PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Lutter pour l’égalité c’est soutenir les élèves méritants ou aider tous les élèves à réussir ? En plein débat à l’Assemblée nationale sur le rapport Salles – Durand sur la mixité sociale à l’école, le 12 janvier, N. Vallaud Belkacem a annoncé le lancement de « parcours d’excellence » réservés aux collégiens volontaires des REP. Le dispositif sera mis en place dès la rentrée 2016. La ministre s’est aussi exprimée sur ses positions sur la mixité sociale dans l’éducation. Au final l’a-t-elle rendu plus claire ? Ce n’est pas sur…

Comment construire la mixité sociale ?

« Le constat c’est un système scolaire ségrégé et qui accroit les inégalités : 82% des collégiens défavorisés sont scolarisés dans 10% des collèges ». N Vallaud Belkacem ouvre son exposé en reprenant des données du rapport des députés Salles – Durand sur la mixité sociale à l’école, remis le 1er décembre à l’Assemblée. Elle marque sa volonté de lutter contre la ségrégation scolaire.

Mais comment faire ? Pour la ministre, « La mixité sociale ne se décrète pas, elle ne s’impose pas… C’est un sujet qui provoque beaucoup de crispations et de tensions, qui a été abordé de façon clivante, polémique et idéologique, sans que la situation évolue… C’est une politique qui doit s’élaborer patiemment en consensus avec les personnels de l’éducation, les parents, les élèves et les collectivités locales. C’est le territoire qui doit être à l’origine  de notre action ». Le ministère affiche 25 territoires d’expérimentation dans 20 départements soit une cinquantaine de collèges dans un pays qui  compte 5 300 collèges publics…

Dans ces territoires pourrait être mis en œuvre « patiemment » le décret permettant de définir des secteurs multi collèges où les élèves pourraient être affectés en fonction de critères sociaux négociés avec les élus locaux. Une machinerie dépendant des bonnes volontés sociales locales dans des départements qui sont souvent passés à droite…

La ministre a aussi rappelé sa nouvelle politique d’affectation des moyens sur critères sociaux. « Dès mes premiers pas comme ministre j’ai demandé aux services de construire de nouveaux modèles d’allocation des moyens en tenant compte des difficultés sociales et des réalités des territoires ». Effectivement, à la rentrée 2016 près de 1500 postes seront répartis dans les académies sur ce critère social. Reste à voir ensuite ce qu’en feront les recteurs.

De nouveaux « parcours d’excellence »

Mais le 12 janvier, N Vallaud Belkacem est venue pour faire connaitre une nouvelle proposition.  » Les parcours d’excellence permettront demain aux collégiens de troisième des REP qui seront volontaires – nous commencerons par les REP + à la rentrée 2016, avant d’étendre le dispositif à l’ensemble des REP – de préparer avec ambition la poursuite de leurs études, l’accès à l’enseignement supérieur, l’insertion professionnelle, grâce à un véritable accompagnement « 

Ces jeunes bénéficieront dès la rentrée 2016 d’un accompagnement.  » Ce dispositif s’appuie sur la mise en place de partenariats entre ces collèges REP, les établissements d’enseignement supérieur et de grandes entreprises. Nous construisons ces partenariats pour que se tisse un premier réseau, en un sens celui des élèves qui n’en ont pas », dit  la ministre.

« Il s’appuiera également sur un accompagnement solide puisque les élèves, dès la troisième, seront regroupés en petits groupes de travail d’une dizaine de collégiens, encadrés par un tuteur chargé de renforcer la maîtrise des connaissances et des compétences, mais aussi de travailler la motivation, la confiance en soi, le travail personnel, et d’organiser des visites, qu’il s’agisse de visites culturelles, dans des entreprises ou des lieux de formation, ou de rencontres avec des étudiants. Toutes ces rencontres auront pour objectif d’élargir les possibles et de rassurer les élèves qui ont parfois le sentiment de se retrouver dans des impasses. Ces parcours doivent donner à ceux qui en témoignent l’envie et qui mettent leurs efforts et leur travail au service de leur réussite, les moyens d’accéder à des filières.. qu’ils ne connaissaient pas ».

Le modèle sous jacent c’est celui des dispositifs imaginés pour donner l’impression d’une certaine démocratisation des filières sélectives du supérieur et dont Sciences Po a été le pionnier. La ministre y fait allusion en rappelant qu’ils sont  » restés en marge du système éducatif avec un impact très limité sur les élèves ».

Elle entend prolonger le dispositif au lycée. Ces élèves méritants seront accompagnés jusqu’au bac avec un suivi individualisé donné par des étudiants. On pense bien sur à l’obligation qui pourrait être faite aux étudiants d’assurer un service civique comme cela a été annoncé le 11 janvier par F Hollande.

Une mixité sociale exigeante ?

Lors de l’échange avec les députés, la ministre a précisé sa conception de la mixité sociale. Par exemple elle a défendu l’idée qu’il ne suffit pas de donner plus de moyens aux écoles ghetto , ce qui se fait aux Pays Bas.  » On ne peut pas se satisfaire de donner plus à certains établissements, comme nous le faisons aujourd’hui avec l’éducation prioritaire, en considérant que c’est dans ces établissements que se concentrent les difficultés sociales. On ne peut pas se satisfaire de laisser les élèves entre eux, même si on leur accorde plus de moyens pour avoir la conscience tranquille. Certes, il faut poursuivre cette politique..Mais il nous faut également nous demander comment faire en sorte.. que les nouvelles classes d’âge qui intègrent ces collèges soient mieux réparties sur le territoire pour mettre fin à la ségrégation qui existe aujourd’hui ».

Quelle place pour le privé ?

La ministre a aussi évoqué la place que le privé doit prendre dans la mixité sociale.  » Concrètement, dans les quelques territoires où le privé pourra être impliqué, il sera possible d’établir des objectifs et des stratégies partagés, par exemple pour rééquilibrer la composition sociale des établissements, y compris privés, sur plusieurs années », affirme-t-elle. « Il s’agira aussi de veiller à ce que plus aucun élève ne fasse l’objet d’une éviction du privé vers le public en cours de scolarité, car ces évictions alimentent la machine négative, ou encore de négocier le développement de tel ou tel établissement en le conditionnant à une réduction de la ségrégation. »

Avec ces déclarations, N Vallaud-Belkacem semble pencher pour un effort réel de répartition des moyens et des mesures qui aillent dans le sens de casser la ségrégation pour renforcer la cohésion nationale.

Mais des incohérences ?

Quelle cohérence avec les futurs « parcours d’excellence » ?  On sait peu de choses des « parcours » , de leur encadrement et de leurs articulation avec la classe. La ministre rejoint l’idée d’aider les « élèves méritants » dans des chemins particuliers, une logique largement utilisée sous N Sarkozy pour les internats d’excellence.

C’est croire que le « mérite » est indépendant des conditions sociales de l’enfant. C’est aussi croire qu’avec un accompagnement et des sorties culturelles on va résoudre les difficultés d’apprentissage. Or l’essoufflement des dispositifs d’excellence existants, leur faible efficacité évaluée ne plaident pas en ce sens. P Rayou, dans « Aux frontières de l’école » montre par exemple comment les dispositifs de soutien associés aux internats d’excellence ont finalement porté peu de fruits. Il montre que concevoir une aide en dehors des cours est peu pertinent. Que les visites culturelles se sont fortement réduites car vides de sens. Et aussi que les apprentissages ont à avoir avec leur sociologie.

Le lancement d’un vaste plan de service civique va probablement créer un vaste vivier d’accompagnants et d’étudiants que les administrations, dont l’éducation nationale, va devoir utiliser. Ils trouveront certainement leur place dans les parcours d’excellence.

François Jarraud

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