PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In La Gazette – le 27 mai 2014 :

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A quelques jours de la date-butoir pour la remise aux Directeurs académiques des services de l’éducation nationale par les communes des projets d’organisation des nouveaux rythmes, le 6 juin 2014, la réforme et le second décret suscitent encore des oppositions. Réactions du ministre de l’Education nationale.

La réforme a fait consensus jusqu’à… son entrée en vigueur. Cette réforme était-elle nécessaire ?

Les questions et tensions se concentrent beaucoup sur le périscolaire, mais la prérogative de l’Etat, et ma compétence de ministre de l’Education nationale, c’est de fixer le temps scolaire, et donc, le rythme des apprentissages. Or, le diagnostic était partagé par tous : les journées de classe sont trop longues, le niveau scolaire des élèves recule, nous sommes les champions de l’Europe dans le poids de l’origine sociale sur le destin scolaire des enfants. Dont acte. On est tous capables de dresser les diagnostics. Mais pour agir, il fallait mettre en place de meilleures conditions d’apprentissage en répartissant le temps scolaire sur 5 matinées et c’est ce que nous faisons.

Etait-il réaliste d’appliquer une réforme des rythmes sans réformer, en même temps, les programmes et la formation des enseignants ?

D’abord, on va faire tout cela, même si ce n’est pas de façon simultanée, à partir de la rentrée 2014. Je veux d’ailleurs souligner qu’en septembre, ce sera la première rentrée avec des enseignants formés issus des ESPE. Pour ce qui est des programmes, cela suppose un travail qui a été confié au Conseil supérieur des programmes, qui prend, lui aussi, du temps et ne pouvait pas être terminé pour la rentrée 2014. Mais je ne crois pas que cela soit ça le problème. Je ne crois pas que tout mener de front aurait facilité l’application de la réforme des rythmes scolaires. Au fond, ceux qui ne veulent pas faire la réforme des rythmes scolaires trouveront toujours des excuses pour ne pas avancer.

A la veille du 6 juin, quatre recours devant le Conseil d’Etat requièrent l’illégalité du décret Peillon. Certains maires affirment qu’ils n’appliqueront pas la réforme et que leur ville restera à 4 jours. De leur côté, les sénateurs UMP ont rejeté le rapport de la mission d’information qu’ils ont exigée. Quelle est votre réaction ?

Si j’ai bien compris, ce rapport a fait l’objet d’un arbitrage politique au bureau national de l’UMP. Si c’est maintenant Jean-François Copé qui décide du sort des rapports au Sénat, dont le travail complète celui de l’exécutif, la légitimité du travail parlementaire est mise à mal ! De la même façon, certains maires, très minoritaires, ont décidé d’entrer politiquement en résistance contre une réforme qui pourtant ne relève pas de leur pouvoir, en appliquant la consigne du bureau national de l’UMP aux enfants de leur commune, ce qui, pour moi, est un non-sens. Est-on obligé d’en passer par ces attitudes qui angoissent les parents ? C’est totalement anxiogène quand un maire dit « je n’ouvrirai pas l’école ». La force de cette réforme, c’était précisément d’associer les communes à la définition d’un projet éducatif local. L’Etat pouvait parfaitement imposer les 9 demi-journées sans discuter. Nous avons choisi de discuter, et parce qu’on le fait, certains maires, très peu nombreux, s’estiment compétents pour fixer le temps scolaire : or, ce n’est pas le cas.

Un maire ne peut pas plus faire obstacle à ce qui ne relève pas de sa compétence, de ses prérogatives et de son pouvoir (le temps scolaire) qu’un ministre ne peut obliger les communes à organiser le temps périscolaire. Quant au rapport de la mission d’information, que les sénateurs se rassurent : j’avais bien décidé de m’inspirer de leur travail.

Pourquoi ne pas avoir attaqué les délibérations municipales qui sont illégales, quand elles contreviennent à un décret ?

Parce que nous pensons que le dialogue est important. Même parmi les maires qui en ont fait un étendard outrancier. J’ai dit que j’étais ouvert. J’ai pris mon téléphone, j’ai appelé des maires de petites villes, de grandes villes, de communes rurales, j’ai étudié les situations un peu particulières, j’ai donné des instructions aux DASEN. Je n’ai certes pas appelé tous les maires réfractaires, mais j’ai essayé d’avoir une oreille attentive à tous ceux qui me demandaient un contact ; il fallait que je redise à la fois ce que nous voulions faire et la fermeté de l’Etat. J’ai reçu Jean-FrançoisCopé (Meaux), parlé à ChristianEstrosi (Nice), Philippe Saurel (Montpellier), Gérard Collomb (Lyon), Hubert Falco (Toulon), Michel Heinrich(Epinal). Les dialogues ont été, honnêtement, très courtois. J’encourage les communes à travailler avec nous, car le 6 juin, le gouvernement proposera une organisation du temps scolaire, probablement sur 9 demi-journées avec le mercredi matin, pour les communes qui ne l’auraient pas fait.

Je salue d’ailleurs le fait que la ville de Bordeaux ait décidé, sans tarder, une organisation du temps scolaire. Et ce en dépit des oppositions, des remarques et critiques du maire de Bordeaux. C’est l’intérêt des enfants bordelais, et de leurs familles, d’être informésle plus tôt possible. Il me semble qu’à Bordeaux, la raison l’a emporté.

N’oublions pas que les parents d’élèves doivent pouvoir scolariser leurs enfants à l’école publique et obligatoire. S’ils voyaient un maire faire obstacle à la scolarisation de leur enfant, le rapport de forcess’inverserait rapidement. Il suffirait d’une famille déposant plainte et la situation serait débloquée.

N’est-ce pas faire retomber la responsabilité sur les parents d’élèves ?

Non, nous les soulagerons, nous ne les rendrons pas arbitres d’une telle situation.

Je vais d’ailleurs écrire à tous les parents du premier degré.. Notre responsabilité collective consiste à apaiser le climat dans l’école. Il y a trop de nervosité autour de l’école, liée souvent à l’offensive de groupes radicaux qui rejettent l’égalité femmes-hommes, trop de nervosité liée à l’instrumentalisation du dossier des rythmes scolaires aujourd’hui.

Le décret du 7 mai 2014 ne semble pas avoir été compris. Quelles étaient vos intentions en le rédigeant ?

J’ai essayé d’avancer de manière pragmatique. Nous avions deux solutions de facilité : passer en force, mais cela revenait à nier les difficultés opérationnelles de la mise en oeuvre de cette réforme, qui existent, ou faire un moratoire pour reporter la réforme. Le choix que nous avons fait, qui n’est pas une solution de facilité, consiste à essayer de tenir compte des difficultés opérationnelles tout en restant ferme sur les principes. Le décret s’adresse aux communes prises de court, soit du fait d’un changement d’équipe municipale, soit parce qu’elles n’avaient pas, jusqu’ici, organisé à l’échelle de la commune d’activités périscolaires et se retrouvent dans la situation de devoir organiser une réponse. Elles peuvent trouver accompagnement, expertise et soutien auprès des CAF, de l’IEN et du rectorat. Nous leur apportons aussi une aide financière pour le périscolaire. Le décret facilite ainsi l’organisation de la réforme pour les communes en milieu rural. Il concerne aussi des communes comme Chartes, Epinal ou Gennevilliers, dont les organisations prévues dérogeaient au décret Peillon. Toutefois, ce décret ne permet pas un retour à la semaine de 4 jours. Il y aura bien, à la rentrée du 2 septembre 2014, 5 matinées de classe pour tous les élèves de l’école publique.

Mais la possibilité de libérer le vendredi après-midi, d’avoir des journées de 6 heures de cours et la « non-sanctuarisation » des petites vacances cristallisent de nombreuses critiques. Lyon, par exemple, annonce son intention de libérer le vendredi après-midi. Quelle est votre réaction ?

La formule des 8 demi-journées et vendredi après-midi libéré n’est pas celle que je préconise : elle est pensée pour le milieu rural, car cela permet de partager les intervenants. Mais je ne peux pas empêcher une commune de proposer une organisation du temps scolaire dans ce cadre, même s’il est, à nos yeux, inadapté. Cela étant, à Lyon comme ailleurs, les apprentissages seront concentrés sur cinq matinées et les enfants en tireront bénéfice. Chacune des organisations est validée par le rectorat. Si on veut alléger la semaine, passer de 24 à 23h, notre préconisation, qui est expliquée dans la circulaire qui accompagne le texte, est de favoriser le rétrécissement des vacances d’été.

Quelle est votre sentiment de parent face à la réforme des rythmes ?

Nous avons eu raison de préciser, dans cette circulaire, les contours de la réforme pour les maternelles. La première année d’expérience a permis de comprendre qu’il ne faut trop multiplier les intervenants autour des plus petits. Les préconisations que nous avons faites concernant l’organisation du temps en petite et toute petite section entre les temps calmes, d’activité, de sommeil et périscolaire sont de nature à permettre aux DASEN d’affiner le dispositif sur le terrain.

Vous avez annoncé la prolongation du fonds d’amorçage d’une année, en direction des communes les plus en difficulté. Quels sont les critères de sélection ?

Je ne peux pas vous le dire à l’heure qu’il est, car les arbitrages sont budgétaires et ne sont pas connus. Or, j’entends avoir une appréciation rigoureuse des besoins réels des collectivités.

Vous avez annoncé vouloir lutter contre les inégalités à l’école : de quelle manière comptez-vous vous y prendre ?

Il est un mythe, celui d’une école républicaine égalitaire. Il est une réalité, celle d’une école où le poids des inégalités sociales pèse lourdement dans le destin scolaire des enfants. Il faut donc attaquer la réalité et non entretenir le mythe. Parler moins de la promesse de l’école, et la tenir davantage. Car la promesse d’égalité n’est pas tenue. Nous mettons donc en oeuvre une politique globale : la priorité au primaire. L’objectif est d’anticiper et prévenir le décrochage. La priorité au primaire se fonde sur la réforme des rythmes scolaires, le dispositif « plus de maîtres que de classes » et la scolarisation avant trois ans. Elle s’accompagne d’une formation initiale et continue renforcée des professeurs et d’une refonte des programmes de l’école élémentaire et du collège, pour qu’on s’entende sur ce qu’un élève doit maîtriser au terme de sa scolarité obligatoire et sur la manière dont on doit évaluer les connaissances et compétences. Elle passe enfin par la refonte des réseaux d’éducation prioritaire, école/collège, autour d’objectifs qui doivent se fonder sur des indicateurs sociaux incontestables. Je m’attacherai à ce que la refonte de l’éducation prioritaire, à partir des 102 REP+, permette une nouvelle carte de l’éducation prioritaire conforme à ce que sont les besoins éducatifs réels du territoire.

Focus

Le nouveau décret est source d’inquiétudes pour les animateurs, selon Patrice Weisheimer, secrétaire-général du SEP-UNSA

« Nous avons remonté nos inquiétudes au ministre de l’Education nationale, suite au décret du 7 mai dernier. Le décret et la circulaire sont signés par le seul Ministère de l’Education nationale. Nous demandons à ce que reprenne le travail interministériel qui avait présidé jusqu’à présent, car il ne faut pas oublier que cette réforme impacte deux secteurs professionnels : celui des enseignants et celui des professionnels de l’animation et de l’éducation populaire. Nous relevons un recul sur les projets éducatifs territoriaux, que les communes ne sont plus obligées de mettre en place quand elles s’emparent de ce décret. Par ailleurs, nous ne comprenons pas l’intérêt, pour l’enfant, du regroupement des activités périscolaires en une après-midi de trois heures. Nous attirons d’ailleurs l’attention sur les difficultés que cela entraîne pour les communes : rien ne dit qu’avoir tous les élèves dans un seul endroit en même temps leur facilite la tâche. Enfin, nous attendons toujours la mise en oeuvre, au sein des ESPE, de formations communes à tous les professionnels qui travaillent avec les enfants, ainsi que la valorisation des formations déjà en cours. Enfin, nous nous inquiétons de ce qu’il va se passer dans les communes où les maires assurent ne pas mettre la réforme en place : au final, les animateurs risquent de devoir bricoler un accueil des enfants à la dernière minute ».

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