est facile de détecter un petit d’un grand dormeur. Si vous n’avez pas besoin de longues heures de sommeil, ne vous forcez pas, mais à l’inverse n’hésitez pas à dormir autant que de besoin. 

– Lêve-tôt (matinaux) ou couche-tard (vespéraux) ? À cet âge, il est possible de détecter les vespéraux (ceux qui sentent le sommeil arriver tardivement) et les matinaux. Mais beaucoup sont intermédiaires. Souvent, la plupart des adolescents sont plongés dans un contexte de vie qui les pousse à se coucher tard, même s’ils ressentent l’envie de dormir. Ils préfèrent regarder des émissions de télévision ou tchater sur internet. 

Il faut savoir que l’horloge qui nous éveille spontanément le matin est finalement assez rigide (nos rythmes sont génétiquement programmés). Quand je discute avec des élèves de lycées professionnels, ils me disent souvent qu’ils se réveillent toujours aussi tôt le week-end. En effet, il faut près de 10 jours pour prendre un nouveau rythme. 

Alors, ils préfèrent "traîner au lit". Le plus judicieux pourtant est de se lever pour profiter de sa matinée, quitte à faire une petite sieste en début d’après-midi. 

Les 4 problèmes de notre système éducatif 

Notre système éducatif n’est pas adapté à l’horloge biologique des adolescents. Comment expliquer leurs lacunes de sommeil ? 

1. Des emplois du temps flexibles 

Des études ont démontré que contraints à des emplois du temps flexibles d’un jour à l’autre, les lycéens perdaient en capacité de travail. Commencer à 8 heures un jour et à 10h30 le lendemain les amène à modifier leurs horaires de coucher et par là perturbe leur rythme. 

Conséquences : il n’est pas rare de voir des "élèves zombies" en début de matinée, tout simplement parce qu’ils n’ont pas suffisamment dormi faute de respecter régulièrement leur rythme. 

2. Le casse-tête des transports en commun 

Mais le problème réside aussi dans notre système de transports. Beaucoup de lycéens et collégiens vivant à la campagne doivent prendre un bus pour se rendre dans leur établissement scolaire. Ils sont forcés de se réveiller parfois à 6 heures du matin pour être à l’heure en cours. 

Ils se retrouvent alors en avance de phase, peinent à se mettre au travail et leur vigilance s’en trouve diminuée. 

3. Un manque de bon sens 

Sous prétexte de vouloir faire quelques économies, la région ou le département peut continuer à fermer les yeux sur la question. 

Je me souviens lors d’une table ronde au conseil régional des Pyrénées-Atlantiques avoir demandé quelques informations sur le fonctionnement du ramassage scolaire. On m’avait alors expliqué qu’il y avait trois tournées : la première récupérait les lycéens, puis c’était au tour des collégiens et enfin des primaires. 

Avec un peu de bon sens, je leur ai expliqué qu’il valait mieux intervertir le ramassage des lycéens avec ceux des primaires. Et ça ne leur coûterait absolument aucun frais supplémentaire. 

4. L’épineuse question des enseignants 

Il est fréquent de constater sur des emplois du temps d’élèves que certaines journées sont particulièrement chargées. Ils enchaînent deux heures de mathématiques avec deux heures de français. 

L’une des raisons de cette accumulation est à chercher du côté des enseignants qui préfèrent se libérer du temps libre à d’autres moments. Même si c’est au désavantage des élèves. Mais il faut reconnaître que la plupart des établissements scolaires n’offrent pas non plus aux enseignants des conditions leur permettant de travailler correctement sur place, entre deux cours par exemple. 

Quelques conseils pour éviter les coups de fatigue 

Évidemment, le meilleur conseil est encore celui de ne pas négliger ses heures de sommeil. Mais d’autres astuces peuvent aussi leur éviter les coups de barre. 

Quand on est adolescent,  il est aussi important de ne pas partir le ventre vide. Dormir, c’est l’équivalent d’un jeûne de 12 heures ! Un petit-déjeuner avec sucres lents permettra d’éviter les baisses d’attention et les crises d’hypoglycémie. 

Je pense qu’il serait également intéressant de mettre en place des espaces de détente. Des séances de relaxation après la pause déjeuner pourraient permettre aux élèves d’être plus efficaces. 

Et oser dire aussi aux adolescents de se couper des écrans une demi-heure à une heure avant d’aller dormir, et ne pas utiliser le portable sous l’oreiller comme réveil ! Chiche ? 

Des pistes de réflexion existent 

Le gouvernent n’agit pas efficacement alors qu’il suffirait d’impulser une réflexion. Exemple, au lieu de faire appel à un bus qui fait une grande tournée imposant aux premiers récupérés un lever très tôt, pourquoi ne pas envisager d’avoir recours à des véhicules légers qui déposeraient les élèves à un lieu de rendez-vous précis d’où partirait ce bus ? 

Je pense qu’il serait également nécessaire de revoir l’organisation des vacances scolaires. Le troisième trimestre est pour le coup totalement catastrophique. En supprimant les deux semaines de vacances et en redistribuant les jours pour les intégrer aux ponts existants, il est certain que le rythme des élèves serait considérablement amélioré et leur sommeil par la même occasion. 

De même en faisant du mois de juin un mois vrai de travail scolaire. Et considérer qu’il serait préférable d’avoir une troisième semaine de congés après ceux de Noël Nouvel An, en plein hiver, là où l’organisme est particulièrement fatigable, plutôt qu’en avoir huit au moment où nous sommes le plus en forme. 

Malheureusement, l’État ne semble pas prêt à ouvrir la boîte de Pandore. Même si elle est vouée à être dévoilée un jour ou l’autre. 

 

Propos recueillis Louise Auvitu

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