PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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De même que les cours des matières premières atteignent des sommets en raison de craintes de pénuries possibles, de même la compétence professionnelle devient une valeur universellement recherchée.

 Le Québec a organisé en novembre 2010 une mission de recrutement de « travailleurs stratégiques » en France, en Belgique et en Tunisie. La Malaisie, qui avait entamé un remarquable processus de développement technologique, voit celui-ci freiné aujourd’hui par un nationalisme qui impose aux citoyens d’origine chinoise ou indienne des contraintes auxquelles les plus qualifiés échappent en émigrant. Le gouvernement chinois a publié dans le monde entier des offres d’emplois dans les 129 plus grandes entreprises. Les industriels américains et allemands s’inquiètent de l’insuffisante qualification des demandeurs d’emplois et proposent des conditions de travail et de rémunération attractives à des salariés en fin de carrière ou déjà retraités. Dans tous les pays industrialisés, les entreprises s’inquiètent de ne pas trouver de jeunes ingénieurs alors que, potentiellement, des milliers de postes sont à pourvoir : il en va ainsi même en Chine, où pourtant tellement plus de diplômés sortent chaque année des écoles. L’Inde croit avoir trouvé la solution en proposant aux jeunes femmes de continuer à travailler après le mariage. La Grande Bretagne est en train de résoudre la question de la pénurie des professeurs de mathématiques en mobilisant des enseignants indiens qui, de chez eux, communiquent par Internet avec leurs élèves britanniques ; à ce jour, ils sont déjà une centaine ; les élèves sont ravis. Le développement de l’Afrique risque d’être handicapé par l’émigration, désormais massive, des femmes africaines diplômées : la moitié des migrantes vers les pays de l’OCDE sont diplômées de l’enseignement supérieur. Google augmente de 10 % la rémunération de l’ensemble de son personnel, de crainte que les éléments qui ont une valeur de marché ne passent à Facebook ou ailleurs. Des pays aussi différents que l’Equateur, l’Ethiopie, la Jamaïque ou le Maroc ont mis en place des programmes d’aide au retour de leurs nationaux expatriés. Le Mexique et le Salvador proposent même une assistance personnelle à la réinsertion à ceux qui reviennent parce qu’ils ont été expulsés. Enfin, la Chine avale les compétences les unes après les autres, éliminant de fait les entreprises et les Etats qui ont cessé d’être producteurs.

Le cas actuellement le plus intéressant est celui d’Israël, nation la plus fertile du monde en termes de créativité scientifique et technique (3 800 start up). La récente association du leader mondial de l’optique ophtalmique, Essilor, avec une entreprise créée par les 280 membres du kibboutz Shamir illustre à la fois la haute qualité et les limites du modèle israélien : les grands acteurs viennent chercher en Israël les concepts et les outils que leurs propres services de recherche n’ont pas su imaginer ; et les petites entreprises israéliennes de technologie, brillantes mais sous capitalisées, ne sont pas en mesure d’atteindre seules la dimension mondiale.

L’offre mondiale de compétences est en train de se réorganiser sur un marché du travail désormais mondial. Il s’agit bien des compétences, non des diplômes, qui ne sont pas des indicateurs pleinement valables de la qualification. L’offre se réorganise autour de bassins spécialisés : on savait déjà ce qui se passe en Inde pour les centres d’appel et les laboratoires de recherche ; en Chine pour les usines d’assemblage… voilà que le Sri Lanka se veut premier formateur mondial de comptables, à terme gestionnaire de la comptabilité d’entreprises de tous les pays. Le salaire annuel moyen d’un comptable américain était de 59 430 $ en 2008, celui de son confrère sri-lankais de 5 900 $…

Ce marché des compétences est en train de fabriquer des situations de « vides » et de « pleins », de territoires que l’on quitte opposés aux territoires que l’on rejoint. Malheureusement, c’est dans la première catégorie que se range la France. L’affaire des infirmières de l’hôpital Tenon à Paris était une illustration de la marée montante des pénuries, qu’aggravent des tentations xénophobes. Une récente étude de l’Institut Montaigne alerte sur la fuite des chercheurs et enseignants, attirés notamment par de grandes universités étrangères. La mauvaise place de la France dans le classement OCDE des systèmes éducatifs met en valeur deux données qui, mise ensemble, se révèlent angoissantes : nous devrions préparer à la réussite dans la vie tous les jeunes, l’une des rares vraies ressources de la France ; quoique affirment les institutions concernées, nous ne savons pas faire et les « réformes » annoncées n’y changeront rien.

Armand Braun

 

 

 

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