PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Interview AEF – Valérie CORRE, Députée du Loiret – le 11 juillet 2014 :

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“Pour améliorer la relation entre les parents et l’école, il n’y a pas de ‘recette’ spécifique, donc pas de circulaire possible”, indique à AEF Valérie Corre, député (SRC, Loiret) et rapporteure de la mission d’information sur les relations entre l’école et les parents de l’Assemblée nationale (1), mardi 8 juillet 2014. La mission d’information publie son rapport mercredi 9 juillet. Celui-ci met en avant les “nombreux irritants” qui provoquent des tensions entre l’institution et les parents. Valérie Corre préconise la mise en œuvre d’une “inclusion pédagogique” des parents et d’une coéducation entre les différents acteurs. Elle propose d’expérimenter la constitution de “collèges de parents” pouvant être consulté par le chef d’établissement. Elle évoque par ailleurs la “nécessité” de créer un statut de parents délégué et de généraliser le dispositif de la mallette des parents.

Expérimenter les “collèges de parents”

La mission d’information propose d’expérimenter la constitution de “collèges de parents”. Déjà expérimenté par Philippe Meirieu (2), le collège de parents permettrait “des modalités de représentation plus souples et moins ‘intéressées’” indique le rapport. Pour ne pas ne pas “sacrifier” le lien entre les élus et les classes, une telle instance “pourrait regrouper les parents délégués élus au niveau de celles-ci” précise le document. Cette instance intermédiaire entre la classe et le conseil d’école ou d’administration “devrait disposer d’un droit d’auto-saisine pour ‘pousser’ ces dernières à la réflexion ou à la décision”.

 
AEF : Dans votre rapport, vous notez la présence de nombreux “irritants” au sein de l’école, qui provoquent des tensions entre celle-ci et les parents. Quels sont-ils ?

Valérie Corre : C’est en effet l’expression qu’a utilisée la médiatrice de l’Éducation nationale, Monique Sassier. “Irritant” a l’avantage d’être imagé et est peut-être plus parlant que “frictions” ou “tensions”. Les devoirs à la maison, l’orientation, la carte scolaire, la discipline et ses procédures, le handicap et sa gestion, la violence et le harcèlement en font partie. Ce sont tous les sujets sur lesquels se focalisent les incompréhensions et les difficultés de dialogue entre l’école et les parents. Ces éléments sont soit nouveaux soit prennent leur source dans l’histoire de l’école qui s’est construite, si ce n’est contre les parents, au moins sans eux. Cela laisse des traces, et ça ne fait finalement “que” 40 ans qu’ils sont reconnus dans l’institution.

AEF : Vous appelez à une “inclusion pédagogique” des parents et à une “coéducation”. De quoi s’agit-il ? Cela ne risque-t-il pas de provoquer une confusion des responsabilités respectives de chacun ?

Valérie Corre : Il ne s’agit pas de provoquer une confusion entre les rôles des uns et des autres mais de partager les grands objectifs de l’école. Si je veux pouvoir accompagner mon enfant dans son parcours scolaire tout au long de l’année, j’ai besoin de comprendre où l’enseignant veut l’emmener et par où il va passer. Un des parents auditionnés nous disait ainsi : “Moi je veux bien lui acheter un cahier bleu plutôt qu’un vert, j’ai juste besoin de comprendre pourquoi”. C’est cela l’inclusion pédagogique. Les parents ont peut-être plus besoin qu’avant qu’on leur explique le “pourquoi du comment”, et cela ne remet pas en cause la pédagogie des enseignants.

“L’absence de cohérence entre les attentes des différents adultes autour de l’enfant accentue les tensions”

Comme nous le disait Antoine Prost, une relation asymétrique existe entre l’école et les parents. Ces derniers espèrent beaucoup de l’école alors qu’elle a tendance à ne rien attendre d’eux. Les enseignants ont parfois l’impression qu’ils sont là simplement pour instruire et “passer” le savoir. Il faut donc aussi dédiaboliser et mettre en œuvre la coéducation entre les différents acteurs. L’absence de cette cohérence entre les attentes des différents adultes autour de l’enfant accentue les tensions. Le PEDT est à cet égard intéressant car il permet de mettre tous les acteurs autour de la table pour discuter de l’enfant et de ses temps. Il ne s’agit pas pour les parents d’imposer ou d’abandonner leur format d’éducation, mais de coopérer pour la réussite de l’élève.

AEF : Comment peut-on reconstruire la confiance des parents en l’école et la légitimité de l’institution ?

Valérie Corre : Il faut d’abord noter que dans les sondages de rentrée, on s’aperçoit que les parents font majoritairement confiance à l’école. Mais ils entrent bien souvent en contact avec elle uniquement quand “ça ne va pas”. Je préconise donc que les enseignants rencontrent les parents avant d’en avoir “besoin”, pour parler d’éventuelles difficultés. Lorsqu’on se connaît on a moins de difficultés à évoquer ce qui pose problème. C’est dans ce cadre que le rapport préconise la généralisation de la “mallette des parents”, d’abord aux classes charnières, puis à l’ensemble des classes. Comme l’ont montré les auditions, c’est un dispositif efficace et peu coûteux qui “oblige” l’équipe éducative à créer des moments de rencontre. Il faut ouvrir l’école aussi pour des moments conviviaux.

“Savoir apprendre quelque chose à un enfant c’est une chose, mais savoir s’adresser à ses parents, s’en est une autre”

Mais en réalité, comme pour la loi de refondation, l’enjeu essentiel est celui de la formation. Savoir apprendre quelque chose à un enfant c’est une chose, mais savoir s’adresser à ses parents, s’en est une autre. Cela pose, par exemple, la question du vocabulaire utilisé : on “invite” les parents à l’école, on ne les “convoque” pas, ou en tout cas pas lorsqu’il n’y a pas de problèmes.

AEF : Vous évoquez aussi dans ce rapport le “mythe des parents démissionnaires”…

Valérie Corre : Parents, enseignants, collectivités, experts, associations, gauche ou droite : tous nos interlocuteurs s’accordent et s’attachent à dire qu’il n’y a pas de démission des parents. Il peut y avoir une incapacité des adultes à accompagner leur enfant, mais surtout pas un désintérêt. J’ai été surprise à quel point cela marque les différents acteurs. Dans probablement 8 auditions sur 10, ils avaient besoin de dire “non ce n’est pas vrai”.

AEF : Au cours des auditions de la mission a souvent été évoquée la question de la création d’un statut pour les représentants de parents d’élèves. Quelle est votre position ?

Valérie Corre : Quand on exerce un mandat, on a besoin d’être reconnu, et ce n’est pas une députée qui dira le contraire. Cette reconnaissance donne les moyens et la légitimité pour agir. La création d’un statut pour les représentants de parents d’élèves est donc une nécessité. Mais on ne peut pas le créer comme ça, car cela implique une modification du code du travail, l’acquisition de “droits” pour les parents d’élèves notamment en termes de congé de représentation, etc. L’accord des partenaires sociaux est nécessaire, nous proposons donc de l’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine conférence sociale.

AEF : Exceptée la demande de généralisation du dispositif de la “mallette des parents”, vos préconisations sont dans l’ensemble assez générales et “ouvertes”, comment expliquez-vous cela ?

Valérie Corre : Si vous lisez bien la circulaire de 2006 sur le rôle et la place des parents, où celle de 2013 rédigée par George Pau-Langevin, vous verrez que tout y est déjà écrit. Il reste donc aujourd’hui à mettre en œuvre cela. Il faut donc donner des grandes règles et de la souplesse. Rendre obligatoires les temps de rencontres ou bien les espaces avec les parents est primordial, mais sans préciser comment, pour laisser une marge de manœuvre pour les mettre en place selon les spécificités locales. Pour améliorer la relation entre les parents et l’école, il n’y a pas de “recette” spécifique, donc pas de circulaire possible.

LES PRINCIPALES PRÉCONISATIONS DU RAPPORT

  • Statut de parents d’élèves. Inscrire la question de la création d’un statut pour les représentants des parents d’élèves à l’ordre du jour de la prochaine négociation des partenaires sociaux sur l’articulation des temps professionnels/personnels et la parentalité.
  • Collège de parents. Expérimenter la constitution de “collèges de parents”, issus des délégués de classe et disposant d’un droit d’auto-saisine sur toutes les questions traitées par le conseil d’école ou le conseil d’administration.
  • Formation. Former tous les personnels de l’éducation nationale aux enjeux des relations école-parents.
  • Mallette des parents. Étendre le dispositif de la “mallette des parents”, dans un premier temps, aux “classes charnières” et, à terme, le généraliser à l’ensemble des classes .
  • Coéducation. Préciser ce que recouvre exactement la politique de coéducation qui permet d’assurer la continuité entre les différents temps de l’enfant.
  • Espace parents. Faciliter et mieux encadrer les rencontres parents-enseignants en mobilisant “l’espace parents” prévu par la loi du 8 juillet 2013.
  • Semaine des élections. Étudier la faisabilité mettre en œuvre une “semaine des élections” qui regroupe, l’année des élections professionnelles, ce scrutin avec la désignation des représentants de parents d’élèves au niveau de l’établissement, du département, de l’académie et du Conseil supérieur de l’éducation.
  • Prérentrée des parents. Instituer une prérentrée des parents pour toutes les classes charnières, y compris pour la petite section.
  • Dernier mot aux parents. Associer les parents au processus d’orientation et clarifier la portée de l’expérimentation du “dernier mot aux parents” pour éviter des malentendus avec les familles.
  • “Plan de vol”. Expliciter les objectifs pédagogiques et les méthodes d’évaluation auprès des parents d’élèves en rendant les programmes d’enseignement plus lisibles et en communiquant le “plan de vol” de la classe et en expliquant le travail demandé aux élèves.
  • Médiateurs école-parents. Instituer des “médiateurs école-parents” auprès des établissements afin que les parents d’élèves puissent, en cas de difficulté, se tourner rapidement vers un interlocuteur unique et reconnu.

 

(1) La mission d'information a effectué 39 auditions, 3 déplacements sur le terrain et rencontré près de 150 personnes
(2) Professeur en sciences de l’éducation à Lyon III, auditionné par la mission le 8 avril 2014

 

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