PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

L’éducation civique enseignée dans les écoles françaises a des failles. C’est ce que révèle le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), dans une analyse écrite en « urgence » après les incidents observés dans certains établissements au sujet des attentats contre « Charlie Hebdo ». Comment l’améliorer ? Éclairage de Nathalie Mons, professeur de sociologie et présidente du Cnesco.

En théorie, le modèle français, en matière d’éducation à la citoyenneté, est très complet. La France est le seul pays où, de l’enseignement primaire jusqu’au lycée, des cours d’éducation civique sont obligatoires, identifiés en tant que tels dans les programmes scolaires et se voient allouer des horaires spécifiques. Aux États-Unis et en Angleterre, par exemple, ils ne sont que facultatifs dans le primaire.

En complément de ces cours, le modèle français prévoit aussi un apprentissage de la citoyenneté à travers la participation des élèves dans les instances de gouvernance des établissements scolaires dans le secondaire (conseil de classe, conseil d’administration des établissements…), afin de développer l’esprit de responsabilité, l’écoute de l’autre, la capacité à créer le consensus… Enfin, en théorie là encore, on encourage la mise en place de projets citoyens développés par les élèves en lien avec leurs établissements.

Une matière qui passe trop souvent à la trappe

Toutefois, dans les faits, l’enseignement français de l’éducation civique souffre de nombreuses défaillances.

Certes, des heures d’enseignements sont prévues, en primaire, au collège puis au lycée, mais cette matière est trop souvent diluée avec d’autres matières (histoire-géographie ou même français dans les formations professionnelles du lycée…) dans une enveloppe globale, si bien que son quota (par exemple 1h/semaine au collègue) n’est pas toujours respecté.

Avec des programmes de plus en plus lourds, les professeurs sacrifient parfois en partie cet enseignement pour venir à bout des autres matières, telles que l’histoire et la géographie.

Au lycée professionnel, l’éducation civique fait partie d’une enveloppe encore plus globale annuelle, avec de l’histoire et de la géographie mais aussi du français, si bien que souvent, là encore, les heures d’éducation civique, loin d’apparaître prioritaires, ne sont pas réalisées dans leur totalité.

Un enseignement négligé dans les filières pro

Une autre faille réside en son évaluation. Au lycée, en filières générales, alors qu’un enseignement de 30 minutes par semaine est obligatoire, aucune évaluation au bac n’est prévue. Cela tend à affaiblir l’attention porté par les élèves à cet enseignement malheureusement.

Nous devons nous interroger sur l’enseignement de cette discipline dans la filière professionnelle. L’éducation civique y est en effet bien moins protégée dans ses heures que dans la filière générale. Elle est noyée dans une enveloppe globale annuelle d’heures consacrées au français, à l’histoire et à la géographie. Ce sont dans ces filières-là que cet enseignement peut aisément ne pas être dispensé dans sa totalité.

On sait pourtant que l’on trouve davantage d’élèves provenant de milieux défavorisés dans les filières professionnelles. Nous devons être vigilants à ce que tous les élèves au lycée puissent recevoir la même éducation civique, quelle que soit la filière choisie. Les élèves socialement les plus démunis, peuvent aussi être les moins bien accompagnés dans leur famille, leur éducation civique à l’école est centrale.

Plusieurs études montrent que de fortes inégalités existent en terme de participation électorale en fonction du niveau de diplôme. Moins on est diplômé, plus l’absentéisme grandit. Dans l’OCDE, la France est le pays où les inégalités de participation électorale selon le diplôme sont particulièrement marquées.

Encourager davantage la participation des élèves

Une autre limite du modèle français est que bien plus de temps est consacré à cette matière au collège (une heure par semaine) qu’au lycée (30 mn par semaine). Or les études, là encore, montrent qu’en matière de citoyenneté, les années clef, les années fondatrices, sont celles qui précèdent la majorité. C’est donc à ce moment là qu’il faudrait particulièrement entourer les jeunes.

Enfin, la France a une marge de progression possible importante quant à la participation des élèves. Trop souvent, les instances de gouvernance qui leurs sont ouvertes dans les établissements ne sont que des « coquilles vides ». Les élèves ne s’y investissent que trop peu, et on les encourage insuffisamment à faire plus. Les taux d’abstention aux élections de la vie citoyenne sont très élevés, près de 50% en 2012.

C’est pourtant en agissant, en étant actif, en mettant en application des valeurs comme l’égalité ou la fraternité que l’on apprend vraiment la citoyenneté. On observe que les pays qui ont une certaine longueur d’avance sont ceux où la mise en action des élèves est la plus encouragée. C’est notamment le cas des pays anglo-saxons.

On n’apprend pas les valeurs de la République hors-sol. Aux côtés de la connaissance des concepts, des valeurs et des institutions, il faut aussi permettre aux élèves de les mettre en application, par des débats d’actualité par exemple. Non seulement c’est efficace, mais en plus les élèves y sont favorables.

Propos recueillis par Sébastien Billard

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