PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Moins de nuggets-frites, plus de fruits et légumes et de producteurs locaux. Grâce au décret de 2011, la qualité nutritionnelle s’améliore surtout dans le primaire. Et cela ne coûte pas forcément plus cher aux collectivités. Mais beaucoup de cantines restent encore à la traîne.

« Nous avons pu mesurer un réel impact de la mise en application du décret avec notamment des évolutions très nettes et positives dans les cantines des écoles publiques primaires qui obtiennent la moyenne de 15,2 sur 20. C’est assez rassurant, » résume Olivier Andrault, chargé de mission alimentation chez UFC-Que Choisir 1. L’enquête que publie l’association de consommateurs en mars 2013, à partir de I’analyse des menus de 600 communes et établissements scolaires en France, montre l’influence positive
de la loi de 2010 et du décret de 2011. Pour la première fois, un article de loi impose aux services de la restauration scolaire de respecter des règles sur la qualité nutritionnelle des repas. Jusque là, seule une circulaire interministérielle de juin 2001 édictait des recommandations nutritionnelles … applicables ou non selon le bon vouloir des collectivités territoriales. « Or, en France, sans loi,il y a peu de chance que les choses aboutissent. Il fallait un cadre réglementaire pour que ces « recommandations» soient effectives et ne conduisent pas à des situations inégales », observe Christophe Hébert, président de l’Agores, Association nationale des directeurs de la restauration municipale. Pour preuve, une étude de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa devenue Anses en 2010) démontrait qu’en 2006, dans le secondaire, seul un établissement sur deux connaissait ces recommandations. Quant à son application, de l’aveu même des professionnels de la restauration scolaire et des élus, c’est l’absence d’obligation réglementaire qui expliquait en grande partie cet échec.

Des producteurs locaux et des produits bios

Tout jeunes encore, le décret et l’arrêté de septembre 2011, découlant de la loi de 2010, semblent donc avoir modifié le contenu des assiettes de nos enfants. Concrètement, les gestionnaires de cantine ont plus systématiquement proposé des produits moins gras, réduit les teneurs en sel et en sucre, programmé davantage de fruits crus et de légumes. Nuggets, frites, viandes hachées, crêmes desserts sont désormais proposés avec parcimonie. En parallèle, de plus en plus de collectivités se toument pour leurs approvisionnements vers des producteurs locaux et les produits bios apparaissent dans les menus des cantines. Autant d’éléments qui pèsent dans la balance pour apporter des aliments, réellement riches en fibres, vitamines, calcium et fer et   bénéfiques pour la santé.« Cela a permis d’arrêter la dérive sur la densité nutritionnelle des produits avec par exemple des aliments
comme des nuggets de poissons constitués essentiellement de panure, d’eau et de gras », précise Christophe Hébert. Témoin du quotidien des cantines, ce demier, se réjouit, lui aussi des progrès réalisés tant en régie directe qu’en centrales privées. «  Désormais, les sociétés de restauration qui postulent à des appels d’offres sont jugées sur les mêmes référentiels, ce qui évite des distorsions de concurrence ».

L’avis de la FCPE

La FCPE réclame au moins un repas bio par semaine dans les cantines du primaire comme du secondaire ; quand cette part existe, elle souhaite que la part du bio augmente. Pour tous les autres jours, la FCPE revendique de privilégier les produits locaux et de respecter la saisonnalité des produits. Elle exige également leur traçabilité. Elle demande aussi de développer les protéines végétales dans la restauration scolaire.

Le déjeuner est un temps éducatif, c’est pourquoi, l’encadrement comme le mobilier doit être adapté à l’âge des enfants. Enfin, la FCPE réclame que tous les enfants puissent être accueillis à la cantine et que les familles ne payent que les repas consommés (pas de forfait au trimestre bloqué).

Les mauvais élèves de la restauration

Crier victoire serait pour autant prématuré. L’enquête d’UFC Que-Choisir nuance la réalité. Les progrès sur la qualité nutritionnelle concement en priorité les féculents et les légumes servis en accompagnement du plat, ainsi que les produits laitiers. Pour des denrées plus chères (viande rouge, poisson), la qualitê reste encore à désirer. De plus, les établissements du secondaire sont à la traîne. Dans l’enquête UFC-Quechoisir, ils n’obtiennent que 12,6 de moyenne et près de 9% d’entre eux ont une note inférieure à 10.

«Ce sont essentiellement les menus avec choix qui sont la cause de ces résultats décevants. Sila cantine propose poisson-brocolis ou nuggets-frites, on devine quel sera le choix des élèves. Dans ce cas-là, l’équilibre nutritionnel n’est pas maîtrisé. Nous recommandons de mettre en place des choix dirigés, par exemple proposer deux crudités différentes au lieu de crudités contre charcuterie », analyse Olivier Andrault. Sur le terrain, force est de constater que certains gestionnaires de cantines méconnaissent encore ces recommandations ou se perdent dans la précision demandée des grammages, des fréquences de service de certains plats, de l’équilibre des menus sur 20 jours …

Selon Alexandre Calvet, gérant de la société HySeQua, spécialisée dans le conseil en sécurité/hygiène et équilibre alimentaire, «ce sont surtout les petites communes qui rencontrent des difficultés. Et ce dans un contexte où l’on demande aux chefs de cuisine d’appliquer de nombreuses réglementations en matière d’hygiène, de sécurité alimentaire et de sécurité au travail, ».

La crainte d’un surcoût pour appliquer cette qualité nutritionnelle explique en grande partie le retard pris dans certaines cantines. Selon Christophe Hébert, « c’est vrai qu’entre un nugget et une escalope de dinde, il y a une différence de coût. Le plus dur en fait est surtout pour les collectivités qui depuis dix ans n’ont jamais investi dans les recommandations nutritionnelles. Dans ce cas, le pas financier est important ».

La note n’est pas forcément plus salée

Sur la question du coût, beaucoup dénoncent une idée reçue. Ainsi, une étude Inserm-Inra de 2010, sur l’impact des nouvelles normes estime que l’application des fréquences de service, augmenterait le coût d’environ 0,15 euros par repas, mais serait compensée par une diminution de 0,40 à 0,29 euros par repas liée au respect des grammages conseillés. Enbref, mieux vaut
servir des quantités moindres, évitant le gaspillage, mais de meilleure qualité. Pour Christophe Hébert, tout est question avant tout de volonté politique. « Des solutions existent comme solliciter ponctuellement l’aide de diététiciens ou même de mutualiser ce service à l’échelle d’une communauté de communes ou interdépartementale. Il existe aussi des formations pour apprendre à remplir la grille de fréquences et élaborer des menus, des outils comme des logiciels et des guides ….Onpeut aussi s’appuyer sur des commissions menus réunissant cuisiniers, parents, gestionnaires de cantines. Onconstate en tout cas que si un élu a décidé d’appliquer ces recommandations avec une vraie volonté de lutte contre la malbouffe, le grignotage et l’obésité, c’est tout à fait possible et peu onéreux ».

Des menaces pèsent sur le décret

Le fameux décret de septembre 201 J. obligeant les cantines scolaires à suivre des normes nutritionnelles est menace. En mars dernier, Jean-Claude Boulard, maire du Mans, et  Alain Lambert, président du conseil général de l’Orne, rapporteurs de la mission d’information « contre l’inflation normative », ont conseillé d’abroger ce décret pour le remplacer par un article général. Ils pointent la « culture centralisatrice» de ce décret renommé « saucisses, oeufs durs, nuggets », ironisent sur les degrés de grammage demandés et Placent ce décret.en haut du podium des « normes absurdes ». En un mot, retour à la case départ. Si le décret est abrogé, l’application des recommandations nutritionnelles serait laissée de nouveau au libre-arbitre des collectivités et gestionnaires de cantine. Et personne, notamment les parents d’élèves, ne pourra se retourner juridiquement contre eux.

Face à cette annonce, les principaux partenaires de la restauration scolaire ont envoyé une lettre ouverte au Premier ministre pour réclamer le maintien de ce décret 2. Ils rappellent combien ce texte, complexe en apparence pour un néophyte, a été le fruit depuis des dizaines d’années de longues .. concertations entre tous les partenaires – dont les représentants des collectivités territoriales – qui ont abouti à ce degré de précision. Et ces précisions, selon eux, permettent justement aux professionnels de la restauration d’avoir des repères. Pour l’instant, aucun calendrier n’est fixé quant à l’arbitrage du gouvernement.

(1) Avec une note moyenne de 11,3/20, les cantines des 55 écoles privées étudiées obtiennent une note plus basse que celle des écoles publiques. Etude sur www.quechoisir.org avec des résultats par région.
(2) Lettre co-signée par l’Association française des diabétiques, l’Association nationale des directeurs de la restauration municipale, le Club experts Nutrition et Alimentation, la FCPE, la PEEP, L’APEL et L’UFC-Que Choisir.

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