PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

ORIENTALISATION: S’orienter, c’est chercher son orient. L’histoire des Rois mages, venus de l’Orient guidés par une étoile pour adorer le nouveau-né du nom de « Jésus» dans une étable, est l’un des mythes occidentaux les plus populaires.

« Toute âme bonne est une âme nouvelle venant de l’orient», Pic de la Mirandole, 1486, (Considérations philosophiques, n° 396). La fascination de l’orient s’exerçait déjà chez l’homme médiéval, selon J.le Goff, 1989. Les termes « orient» et « occident» revêtent souvent un sens spirituel lié au symbolisme de la lumière. Pour les « Occidentaux», cet aspect initiatique du passage Orient-Occident est une donnée souvent occultée, parfois dégradée, mais qui explique une grande partie de la symbolique « orientale» (A. Rey, dir., 2005, Dictionnaire culturel de la langue française).
L’Orient chrétien et l’Orient musulman n’induisent pas les mêmes regards. « Dans le discours occidental, l’Orient est souvent
féminisé, comme pour en justifier la prise de possession» (C, Peltre, 2008, Dictionnaire culturel de l’Orientalisme).
Orient et Occident constituent deux axes fondamentaux de notre perception du monde.
Au fil de l’histoire, ces deux notions floues ont vêtu de multiples sens.
"Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé … et il y mit à l’orient du Jardin d’Eden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie» (Extrait de la Genèse 2-3. La Bible, version L. Segond, 1910).
Dans ses Mythologies écrites de 1954 à 1956, R.Barthes notait que « La pénétration de l’Orient n’est jamais rien d’autre [ … ] qu’un petit tour de bateau sur une mer d’azur, dans un soleil essentiel. Et cet Orient, qui précisément aujourd’hui est devenu le centre politique du  monde … ». Un demi-siècle plus tard, M. Maffessoli, 2008, entreprend la même oeuvre de « démystification» avec « Nos idol@tries postmodernes». Il y consacre un chapitre sur l’Orientalisation (de la vie quotidienne). Salut, bonheur, sécurisation de l’existence, voilà bien la trinité de la mythologie moderne, ou occidentale. Toutes choses reposant sur une conception de l’Histoire que l’on peut maîtriser. La « symphonie héroïque du Progrès» ne fait plus recette. La saturation de la mythologie des Lumières va de pair avec le déclin de l’Occident, avec la montée de cet Orient dont on avait cru évacuer les valeurs. Les indices d’influences orientales se multiplient, notamment dans l’art et la littérature (orients mythiques) où dominent le laisser-être et le vouloir-vivre. La relativisation de l’Universel occidental se caractérise par certains traits: présentéisme, au sens où le salut n’est pas attendu dans un futur lointain ; méconnaissance du péché; relativisme et syncrétisme religieux ou philosophique ; exotisme, etc.
C.G. Jung, 1973, oppose l’imitatio Christi (imitation du Christ) en Occident à l’imitation du Bouddha en Orient. Les besoins mythiques de l’homme occidental exigent l’image d’un monde en évolution, qui ait un commencement et un but. « L’homme de l’Orient n’a nul besoin d’une telle présupposition, puisqu’il incarne ce sens. Tandis que l’Occidental veut parachever le sens du monde, l’Oriental s’efforce d’accomplir ce sens en l’homme, se dépouillant lui-même du monde et de l’existence (le Bouddha) ».
Nous sommes orientés par une lecture occidentale du monde qui guide nos schèmes de 900 FrancisDanvers pensée, nos sensations et nos perceptions. Pour J. Landrieu, 2005, « Nous nous intéressons à une réalité sociale en quelque sorte déshumanisée… Les représentations que nous avons de ce monde idéalisé orientent nos concepts qui, à leur tour, orientent nos questionnements sur le futur». Comme tout concept, la notion d’orientation a sa part d’ombre et de lumière. L’orientalisme, comme vision de l’Occident portée sur les Orients, s’est développé au XIXesiècle avec la redécouverte du Maghreb par les Européens. Ses représentations font partie d’un imaginaire où réalité et fantasme se conjuguent. Établir un parallèle entre le développement scientifique et la domination, entre la connaissance ou la fabrication illusoire des exotismes et l’impérialisme, tel est la thèse d’E. Saïd, 1978, dans L’Orientalisme. Cet ouvrage (augmenté d’une importante postface en 2003),  pionnier de la critique anti-occidentale, est aussi considéré comme fondateur des postcolonial studies. Il y décrit la manière dont les savants et
les poètes occidentaux ont, depuis le XVIIIesiècle, construit l’image d’un Orient mythique et obscur, une antithèse des Lumières, propre à justifier sa colonisation : «L’orientalisme a plus de valeur en tant que signe de la puissance européenne et atlantique sur l’Orient qu’en tant que discours véridique sur celui-ci». Le débat sur les théories postcoloniales qui développent une approche essentiellement culturelle, fondée sur la reconnaissance des différences et des altérités se poursuit encore aujourd’hui, J.-F. Bayart, 2010.
Va-t-on vers une orientalisation de l’orientation ? C’est l’hypothèse de travail de C. Heslon, 2008, qui s’appuie sur les travaux de F. Jullien sur la pensée chinoise, pour affirmer que: « …pour s’orienter dans le transitoire au fil de l’âge, il s’agit moins d’anticiper l’avenir à la manière occidentale que de cultiver l’orientale disposition à devenir. C’est cette disposition qui rend à même de recevoir des appels à transformer en opportunités, c’est-à-dire en résonances rendues possibles par la conjonction de la personne adéquate et du moment propice. C’est en ce sens que, pour jouer sur les mots, l’orientation serait en train de s’« orientaliser».
L’Orient: un idéal à atteindre? J.-M. Besnier, 2009, en interrogeant l’ère du cyborg du point de vue du posthumanisme à venir convoque « l’horizon de l’Orient» en des termes nuancés, puisqu’il retient un principe d’immaÎtrise. Analyste de la crise économique et culturelle, H. El Karoui, 2010, formule l’hypothèse de «la désoccidentalisation du monde». Le phénomène de la désoccidentalisation du monde peut être vu comme une opportunité, nous incitant à « Réinventer l’Occident». Force est de constater l’importance croissante que prend dans les pays occidentaux la pensée bouddhiste, y compris dans le domaine de la psychologie comportementale. Pour H. Laurens, professeur au Collège de France, « Après l’impérialisme établi à la fin du XVIIIesiècle et la mondialisation, nous sommes devant un troisième état historique, l’universalisation qui produit des tensions comme la culture du ressentiment dans le monde mulsulman, et celle de la revanche dans le monde asiatique …. Comment continuer à opposer l’Orient et l’Occident quand dans un village français, les enfants font de l’aïkido ou du judo et mangent du couscous ?
L’universalisation, alimentée par de multiples Orients progresse dans la culture matérielle … La seconde moitié du XXlesiècle verra la domination mondiale d’une classe élargie, ayant les mêmes modes de consommation, sur tous les continents» (Rêves d’Orient, Les rendezvous de l’histoire, Blois, octobre 2011).
– Civilisation ; Culture ; Devenir créateur ;
Mondialisation ; Représentation sociale ;
Sagesse asiatique …
Orientation bibliographique
• Barthes, R. (1957). L’Empire des signes.
Genève: Skrira.
• Jullien, F. (1998). Un sage est sans idée, ou l’autre de la philosophie. Paris: Seuil.
Saïd, E. (1978). L’Orientalisme. Paris: Seuil.
 

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