PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Le site du journal de l’âge de faire – le 25 octobre 2013 :

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Travaux de menuiserie et d’électricité, exercices personnels, exposé, débat…Une journée de classe avec Jean-Charles Huver, instituteur pratiquant la pédagogie Freinet, et ses élèves de cycle 3 de l’école publique Aimé Legall à Mouans-Sartoux. « Les enfants posent eux-mêmes ce qu’ils doivent atteindre »

Il est 8h20. La première cloche vient de sonner à l’école publique Aimé Legall de Mouans-Sartoux, près de Grasse, dans les Alpes-Maritimes. La classe de Jean-Charles Huver et de ses élèves de cycle 3 (CE2, CM1, CM2) abrite une profusion de matériel à dessin, d’outils, de jeux, d’instruments scientifiques ou de musique, de livres, de crânes d’animaux et de minéraux disposés sur des tables et sur les étagères, tandis que les murs sont couverts de plannings, de posters, de tags et de fiches pédagogiques. « Souvent, des débutants me demandent comment on peut arriver à ça. Cela ne se fait pas tout seul. L’agencement, les créations, la décoration dépendent des besoins de la classe, de la vie des enfants et de l’enseignant, ce n’est pas arbitraire » souligne Jean-Charles, qui dispose sur les tables des bouts de carton et des fils électriques.
Sur le tableau il est inscrit : « Qu’est ce que serait le monde sans objets ? Qu’est-ce que serait l’Homme sans objets ? » Les enfants entrent peu à peu et s’installent.
« Qui mange à la cantine ? » demande Manon qui compte les doigts levés et inscrit le nombre sur une ardoise, tandis qu’un autre élève tient le cahier des absences. Jean-Charles s’installe sur un tabouret en face des enfants et annonce le programme de la journée :

Ce matin, on va alterner entre deux ateliers. Ceux qui n’ont pas terminé vont aller avec Daniel pour continuer à construire les objets à roues en bois, et ils reviendront avec moi pour les peindre. On va aussi continuer à faire les voitures électriques. Cet après-midi, ce sera travaux personnels, puis il y a un exposé, et on terminera par le débat autour des questions inscrites au tableau. Vous avez eu presque toute la semaine pour y réfléchir. 
Jean-Charles Huver est actuellement président de l’Institut coopératif de l’école moderne (Icem), fondé en 1947 par Célestin et Elise Freinet. Instituteur pacifiste et engagé, Célestin Freinet (1896-1966) introduit en 1924 une imprimerie dans sa modeste classe rurale, lance une correspondance interscolaire, et initie un réseau de publication de revues pédagogiques. Dans les années 30, l’enseignant et son épouse Elise, institutrice et artiste, sont la cible de violentes attaques de l’extrême droite. Ils démissionnent de l’Education nationale et fondent une école privée « prolétarienne » à Vence, dans les Alpes-Maritimes, où ils accueillent de nombreux enfants victimes de la guerre civile en Espagne. Rachetée par l’Etat en 1991, l’école pratique toujours la pédagogie Freinet. L’Icem rassemble aujourd’hui 1 500 adhérents au niveau national et compte un groupe dans la plupart des départements. Les enseignants qui en font partie continuent d’organiser leurs classes en coopératives et d’utiliser les techniques de l’expression libre et du journal scolaire, de la correspondance interscolaire et des réseaux. Ils revendiquent « une école où chaque enfant peut s’exprimer, se responsabiliser, coopérer, expérimenter et s’ouvrir sur le monde ».

« IL FAUT QU’ELLE COGITE »
Un groupe d’enfants s’en va avec Daniel, un artisan qui connait les méthodes de travail de Jean-Charles et vient de temps en temps l’épauler. Dans la bibliothèque et salle d’informatique de l’école, les ordinateurs ont fait place aux scies, tournevis, marteaux, perceuses, étaux, planches de bois et autres matériaux. « Aujourd’hui on va mettre des leds sur les objets » signale Daniel, tout en distribuant une fiche technique où apparaissent les étapes de construction d’un circuit électrique. Après explications, tous scient, liment, percent, vissent… « Tu peux m’aider ? C’est trop dur » demande Kiara, penchée sur son camion en bois de hêtre, un tournevis à la main. « Si tu n’y arrives pas, c’est que ce bois est dur », réplique l’artisan. Laura a un problème avec la transversale de son vélo en bois. « Je la mets seulement sur la voie, il faut qu’elle cogite. C’est une réelle mise en situation : ce travail sollicite autant du français, des mathématiques et de la géométrie que les mains », précise Daniel devant une Laura un peu triste, mais consciencieuse. D’autres photographient déjà l’avion, le train ou le skate pour le blog de la classe, lorsque 10 heures sonnent. C’est la récré, personne ne bouge. « On peut rester ? » demandent certains.
10h30. Devant la classe grande ouverte, des enfants entourent une planche de bois. Ils testent leurs voitures faites d’un châssis de carton, de roues en bouchons, et d’un moteur électrique relié à une hélice. A l’intérieur, d’autres élèves discutent ou se plaignent de la difficulté de la tâche.

Cet exercice vous oblige à être minutieux. La seule esthétique n’est pas le but : si les roues ne sont pas parallèles et si le circuit électrique n’est pas parfaitement monté, votre voiture ne marchera pas

Parmi le petit groupe qui peint ses créations en bois, ça discute foot et cinéma. Mais l’instituteur doit réprimander deux enfants : « Vous nettoyez tout ce que vous avez dégueulassé, et vous allez vous laver aux toilettes ! »

Un reportage de Madhi M’kinini

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