PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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La réforme des rythmes scolaires est une montagne de difficultés. Elle fut donc toujours repoussée par les prédécesseurs de Vincent Peillon. Mais quand bien même les choses avancent aujourd’hui, la réforme ne fait (presque) que des mécontents : elle ne va pas assez loin pour les uns et trop loin pour les autres. Comme l’école ne s’est pas faite en un jour, un groupe du suivi de cette réforme semble un outil incontournable pour le ministre.

Claire Leconte,professeur émérite de psychologie de l’éducation et chercheur en chronobiologie, a écrit au ministre une lettre ouverte. Participante de la concertation sur la refondation de l’école, elle y a défendu « qu’il fallait, pour refonder l’école, abandonner l’idée d’aménager les rythmes scolaires [mais qu’il faut] s’interroger sur la réorganisation des temps des enfants et des jeunes ». Elle estime, selon son point de vue, que le prochain décret n’est pas à la hauteur des ambitions annoncées par le ministre avant l’été, car « Il nous faut réinventer complètement l’organisation des temps de l’enfant et non pas seulement réaménager les rythmes scolaires, sur la base d’une journée identique depuis 1882 ». Le décret ne résout donc pas les problèmes centraux :

« Vous tentez de “bricoler” un emploi du temps scolaire susceptible de satisfaire les seuls enseignants alors qu’on évoque à maintes reprises la communauté éducative. Il est vrai qu’on demandera aux responsables des temps “périscolaires” de boucher les trous pour assurer la continuité éducative ! Le projet de loi est tout à fait explicite à cet égard. Il stipule : “l’organisation d’activités périscolaires peut être formalisée dans le cadre d’un projet éducatif territorial”. Il ne fait aucune obligation de construire un tel projet alors qu’il s’agit, comme le démontre justement Yves Goepfert, de structurer et mettre en œuvre dans le cadre d’un projet éducatif territorial, une coproduction éducative associant l’ensemble des acteurs concernés, ceux de l’institution scolaire évidemment, mais également tous ceux qui à la place qui est la leur, sont indispensables à la cohérence, je dirais même la pertinence de l’action éducative. Hélas, le projet de loi maintient fermement la coupure entre le temps scolaire et les autres temps. Ce qui bien évidemment conforte l’école dans son statut de forteresse […] »

            En résumé, le principal reproche est de n’avoir pas su susciter (en prenant le temps, en mobilisant les acteurs locaux) l’émergence d’un temps éducatif de l’enfant non-scolaire de qualité.

Je ferai une remarque de l’ordre de la philosophie politique. Il me semble que le point de vue de Claire Leconte est parfaitement juste, toutefois, ses vues ne peuvent pas (et ne doivent pas) se subsister à celles du ministre. Son rôle de scientifique est de tenir le cap de la vérité de ses recherches. Le rôle du ministre est de tenir le cap d’un changement possible qui dépasse les antagonismes forts autour de cette réforme. Le savant n’est pas le politique. Toutefois, le ministre ne peut faire fi de la vérité des sciences. La vérité doit réguler son action, voire être une arme contre le changement. Mais, il est un temps, le bon moment, le kaïros pour les Grecs, où l’action doit s’accomplir sans quoi, rien ne se fait. Je crois que la chronobiologiste a conscience de ces contraintes : « À votre décharge je reconnais que l’étau dans lequel vous vous trouvez, avec d’un côté des élus pour qui le critère économique l’emporte trop souvent sur tous les autres, de l’autre des enseignants qui estiment être lésés dans la nouvelle organisation et n’imaginent donc pas la mettre en œuvre sans une compensation financière, sans compter ceux que j’ose appeler “réactionnaires”, qui sous le prétexte de défendre l’école républicaine, n’hésitent pas, comme le fait Charles Coutel, à brandir l’anti constitutionnalité de l’expression de “projet éducatif local”, il est difficile de décider. ».

C’est pourquoi il me semble incontournable de créer un groupe de suivi de l’application du décret sur les rythmes scolaires. Cela pour trois raisons :

 

  • Faire bien concevoir que la refondation de l’école et une réforme aussi complexe que celle des rythmes scolaires ne seront pas définitives à la première rentrée. Non que les choses changeront tous les ans. Les grands principes sont posés (journées scolaires moins longues, plus nombreuses), mais il est nécessaire que le ministre laisse la porte ouverte à toute amélioration. Le groupe de suivi pourrait alors recueillir, étudier, proposer des aménagements aptes à conforter et asseoir la réforme sur des bases saines.
  • Dans l’application, de nombreuses difficultés vont émerger. Le pouvoir donné aux IA-DASEN par le décret peut, tout aussi bien, rendre possible la promotion d’organisations innovantes que de fermer, pour des conforts administratifs (par exemple la gestion des remplaçants), toutes les discussions nées dans les conseils d’écoles. Il y a bien des municipalités qui manifestement ne voudront pas mettre un kopeck supplémentaire pour les enfants. Dans ces cas-là, le groupe de suivi pourra comparer les pratiques dans différentes parties de la France et rendre publique la manière dont le projet a été appliqué. Si besoin, des acteurs pourront alerter le groupe de suivi s’ils estiment que de graves entorses ont été commises.
  • Enfin, la composition du groupe de suivi doit permettre qu’un dialogue puisse continuer entre tous les acteurs. État (Ministères de l’Éducation, de la Culture, de la jeunesse et des sports…) maires, syndicats enseignants, représentants de parents d’élèves, associations de l’éducation populaire, personnalités… continueront de travailler ensemble pour réduire les oppositions.

À ceux qui ne veulent pas de la réforme, à ceux qui trouvent qu’elle ne va ni assez vite, ni assez loin, à ceux qui prennent les décisions, j’adresse une idée simple : l’adoption du décret sur les rythmes scolaires ne doit pas être le point final de la réforme, mais le moment de son ouverture déterminée. C’est pourquoi il faut créer un groupe de suivi de la réforme des rythmes scolaires.

 

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