PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Les idées en mouvement, le mensuel de la ligue de l’enseignement n°203, novembre 2012 :

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Lutter contre le décrochage scolaire est une des priorités de la ministre à la Réussite éducative. Son objectif : réduire de moitié le flux annuel des décrocheurs dans les prochaines années en concentrant les efforts sur les premiers âges de la vie scolaire.
 

Les Idées en mouvement : Quel regard portez-vous sur le décrochage scolaire ?

George Pau-Langevin : Malgré l’engagement des enseignants et de toute la communauté éducative, aujourd’hui encore, plus de 140 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification ou diplôme. Le décrochage scolaire est une des manifestations les plus éclatantes et les plus inacceptables des limites de notre système éducatif qui n’assure plus la réussite de tous nos élèves.
Le décrochage scolaire est bien sûr d’abord un gâchis humain. Il est aussi un gâchis social et économique qui voit une partie de notre jeunesse connaître une insertion sur le marché du travail des plus difficiles : sans diplôme ou sans qualification, que peut-on, en effet, espérer aujourd’hui dans notre société dite « de la connaissance » où l’avenir appartient en priorité à ceux qui pourront accéder à des emplois exigeant un niveau de qualification de plus en plus élevé ? Le décrochage scolaire est enfin une menace pour notre cohésion sociale et la survie harmonieuse de notre « vivre ensemble ».
Il y a donc urgence à réagir et à lutter contre ce phénomène qui, par nature, est un processus complexe s’inscrivant dans la durée. Comme chacun sait, il est précédé de nombreuses manifestations : difficultés scolaires souvent précoces, absentéisme ou exclusions temporaires à répétition. Mais ces symptômes du décrochage scolaire peuvent être invisibles : certains élèves sont présents en cours, ne posent aucun problème de discipline, mais ne font rien sur le plan scolaire. Ils sont totalement désinvestis ayant « décroché de l’intérieur » si je peux m’exprimer ainsi ! Cette urgence d’agir a bien été perçue par le président de la République qui a fait de la jeunesse la priorité de son quinquennat. Investir dans l’École de la République pour assurer un meilleur avenir à notre jeunesse n’est pas un coût pour la collectivité, c’est un investissement. C’est bien cette idée qui est au coeur de l’entreprise de refondation de l’École que Vincent Peillon et moi-même avons engagée.
En charge de ce ministère de la Réussite éducative, j’aurai comme priorité de focaliser mes efforts sur les enfants les plus fragiles, les plus défavorisés et sur ceux, bien sûr, qui constituent les décrocheurs de notre système scolaire. Vincent Peillon l’a clairement dit au mois de septembre : notre objectif est de réduire de moitié le flux annuel des décrocheurs dans les prochaines années.
 

Quelles sont, selon vous, les principales causes du décrochage scolaire ?
 

Le décrochage scolaire en lui-même est le fruit d’une conjonction de facteurs les plus divers. Ces facteurs peuvent être d’ordre familial. La profonde évolution de la composition de la cellule familiale ces dernières décennies doit être ici prise en compte, et notamment le développement des familles recomposées ou monoparentales. Les facteurs du décrochage scolaire peuvent aussi relever du domaine économique et on ne peut ici que constater les effets néfastes de la crise actuelle et du développement du chômage sur la stabilité de certaines cellules familiales. Le facteur culturel n’est pas à négliger notamment dans les cas des primo-arrivants où le premier obstacle à la réussite scolaire tient sans doute à la fois aux difficultés linguistiques et à la différence de culture entre le milieu familial et l’école. Mais il ne faut pas oublier aussi que parmi les facteurs favorisant le décrochage scolaire il y en a d’ordre psychologique, qui nécessitent une approche très personnalisée.
« Trop d’élèves aujourd’hui subissent leur orientation. » Comme vous le voyez, le décrochage scolaire, par sa complexité, est un défi qui interroge le système scolaire sur sa capacité à se réformer pour trouver les réponses adéquates. Car outre les facteurs que je viens d’évoquer rapidement, il ne faut pas oublier que certaines procédures au sein de l’École aujourd’hui tendent à favoriser le décrochage scolaire. Je pense plus particulièrement aux procédures d’orientation.Trop d’élèves aujourd’hui subissent leur orientation, notamment ceux qui sont orientés vers l’enseignement professionnel au regard de résultats scolaires jugés insatisfaisants. Nombre d’entre eux, peu motivés par des études qu’ils n’ont pas véritablement choisies, alimenteront le flux annuel des décrocheurs.

Quelles pistes pour agir ?
 

Il n’y a pas une réponse unique au problème du décrochage scolaire. Il y a certainement une pluralité de pistes à explorer. Nous devons bien entendu agir dans le cadre de la prévention du décrochage scolaire. Il faut engager une action le plus en amont possible, avant même le collège et l’apparition des premiers symptômes du décrochage. La priorité donnée à l’école primaire par Vincent Peillon dans le cadre de la refondation de l’École entre dans le cadre de cette action de prévention du décrochage scolaire. Il nous faut « remettre l’École à l’endroit » et « commencer par le début », c’est-à-dire concentrer nos efforts sur les premiers âges de la vie scolaire afin de mettre nos jeunes sur la voie de la réussite scolaire.
Nous devrons aussi revoir les dispositifs d’orientation scolaire afin de lutter contre ce que l’on appelle communément « l’orientation subie », porteuse du germe du décrochage.
Il nous faudra enfin traiter plus efficacement le décrochage si ce dernier n’a pu être évité. À ce titre, nous devrons renforcer nos efforts pour favoriser le retour en scolarité ou en formation des décrocheurs. Comme vous le voyez le champ d’action est large. Mais que ce soit en matière de prévention ou de retour en formation des décrocheurs, je porte, depuis que je suis à la tête de ce ministère, une attention toute particulière aux initiatives innovantes qui se multiplient dans nos académies. « Dispositifs relais » ou « micro-lycées », pour ne citer qu’eux, sont des réponses à approfondir. Ainsi, une région comme l’Ile-de-France qui a déclaré la lutte contre le décrochage comme « cause régionale prioritaire » s’est engagée résolument dans la mise en place de micro-lycées dans chacun de ses départements. De mon côté, j’accorderai une grande importance à tout ce qui favorise l’innovation pédagogique et le développement de structures innovantes capables de répondre au défi du décrochage scolaire.
 

Dans la lutte contre le décrochage scolaire, l’École peut-elle agir seule ?

L’École ne peut tout faire toute seule. C’est une évidence et une réalité qu’il faut prendre en compte dans toutes ses dimensions. La lutte contre le décrochage scolaire en est une illustration parfaite. L’École de la République doit assumer la responsabilité  de ses insuffisances en se réformant. C’est le but de notre entreprise de refondation et, dans sa lutte contre le décrochage scolaire, elle doit agir avec des partenaires. Les associations, les familles et les collectivités locales sont aujourd’hui des acteurs incontournables avec qui l’École doit travailler de concert.
Les associations sont des partenaires traditionnels de l’École et leur apport et leur contribution à la prévention ou au retour en scolarité des décrocheurs n’est plus à démontrer. Il faudra renforcer nos actions communes. Les familles, loin d’être démissionnaires comme je l’entends trop souvent, sont pour la très grande majorité d’entre elles prêtes à s’associer à l’École dans cette lutte contre le décrochage. J’entends bien leur proposer les voies d’une plus grande implication dans les prochains mois. Enfin, les collectivités locales et plus particulièrement les régions constituent des partenaires précieux dans notre action contre l’échec scolaire. L’État, et à travers lui, l’École, s’est engagé avec les régions, dans une déclaration commune en date du 12 septembre 2012, à associer leurs efforts pour diviser par deux, en cinq ans, le nombre de jeunes entrant sur le marché du travail sans qualification. n© P.Devernay/MEN

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