PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In L’Ecole de demain – 9 décembre 2013 :

Accéder au site source de notre article.


Cela se passe au Québec mais cela aurait pu tout aussi bien se dérouler en France. Selon un article publié sur le site québécois « Les Actualités » (consulté le 29 octobre 2013) « depuis l’année dernière, les enseignants de l’école de la Passerelle ont pris un virage. Ils ont décidé de changer leurs pratiques en offrant une version améliorée des traditionnels devoirs et leçons. En effet, les élèves doivent lire, mais il y a très peu ou pas de devoirs à la maison. »

Marielle Potvin, orthopédagogue*, a accompagné l’équipe pédagogique dans ce changement important. Elle a accepté de répondre à nos questions pour éclairer ce qui amène une école à changer de pratique, et comment ce changement s’opère. Marielle s’est fait connaître des enseignants de l’école grâce à son blog, et notamment par un billet sur les devoirs qui a suscité leur curiosité. C’est ainsi que la directrice de l’école La Passerelle, Chantal Landry, a contacté l’orthopédagogue pour lui demander d’accompagner l’équipe-école dans une démarche de réflexions sur la question des devoirs, pour ajuster leurs pratiques.

 

Ce qui a motivé l’équipe pédagogique

La directrice de l’école explique :

« Partout, on entend parler d’équilibre de vie, et c’est ce que nous offrons avec cette nouvelle façon de travailler avec les enfants. Ce que les parents veulent, c’est passer du temps de qualité avec leurs enfants. Avec les devoirs traditionnels, la relation entre l’école et les parents n’était pas toujours à son meilleur. De plus, quand un élève de 1re année par exemple ne faisait pas ses devoirs, c’était injuste de le pénaliser, alors que si ses devoirs n’étaient pas faits, c’était principalement parce que le parent n’avait pas eu ou pris le temps de le seconder. Cette situation ne faisait pas en sorte que l’enfant aime davantage l’école ».

Par ailleurs les enseignants constataient tout simplement que le but des devoirs, apprendre pour avoir de meilleurs résultats, n’était tout simplement pas atteint.

 

De la réflexion commune…

Marielle Potvin témoigne de son action d’accompagnement et de conseil auprès de l’équipe pédagogique

« Je me suis rendue à l’école concernée, dans un premier temps, pour rencontrer l’équipe et faire avec eux un bilan de la situation actuelle. Les enseignants ont exprimé leurs difficultés en lien avec les pratiques qui étaient alors en vigueur. Ces façons de faire étaient plutôt traditionnelles, comme c’est le cas dans la plupart des établissements scolaires, mais l’équipe avait déjà remis en question cette tradition, tout en n’étant pas fixés sur les autres options possibles. Les échanges étaient plutôt polarisés: ceux qui étaient en faveur des devoirs, et ceux qui étaient contre. Ces derniers constataient la lourdeur de la gestion que cette tradition entraînait en classe (devoirs mal faits, non remis, etc.) mais n’avaient pas la latitude pour s’empêcher d’en donner quand même. Or, à partir de là, mon but a été de les amener à considérer les formes que pourraient prendre les travaux à faire à la maison, en s’assurant que celles-ci rencontreraient à la fois les attentes des parents et les buts pédagogiques poursuivis. » 
 

…au projet commun autour du carnet d’apprentissage

Marielle Potvin présente la genèse du projet.

« Comme j’avais remis en questions cette pratique (des devoirs) depuis longtemps, j’avais conçu un carnet d’apprentissage, que j’avais expérimenté lorsque j’étais titulaire de classe, avec un groupe de 2e et 3e année du primaire (équivalent CE1-CE2). Bien sûr, il a fallu adapter ce carnet d’apprentissage aux plus petits, avec des pictogrammes, et aux plus vieux, avec des ajouts, mais dans l’ensemble, l’idée a été retenue, dans la mesure où ce carnet servait à faire le bilan des apprentissages faits dans la journée, mais aussi à faire le pont avec le parent, qui veut, lui,  connaître ce qui a été fait, les difficultés rencontrées etc.  
L’élève, sachant qu’il a tous les jours à faire le bilan de ses apprentissages, devient donc plus conscient de ceux-ci, et comme il s’apprête à en faire le compte-rendu, ou la démonstration à ses parents, intègre ces apprentissages avec une intention toute nouvelle. Les devoirs ne sont donc plus une corvée mais une occasion de démontrer ses nouvelles connaissances, habiletés ou techniques. »
« J’ai mis beaucoup d’importance, quand j’enseignais, sur le fait que les apprentissages  ne se font pas seulement dans les matières de bases. Les apprentissages font partie de la vie.  Il n’était pas rare, donc, qu’un enfant écrive dans son carnet qu’aujourd’hui, il a appris à faire la roue, en éducation physique, ou encore qu’il a fait une nouvelle expérience en prenant une responsabilité en classe. Apprendre à trouver la solution à un conflit ou développer une habileté sociale, c’est important, aussi. Tout ce vécu devient prétexte à écrire.  En situation signifiante, de plus. »
« La fin de la journée est donc consacrée à compléter le carnet d’apprentissage plutôt qu’à expliquer le devoir du jour.  Le lendemain matin, le temps habituellement consacré à la vérification des devoirs et à leur correction (souvent effectuée en groupe) devient libre pour apprendre en dyade ou en équipe certaines notions auparavant révisées lors des leçons du soir.  Une nouvelle gestion du temps s’est donc instaurée, avec une efficience améliorée. »

Ce carnet des apprentissages est un support pédagogique proche du cahier des apprentissages à propos duquel nous avons développé un article sur ce blog.

Des résultats probants

L’article québécois mentionne des résultats scolaires en amélioration pour cette école, au bout seulement d’un an d’expérimentation. Selon la directrice, « non seulement nos élèves réussissent mieux, avec de meilleures notes, mais ils réussissent davantage ». Le climat scolaire s’est considérablement amélioré des trois côtés de la relation triangulaire élèves-professeurs-parents.

Selon Les Actualités :

Sylvie Fréchette, parent, précise que maintenant, il arrive que son enfant ait un devoir, « mais il est fait avec des outils différents, et la relation parent-enfant est maintenant très agréable. Ça fait toute la différence, puisqu’avant, il y avait du tiraillement et le climat était lourd à l’heure des devoirs. »
Caroline Martin, parent mentionne que « ça permet d’avoir plus de bon temps avec nos enfants. On a toute la semaine pour planifier ce qu’il y a à faire. Maintenant, le défi, c’est d’ouvrir le sac d’école. Et avec de la lecture à tous les soirs, c’est devenu plus naturel. »
Nathalie Morin est enseignante et parent également. « C’est certain qu’au début, il y avait des craintes. De 3 h par soir, les devoirs occupent maintenant seulement 3 h par semaine, mais les résultats sont bien rassurants. »

En 3ème cycle, avant l’entrée dans le secondaire, certaines tâches sont planifiées grâce à un échéancier.

Pour conclure, c’est la conception même du métier qui évolue à travers le fait de se saisir pleinement de la question du travail personnel des élèves. Pour la directrice, « Au lieu de contrôler, on est maintenant des facilitateurs. Et ça permet à l’enfant de développer son autonomie. »

*L’orthopédagogue est un professionnel qui œuvre auprès des enfants, des adolescents ou des adultes qui apprennent différemment. L’orthopédagogue s’intéresse au développement global de l’apprenant et aux troubles d’apprentissage. L’objectif est de chercher à éveiller l’apprenant à son propre style d’apprentissage afin qu’il actualise ses stratégies cognitives et affectives et développe ainsi sa confiance en lui.

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