PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Conseil de l’Europe :

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 Projet de résolution

1.  L’Assemblée parlementaire note que, dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe, les musulmans ont le sentiment d’être exclus de la société, stigmatisés et discriminés ; ils sont victimes de clichés, d’une marginalisation sociale et d’un extrémisme politique dus à leurs traditions religieuses et culturelles différentes. Parallèlement, le radicalisme islamique et la manipulation des  croyances religieuses à des fins politiques portent atteinte aux droits de l’homme et aux valeurs démocratiques. A vrai dire, ces deux phénomènes se renforcent mutuellement. L’Assemblée est très préoccupée par l’extrémisme islamique et
par l’extrémisme dirigé contre les communautés musulmanes d’Europe.

2. Les musulmans sont chez eux en Europe, où ils sont présents depuis des siècles, comme l’indique l’Assemblée dans sa Recommandation 1162 (1991) sur la contribution de la civilisation islamique à la culture européenne. L’islam, le judaïsme et le christianisme, les trois religions monothéistes, partagent les mêmes racines historiques et culturelles et reconnaissent les mêmes valeurs fondamentales, notamment l’importance primordiale de la vie et de la dignité humaines, la capacité et la liberté d’exprimer ses pensées, le respect d’autrui et de la propriété d’autrui, l’importance de l’aide sociale, ainsi que la prééminence de
normes écrites, garanti par un Jugement dernier. Ces valeurs ont trouvé un écho dans les philosophies européennes et ont été insérées dans la Convention européenne des droits de l’homme (« CEDH » ; STE n° 5).

3. L’article 9 de la CEDH garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion, y compris le droit de manifester sa religion ou ses convictions, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. L’article 10 de la CEDH consacre la liberté  d’expression, y compris le droit d’exprimer des opinions religieuses ou  philosophiques ou le droit d’être opposé à ces opinions et de les critiquer. Ces deux libertés sont une condition indispensable de l’existence d’une société démocratique, mais ne doivent pas être utilisées de manière abusive pour
supprimer ou restreindre excessivement l’un des droits et libertés énoncés par la CEDH.

4. L’Assemblée a déjà souligné, dans sa Résolution 1510 (2006) sur la liberté d’expression et le respect des croyances religieuses, ainsi que dans sa Recommandation 1805 (2007), « Blasphème, insultes à caractère religieux et discours de haine contre des personnes au motif de leur religion », qu’il importait  de concilier ces deux libertés. Elle condamne fermement les menaces de mort et les décrets de condamnation à mort prononcés à l’encontre des personnes qui critiquent l’islam ou les opinions politiques liées à l’islam. Elle déplore toutefois les mesures prises par les États membres des Nations Unies afin que ces dernières
engagent une action contre la diffamation des religions, et notamment de l’islam, dans la mesure où cette orientation consiste en l’application de principes théocratiques et non démocratiques.

5. Rappelant sa Recommandation 1804 (2007), « Etat, religion, laïcité et droits de l’homme »,l’Assemblée souligne que les normes démocratiques imposent la séparation, d’une part, de l’État et de ses organes et, d’autre part, de la religion et des organisations religieuses. Les gouvernements, les parlements et les administrations publiques qui reflètent démocratiquement leur société dans son ensemble et sont à son service doivent être neutres à l’égard de toute croyance religieuse, agnostique ou athée. La religion et la démocratie ne sont néanmoins pas incompatibles, notamment parce que les religions peuvent jouer un rôle
social bénéfique. Il convient par conséquent que les États membres encouragent les organisations religieuses à favoriser la paix, la tolérance, la solidarité et le dialogue interculturel.

6. L’Assemblée constate cependant avec préoccupation que certaines organisations islamiques qui exercent leurs activités dans les États membres ont été lancées par des gouvernements étrangers, qui leur dispensent une aide financière et des directives politiques. Les objectifs de ces organisations ne sont par conséquent pas religieux. Il importe de mettre en lumière cette expansion politique nationale vers d’autres États sous couvert de l’islam. Conformément à l’article 11 de la CEDH, les États membres peuvent limiter les activités de ces organisations lorsque cela s’avère nécessaire dans une société démocratique, notamment dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de la prévention du crime. Il convient par conséquent que les États membres imposent aux associations islamiques et aux autres associations religieuses de faire preuve de transparence et de rendre des comptes, par exemple en exigeant la transparence de leurs objectifs statutaires, de leurs dirigeants, de leurs membres et de leurs ressources financières.

7. Comme l’Assemblée l’indique dans sa Recommandation 1774 (2006), « La présence turque en Europe : travailleurs migrants et nouveaux citoyens européens », les gouvernements et les parlements des États membres, ainsi que le Conseil de l’Europe, doivent en priorité favoriser l’intégration sociale des musulmans et des autres minorités religieuses. Il convient de se féliciter des nombreuses initiatives prises par les États membres pour mieux intégrer les migrants, mais cette intégration est encore loin d’être une réalité, notamment pour les migrants  musulmans. Aussi l’Assemblée invite-t-elle les États membres à traiter en amont les inégalités sociales, économiques et politiques.

8. Bien que l’existence de plus vastes structures organisationnelles des communautés musulmanes soit souhaitable dans les différents États membres pour faciliter leurs contacts avec les instances gouvernementales et  administratives, les gouvernements et les parlements de ces pays devraient chercher à établir également des contacts politiques directs avec les musulmans en leur qualité de citoyens à part entière. Ces contacts directs pourraient être  facilités, par exemple, par l’organisation d’auditions publiques à l’échelon local et régional, ainsi que par la mise en place, sur Internet, de plates-formes régionales et nationales de discussion. Se référant à la Recommandation 170 (2005) du  Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, « Le dialogue interculturel et interreligieux : initiatives et responsabilités des autorités locales », l’Assemblée invite les parlements nationaux à veiller à ce que les autorités locales de leur pays disposent des cadres juridiques, administratifs et financiers nécessaires à l’exercice des activités locales destinées à favoriser l’insertion  sociale et le dialogue interculturel.

9. Il est tout aussi indispensable que les migrants appartenant à une culture minoritaire dans leur pays d’accueil ne s’isolent pas et ne cherchent pas à mettre en place une société parallèle. Aussi l’Assemblée invite-t-elle les représentants des communautés musulmanes à encourager le dialogue interculturel et la
compréhension de l’univers culturel de leur pays d’accueil, ainsi qu’à lutter contre des divisions qui entraîneraient, dans le cas contraire, des frictions et des conflits au sein de la société. Rappelant sa Résolution 1605 (2008) et sa  Recommandation 1831 (2008) sur les communautés musulmanes européennes face à l’extrémisme, l’Assemblée invite les musulmans, leurs communautés religieuses et leurs responsables religieux à lutter contre toute forme d’extrémisme politique pratiqué sous couvert de l’islam. L’islam est une religion qui prône la paix. Les musulmans devraient être les premiers à réagir avec consternation et à s’opposer à l’utilisation que les terroristes ou les extrémistes politiques font de l’islam pour mener leurs propres luttes de pouvoir et porter ainsi atteinte à cette valeur essentielle qu’est la vie humaine et aux autres principes consacrés par l’islam.

10. L’Assemblée déplore que quelques partis politiques d’Europe exploitent et attisent la peur de l’islam, en menant des campagnes politiques qui privilégient une vision simpliste et des clichés négatifs à propos des musulmans d’Europe, en assimilant l’islam à l’extrémisme. L’incitation à l’intolérance et parfois même à
la haine envers les musulmans est inadmissible. L’Assemblée invite les États membres à mener une action politique conforme à la Recommandation de politique générale n° 5 (2000) de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, « La lutte contre l’intolérance et les discriminations envers les
musulmans ».

11. Rappelant sa Résolution 1464 (2005) sur les femmes et la religion en Europe, l’Assemblée invite l’ensemble des communautés musulmanes à abandonner toute interprétation traditionnelle de l’islam qui nie l’égalité entre hommes et femmes et restreint les droits des femmes, à la fois au sein de la famille et dans la
vie publique. Cette interprétation n’est en effet pas compatible avec la dignité humaine et les normes démocratiques ; les femmes sont égales en tout aux hommes et doivent être traitées en conséquence, sans exception. La discrimination des femmes, même lorsqu’elle se fonde sur des traditions religieuses anachroniques, est contraire aux articles 8, 9 et 14 de la CEDH, à l’article 5 de son Protocole n° 7, ainsi qu’à son Protocole n° 12.

12. À cet égard, le port du voile par les femmes, et surtout le port du voile intégral sous la forme de la burqa ou du niqab, est souvent perçu comme un symbole de soumission des femmes aux hommes, qui restreint le rôle des femmes au sein de la société, limite leur vie professionnelle et entrave leurs activités sociales et économiques. Ni le port du voile intégral par les femmes, ni même celui du foulard n’est admis comme une obligation religieuse par tous les musulmans, mais  nombre d’entre eux voient ces pratiques plutôt comme une tradition sociale et culturelle. L’Assemblée estime que cette tradition pourrait représenter une menace pour la dignité et la liberté des femmes. Aucune femme ne devrait être contrainte de porter une tenue religieuse par sa communauté ou sa famille et il est indispensable de les protéger contre toute exclusion de la vie publique.

13. C’est la raison pour laquelle la possibilité d’interdire le port de la burqa et du niqab est envisagée par les parlements de plusieurs pays d’Europe. L’article 9 de la CEDH reconnaît à toute personne le droit de choisir librement de porter ou non une tenue religieuse en privé ou en public. Les restrictions légales imposées à cette liberté peuvent se justifier lorsqu’elles s’avèrent nécessaires dans une société démocratique, notamment pour des raisons de sécurité ou lorsque les fonctions publiques ou professionnelles d’une personne lui imposent de faire preuve de neutralité religieuse ou de montrer son visage. Toutefois, l’interdiction générale du port de la burqa et du niqab dénierait aux femmes qui le souhaitent librement le droit de couvrir leur visage.

14. De plus, une interdiction générale pourrait avoir un effet contraire, en poussant les familles et la communauté à faire pression sur les femmes musulmanes pour qu’elles restent chez elles et se limitent à entretenir des contacts avec d’autres femmes. Les femmes musulmanes subiraient une exclusion supplémentaire si elles devaient quitter les établissements d’enseignement, se tenir à l’écart des lieux publics et renoncer au travail qu’elles effectuent hors de leur communauté pour ne pas rompre avec leur tradition familiale. L’Assemblée invite par conséquent les États membres à élaborer des politiques ciblées, destinées à sensibiliser les femmes musulmanes à leurs droits, à les aider à prendre part à la vie publique, ainsi qu’à leur offrir les mêmes possibilités de mener une vie professionnelle et de parvenir à une indépendance sociale et économique. À cet égard, l’éducation des jeunes femmes musulmanes, de leurs parents et de leurs familles est primordiale.

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