PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

À l’école, mieux vaut ne pas déranger l’enseignant et trouver par soi-même des solutions. C’est ce message que plusieurs parents issus de milieux défavorisés transmettent à leurs enfants quand ils arrivent à l’école, démontre une étude de l’Université de l’Indiana qui sera publiée cet automne. Qu’en est-il au Québec?

Les parents issus de milieux défavorisés contribuent au maintien des inégalités sociales dans les salles de classe en apprenant à leurs enfants à ne pas poser de questions et à se débrouiller par eux-mêmes, constate une sociologue de l’Université de l’Indiana dans une étude, obtenue par La Presse, qui sera publiée cet automne.

La professeure Jessica McCrory Calarco a passé près de trois ans dans une école du New Jersey pendant lesquels elle a interviewé enfants, parents et enseignants. Au cours de son expérience, elle a remarqué que les enfants reproduisaient à l’école des phénomènes inégalitaires vécus entre les classes sociales, car implicitement, c’est ce que leurs parents leur avaient appris.

«Nous savions par des recherches antécédentes que les enfants de la classe moyenne, contrairement aux enfants issus de milieux défavorisés, posaient plus naturellement des questions en classe et allaient chercher de l’aide», explique la professeure.

«Ce que nous n’avions pas démontré, toutefois, c’est que ce comportement – différent d’une classe sociale à l’autre – est bel et bien transmis par l’éducation parentale.»

Jessica McCrory Calarco
Professeure à l’Université de l’Indiana

Lors d’une entrevue avec des parents, la sociologue a exposé une situation hypothétique. Jason, dans sa classe de science, éprouve des difficultés à comprendre la nature d’une question posée. Que devrait-il faire? Les parents issus de la classe moyenne ont pour la plupart répondu que le garçon devrait aller chercher de l’aide, alors que les autres ont plutôt favorisé une autre option.

«Jason devrait essayer (de répondre par lui-même) du mieux qu’il le peut. Je dis toujours à mes enfants de travailler fort, et ils ont tous appris en agissant ainsi. Comme avec Shawn, mon fils, il lit mieux qu’avant. Donc il ne me demande plus de l’aider autant qu’avant. Je veux dire, il peut faire ses devoirs par lui-même», a répondu une mère de famille, résume ainsi la sociologue.

Selon elle, la culture d’enseignement privilégiée par les écoles favoriserait davantage les élèves qui posent des questions à ceux qui n’en posent pas. Pour cette raison, les enseignants auraient plus de facilité à reconnaître les besoins des enfants issus de la classe moyenne que ceux des milieux défavorisés.

Mais pourquoi tous les parents n’apprennent-ils pas à leurs enfants à poser des questions? «Certains se basent souvent sur leurs propres expériences scolaires, parfois limitées, à une époque où poser des questions n’était pas nécessairement bien vu», a expliqué Mme McCrory Calarco.

«Tous les enfants peuvent réussir»

La réalité décrite par l’étude de l’Université de l’Indiana est aussi celle des salles de classe du Québec, a confirmé à La Presse le groupe Une école montréalaise pour tous, qui rassemble les commissions scolaires de la région de Montréal.

«Il faut toutefois faire attention pour ne pas tomber dans les stéréotypes et les étiquettes. Les enfants issus de milieux défavorisés ne se ressemblent pas tous. […] Aussi, à partir du moment où une direction d’école ou un enseignant considère qu’un élève n’a pas la capacité de réussir, il baisse souvent ses attentes. Il faut donc faire attention», a affirmé la coordonnatrice Sylvie Beaupré.

Son groupe organise des formations auprès de 166 écoles de Montréal. Parmi les activités offertes, la problématique de la prise de parole des enfants en classe est souvent abordée, ce qui n’est pas toujours une mince tâche.

«L’interaction en classe entre les enseignants et les élèves est un levier pour l’apprentissage. Dans nos formations, on explique qu’il faut multiplier ces moments, mais aussi les diversifier. L’enseignant peut ainsi favoriser les interactions en petits groupes ou en grand groupe. Les élèves peuvent aussi discuter et poser des questions entre eux», a expliqué Lude Pierre, responsable des ressources professionnelles à Une école montréalaise pour tous.

«C’est normal que les enfants n’arrivent pas à l’école avec le même bagage d’apprentissage. Il faut le reconnaître, mais pas le dévaloriser. […] Après que les enseignants ont multiplié les occasions d’échanges, ils reviennent en formation et nous confient avoir été étonnés de voir des enfants qui ne parlent normalement pas poser des questions», a confié Mme Pierre.

En ce qui concerne les parents qui ont parfois une vision erronée de l’école, la clé du changement est la sensibilisation, croit-elle.

«Certains parents croient que l’école a des attentes différentes de la réalité. Il faut alors expliquer que ce n’est plus comme avant, qu’on demande aux enfants d’interagir en classe. Le danger, c’est de simplement croire que l’enfant n’est pas capable de poser des questions. [Avec différentes approches], il peut le faire», a souligné Mme Pierre.

Un défi plus grand à Montréal

Cela fait maintenant plus de 15 ans qu’un programme de soutien aux écoles montréalaises a été mis en place par le ministère de l’Éducation. Malgré les nombreuses avancées, les défis sont toujours nombreux. Encore aujourd’hui, le retard scolaire est plus marqué chez les élèves des milieux défavorisés.

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