PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs







La ville de Seine-Saint-Denis a mis en place un accompagnement en réseau des jeunes âgés de 16 à 27 ans. Sa démarche de « réussite solidaire» commence à faire école auprès d’autres communes.

 L’idée a émergé de la démocratie participative, démarche dans laquelle la ville de Bobigny (47000 hab., Seine-Saint-Denis) s’est engagée activement depuis la fin des années 90, en organisant, notamment, tous les deux ans, des assises citoyennes. Lors des assises de novembre 2006, un an après les émeutes en banlieue parisienne, les habitants avaient exprimé leurs attentes pressantes de voir la municipalité s’occuper davantage des jeunes. Quelques mois plus tard, le 24 mars 2007, le maire inaugurait le forum «Je réussis ma vie avec ma ville», animé par des chefs d’entreprise, des artistes, des parents d’élèves et des enseignants. Environ 300 jeunes y avaient participé.

 «Le contrat de réussite solidaire [CRS] est le fruit de tout ce travail, en amont, de concertation populaire, d’analyse et de réflexion », rappelle Bruno Fialho, responsable de la mission «réussite solidaire». Le dispositif a donc été adopté en conseil municipal en décembre 2007. Depuis, il ne cesse de prendre de l’ampleur, attirant l’attention de nombreuses communes.

 Le concept est simple: la ville aide les 16-27 ans à concrétiser un projet; le bénéficiaire, en contrepartie, s’engage à donner de son temps pour réaliser une action en faveur des habitants de son quartier. Comment aider ces jeunes qui cumulent les handicaps: issus de milieux défavorisés, connaissant un taux important d’échec scolaire et souffrant des discriminations?

 Une démarche· pérenne.

 La réponse que la ville donne à ces problématiques complexes est «l’accompagnement en réseau ». En langage politique, cela s’est traduit par l’engagement de la maire, Catherine Peyge, à «ouvrir son carnet d’adresse aux jeunes». Bruno Fialho a porté le projet pendant plus d’un an, en tant que directeur de la jeunesse et, depuis mars, responsable de la mission. Fort de la volonté politique et du soutien des élus, il a réussi à fédérer plusieurs services municipaux autour du projet: la jeunesse, les sports, le développement économique … Il a, en parallèle, contribué à tisser ou à resserrer les partenariats avec la mission locale, l’Education nationale, le centre d’information et d’orientation, la chambre de commerce et d’industrie, les associations culturelles et sportives et les chefs d’entreprise. Ce réseau se mobilise pour répondre aux demandes des jeunes balbyniens.

 Concrètement, Bruno Fialho reçoit sur simple appel téléphonique. Il écoute, discute de leur projet avec les demandeurs, les aide à le préciser et à préparer la présentation devant la commission. «Certains arrivent avec des idées vagues, ils ont surtout besoin de discuter. Je les fais réfléchir sur leur projet de vie », confie-t-il. La signature du contrat de réussite solidaire est en effet conditionnée par la réflexion sur le moyen et le long terme. Les candidats doivent inscrire leur demande dans une démarche pérenne.

 Les projets, très divers, concernent la poursuite des études, la recherche de stages en France ou à l’étranger, de formations qualifiantes, la recherche d’emploi ou la création d’entreprise. Bruno Fialho oriente alors les candidats vers les interlocuteurs du réseau. «On donne au jeune les contacts, on lui ouvre les portes, mais c’est lui qui doit passer le coup de téléphone. On le mène ainsi vers l’autonomie», estime le responsable. La majorité des projets est accompagnée d’une demande financière. «J’informe sur les droits, et les aides et dispositifs existants: la Fondation de France, les écoles de la deuxième chance, les aides du ministère de la Jeunesse ou les bourses de la région Ile-de- France », explique Bruno Fialho.

 Un pas vers l’âge adulte.

 Le contrat de réussite solidaire comporte lui-même un coup de pouce matériel. En 2008, les montants s’étalaient de 100 à 700 euros, le budget consacré à la réussite solidaire s’élevait à 37000 euros. Pour pouvoir bénéficier de l’aide, le candidat doit monter un projet financier comportant un tableau avec les recettes et les dépenses. Une façon de le responsabiliser, de le rapprocher des réalités de la vie professionnelle. «Ici, les jeunes sont traités comme des citoyens à part entière, indépendamment de leur âge. Ils reprennent confiance en eux. Ils s’ouvrent et ils se découvrent», estime Bruno Fialho.

 Une audition devant un jury.

 Une fois le projet de vie finalisé, le candidat le défend devant un jury. Côté représentants de la ville, on trouve les directeurs des services jeunesse et sports, et l’adjointe à la maire chargée de la jeunesse, Alice Magnoux, très impliquée dans la démarche. Côté partenaires, on compte des représentants de l’institut universitaire de technologie (IUT) de Bobigny-Paris 13, de l’association culturelle Canal 93, du club de rugby, des parents d’élèves, mais aussi des personnalités telles que Muriel Mayette, administratrice générale de la Comédie française et habitante de Bobigny. Les membres, tous bénévoles, donc fortement engagés, se réunissent un après- midi par mois pour auditionner les candidats.

 Le directeur de l’IUT de Bobigny, Yann Hernot, explique les principes qui guident son intervention dans la commission: la solidité du dossier, la solidarité et l’esprit du service public. «Il est normal d’aider davantage les jeunes qui en ont le plus besoin. Pour certains, très éloignés de la société, il y a quelque chose de vital.» Et quand ils visent une formation privée et coûteuse, il leur demande de vérifier s’il existe un équivalent dans l’enseignement public.

 Depuis la création du dispositif, 205 jeunes ont été accueillis par Bruno Fialho, 73 ont signé des contrats de réussite solidaire, 126 continuent à être suivis. Ziad, ancien allocataire du RMI, a réussi à monter son entreprise de BTP, Célia a pu passer son Capes d’anglais, Kadidiatou est partie étudier un an aux Etats- Unis. Et Karim a pu intégrer une prestigieuse école de danse de Lausanne.

 En revanche, seule une quinzaine de candidats a réalisé une action en faveur des Balbyniens. Au-delà des questions d’emploi du temps (certains bénéficiaires du programme terminent leur formation cet été), la contrepartie solidaire semble difficile à mettre en place et à contrôler. Un défi à relever par la mission réussite solidaire, qui vient de recruter deux nouveaux agents.

 

 

 

 

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