PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs



Relations école-famille et résilience

 

Favoriser des relations harmonieuses au sein de la famille et entre les familles et l’école constitue donc un terrain fertile pour promouvoir la résilience dans le domaine scolaire. Le rôle de la sensibilité et du soutien affectif des parents, de la supervision parentale et de l’encouragement à l’autonomie intervient sans doute dans la réussite scolaire. Les auteurs nous ont montré les différences notoires établies en fonction des logiques familiales d’insertion sociale. L’encadrement parental reste un facteur de protection en matière de résultats scolaires et de développement de l’autonomie. Il importe donc de tenir compte de ces éléments pour provoquer le système de protection (Fontaine et Antunes; Terrisse et Lefebvre; Gayet).

Dans ce domaine, un éclairage particulier a été focalisé sur les relations école-famille (Pourtois et Desmet). Il est important de développer d’abord des liens de confiance entre les parents et les enseignants. Le sentiment de compétence des parents, leur logique d’insertion scolaire et sociale, la compréhension de leur rôle parental et les invitations à participer de la part de leur jeune et de l’école sont aussi des variables à prendre en considération. Cinq trajectoires types ont été dégagées: les «familialistes », les «fonctionnalistes », les «héritants», les «contractualistes » et les «prothésistes ». Si, malgré les efforts déployés, l’école ne parvient pas à s’opposer concrètement à la socialisation initiale de l’enfant dans les milieux familialiste, fonctionnaliste et héritant, ni même à réduire un tant soit peu l’écart culturel entre le patrimoine familial et celui attendu à l’école, elle entretient une certaine familiarité sinon une relation de complicité avec les familles contractualistes

et prothésistes. Entre la logique «familialiste» et celle des «prothésistes », l’écart est à la fois qualitatif et quantitatif. Il est qualitatif, parce que la nature des pratiques adoptées est différente d’un milieu à l’autre: on passe de pratiques stéréotypées et sans rapport avec la culture scolaire, dans un cas, vers des pratiques ciblées et chargées en apports scolaires, dans le cas des deux dernières logiques. Il est quantitatif, parce que, là où existe une grande variété de pratiques pédagogiques en concordance avec celles de l’école, la résilience s’installe et les trajectoires scolaires se font aisément. Les pratiques rivées sur des pratiques limitées et sans grande envergure s’orientent soit vers l’enseignement professionnel, soit vers l’activité professionnelle familiale.

En somme, le rôle des parents en matière de résilience scolaire semble plutôt bien cerné. Favoriser des relations harmonieuses au sein de la famille et entre les familles et l’école constitue donc un terrain fertile pour promouvoir la résilience dans le domaine scolaire (Terrisse et Lefebvre; Deslandes; Fontaine et Antunes). Le rôle de la sensibilité et du soutien affectif des parents, de la supervision parentale et de l’encouragement à l’autonomie reste très important dans l’explication des différences relatives à plusieurs indicateurs de la réussite scolaire (Ben Ali Laroussi, ibid.). L’encadrement parental devient, dans ce contexte, un facteur de protection en matière de résultats scolaires et de développement de l’autonomie.

 

Caractéristiques du tuteur de résilience

 

Les tuteurs de résilience joueraient à la fois comme étayage narcissique et comme facteurs d’identification personnelle, c’est-à-dire d’accession à l’intégrité et à l’assomption de soi. Ces tuteurs peuvent prendre des formes diverses: formateurs, enfants, ressources personnelles. Nul ne semble être choisi comme tuteur de résilience que dans la méconnaissance de ce qui le constitue comme tel (Englander). Il n’y aurait donc point de « technique» du tuteur de résilience, mais bien des qualités

personnelles de disponibilité, d’humilité, de considération inconditionnelle de l’autre qui justifient notamment le fait d’accorder une large part à la formation personnelle dans la formation professionnelle de tout enseignant.

Chez les formateurs d’enseignants ou chez les enseignants, deux positions cohabitent: celle de praticien réflexif, capable d’agir dans l’urgence, et celle de praticien réfléchi, capable de prendre du recul et d’analyser a posteriori une situation. La qualité de l’intervention tient à la mise en mémoire flottante d’un maximum d’éléments dans lesquels on puise pour agir de manière congruente. La démarche est synthétique intuitive, se basant sur des indices multiples mais non discursifs. C’est la prise de recul qui permet de donner sens à ce que l’on fait. La démarche est analytique raisonnée, les indices qui dans l’action se confondent, interagissent, deviennent indicateurs à travers une démarche contrôlée et discursive. Ce qui confère à quelqu’un un statut de tuteur de résilience pourrait être, d’une part, l’énergie issue de l’interaction entre multiples perceptions polysémiques et intervention et, d’autre part, la position occupée dans un lieu et un temps transitionnels. Cet ensemble seul permet la reconnaissance du passé et la construction du devenir (Dierkens).

 

Valeurs et résilience

 

La résilience à l’école peut émaner aussi d’un état d’esprit où certaines valeurs, liées à des systèmes de croyances internes ou externes ou directement dictées par celles-ci ou par les exégètes aux coutumes nationales, témoignent d’une grande ténacité (Ben Ali Laroussi, ibid.). La croyance en soi, que l’on retrouve chez la plupart des auteurs (estime de soi; confiance en soi, etc.), serait une capacité cultivable et réparable; elle est une donnée universelle, indépendante du contexte social. La

croyance en la divinité suprême s’inscrit dans une dimension très large compte tenu des contraintes d’ordre moral qui l’accompagnent. La croyance en la «bénédiction des parents » est peut-être une donnée propre à certaines cultures (essentiellement arabo-musulmanes) où les sujets la considèrent comme un facteur particulièrement puissant et équilibrant dont il convient d’user à tout instant, et en toutes circonstances (« Les enfants bénis de leurs parents seraient les plus bénis de Dieu »)

Il est permis d’en abuser à outrance. Les deux types de croyances seraient aussi des facteurs d’intégration sociale et, par suite facteurs de résilience (Ben Ali Laroussi, ibid.).

 

Formation et résilience

 

Certes, la famille peut présenter, dans certains cas, quelques défaillances vis-à-vis du soutien qu’elle est en droit de procurer aux jeunes qu’elle héberge, on est en droit alors de se tourner vers l’école, cet autre milieu éducatif, avec l’espoir qu’elle soit plus résiliente. La condition émise est que la prise en charge ne soit pas tardive pour empêcher les dysfonctionnements de s’implanter. Dans ce contexte, des enseignants formés non plus uniquement à maîtriser les savoirs à transmettre mais aussi à se transformer en tuteurs de résilience peuvent devenir des modèles d’identification (Pourtois et Desmet; Englander; LeBlanc; Fontaine et Antunes; Deslandes). Il devient dès lors urgent de combler le hiatus qui existe entre la pratique pédagogique et la psychologie, créant ainsi un partenariat entre enseignants et psychologues. D’où la nécessité de modifier les pratiques des enseignants. Pour ce faire, il convient de procéder, dans un premier temps, au changement des attentes et de leurs représentations à propos de leur public. Le triple rôle d’enseignant/ éducateur/animateur, facilitateur de l’accès à la culture, que résume le terme «médiateur» peut s’alléger et se transformer en plaisir à condition que les enseignants deviennent conscients de pouvoir impulser un souffle de résilience. Quitter un monde flou, apprendre à penser, à réfléchir à ses modalités de pensée, à analyser ses erreurs, à planifier, à devenir autonome et créatif et recevoir des messages restaurant une image positive de soi, sont des enjeux essentiels à l’éclosion du plaisir

d’apprendre. C’est par la voie de l’apprentissage médiatisé que l’on peut atteindre ces objectifs de changement, de redémarrage positif et donc de résilience. Si la mise en place de l’aptitude à la médiation fait malheureusement défaut au sein de la formation initiale, elle pourrait prendre place en formation continue.

Il existe, à cet effet, des centres de formation et/ou des ateliers internationaux qui organisent régulièrement de tels apprentissages spécifiquement destinés aux enseignants.

Dès son entrée à l’école maternelle, l’enfant devrait être confié à des enseignants formés à la pratique de la médiation capables de devenir des tuteurs de résilience. C’est déjà lors de ce passage en maternelle que sont souvent signalés les déprivés culturels qui posent problème et dont on peut prédire le risque d’installation future dans le cercle infernal des échecs en cascade. Afin d’éviter que l’école ne devienne un lieu de traumatisme, et par mesure de prévention à tout risque de dérapage,

ce sont eux qu’il faudrait rendre résilients. Cette tâche difficile, dévolue à l’école, ne sera réalisable que grâce à l’aménagement de formations plus adaptées aux besoins des enseignants, des accompagnateurs éducatifs et des psychologues scolaires (Englander; LeBlanc; Fontaine et Antunes; Deslandes). À cette condition, et peut-être à cette seule condition, la résilience à l’école prendrait une direction au sens technique du terme, conférant à l’institution un pouvoir dont elle est encore loin de soupçonner la portée. Quand tout sera installé pour cette nouvelle fonction, on parlera alors de l’école comme un lieu où la résilience pourrait se réaliser pour le bien-être des sujets en difficulté. Perspective particulièrement louable, car le spectre de la peur et des stress habituellement mis sur le compte de cette institution céderait la place à une égalité des chances non

encore atteinte dans un lieu où la concurrence prend souvent des allures belliqueuses (Mannoni).

 

Handicap et résilience

 

Dans un tout autre domaine, particulièrement omniprésent dans notre société actuelle, à savoir celui des personnes handicapées, la résilience des sujets pourrait provenir d’une articulation harmonieuse des systèmes habituels d’insertion dans l’enseignement spécialisé et d’intégration dans l’enseignement ordinaire (Mercier). Chacune de ces formules, si elle n’est pas complétée par les spécificités de l’autre, devient caduque. D’où une nécessaire complémentarité des deux formules surmontées par une troisième voie qui s’érigerait dans les orientations tracées par les nouveaux paradigmes mis en exergue par la Déclaration de Madrid, la Classification internationale des fonctionnalités, la théorie du Processus de production du handicap, ainsi que dans les théories relatives au respect des diversités, de la participation et de l’inclusion sociales. La résilience pour les personnes handicapées ne peut se réaliser concrètement si, d’une part, la personne demeure maintenue dans un milieu clos et si, d’autre part, l’on tente à tout prix de l’aligner sur une norme, en déniant ses besoins spécifiques. Un accompagnement serait nécessaire, et le point de départ de celui-ci serait les limites de la personne déficiente qui serait amenée à les assumer et à les dépasser. L’accompagnement en question ne devrait pas forcément être assimilé à une normalisation abusive qui risque de ne pas reconnaître la créativité, les ressources qui sortent de la normale et les potentialités particulières liées aux déficiences. On connaît les extraordinaires compensations développées par les personnes tributaires de handicap et, pour bien faire, il faudra imaginer un système scolaire qui combinerait les avantages de l’insertion de ces personnes dans l’enseignement spécialisé et de leur intégration dans l’enseignement ordinaire. Un tel système devrait être élaboré dans une perspective d’autorégulation et d’autocréation avec des personnes concernées par le handicap. Celles-ci devraient être admises à prendre une part active et permanente dans le processus d’enseignement et dans l’élaboration des programmes et actions à caractère éducatif. La source de leur résilience se trouve indubitablement dans cette action humaine.

 

Que conclure ?

 

Au bout du compte, l’école ne serait véritablement résiliente que si, et seulement si, elle oeuvrait dans une perspective où une place importante est réservée à la variété dans les pratiques éducatives, à la prise en charge de facteurs intrapersonnels et de relations interpersonnelles, à la fonction politique où le sens et le jugement priment et s’opposent à la fonction domestique traditionnellement remplie par l’école dans un esprit de stabilité. Ce n’est donc qu’à ces conditions qu’elle deviendra à son tour résiliente (après la famille), et contribuera effectivement au déclenchement d’un rebond qui

permettra aux êtres humains, indépendamment de leur nature, de leur origine sociale, de leurs croyances et de leurs opinions, de suivre un itinéraire positif tant sur les plans scolaire et social que professionnel. Dès lors, les sujets pourront enfin orienter, malgré la pesanteur des systèmes qui continueront à agir sur eux, toute leur énergie retrouvée vers d’autres tâches. Ainsi, la lutte contre le fatalisme et la logique de programmation (de conformité) de la destinée humaine, lutte dont le but est de permettre à l’ensemble de la collectivité d’atteindre le mieux vivre auquel toute personne est en droit d’aspirer, aurait-elle enfin porté ses fruits et implanté dans les esprits la seule logique du désir qui privilégie la création de nouveaux modèles.

On pourra alors imaginer un univers où les fracas habituels seraient évités et le nombre de victimes amoindri. À la lumière des contributions qui viennent d’être présentées, nous constatons que tout individu a besoin, pour vivre et se développer, d’appuis et de soutiens. Beaucoup ont trouvé sur leur chemin un tuteur qui leur a permis d’être propulsés vers l’avant. Ce tuteur de développement peut être une personne (par exemple, un professeur) ou une institution (la famille, l’école…). Ici, il n’y a pas eu de fracas au départ, mais toutefois, une figure – personne ou institution – est intervenue pour agir comme catalyseur, stimulant du développement de l’individu. Elle a activé, voire réorienté le cours modal de la trajectoire. On pourrait parler ici de « tuteur de développement ». S’il y a eu fracas chez le sujet – et des cas d’intenses violences humiliantes sont fréquemment observés au sein même de l’institution scolaire, laissant des traumatismes profonds – et si celui-ci a pu s’en sortit et rebondir pour trouver une issue favorable à sa vie grâce à l’intervention d’une personne ou d’une institution, alors nous parlerons à propos de celles-ci de « tuteurs de résilience ». « Tuteur de développement », « tuteurs de résilience», deux mécanismes très proches, complexes qui s’inscrivent l’un et l’autre dans un système d’interactions faites de confiance et d’estime réciproques, et qui agissent le plus souvent à l’insu de tous. Tout éducateur devrait néanmoins savoir qu’il détient entre ses mains un pouvoir considérable. Travailler à instaurer davantage de liens, installer la reliance n’est pas la moindre des tâches que doit accomplir la société actuelle.

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