PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Le Jeudi 10 octobre 2013 à l’Université Paris Est-Créteil :

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La recherche internationale a depuis longtemps admis que la violence à l’école était largement le fait des garçons, du moins en ce qui concerne les violences physiques. Ainsi aux USA le Youth Risk Behavior Survey (1995 ; Kann et al., 1995) révèle que les garçons sont trois fois plus (23,5%) impliqués dans des bagarres que les filles (8,6%). Les dernières enquêtes de victimation en France ont des résultats très semblables : en ce qui concerne la violence brutale 67% des auteurs sont des garçons, 20% des filles et 13% des groupes mixtes en école élémentaire (Debarbieux, UNICEF, 2011). Il en va de même en collège d’après une enquête nationale de la DEPP (DEPP, 2011) selon laquelle les garçons sont plus de 20% à être pris dans des bagarres collectives contre 8% des filles. Plus souvent agresseurs les garçons sont aussi plus souvent victimes (cf. par exemple Benbenishty et Astor, 2005 et Royer, 2010). On peut donc en conclure que la violence à l’école est fortement genrée, avec une prédominance des garçons tant comme auteurs que comme victimes ; les filles lorsqu’elles sont impliquées l’étant plus comme victimes que comme auteurs sans que pour autant les filles se cantonnent au rôle de victimes passives ; elles  peuvent aussi être agresseurs. De même et quoi qu’il en soit la majorité des garçons ne sont pas agresseurs, même s’ils le sont plus souvent.  Mesurer et interpréter ces différences est un enjeu majeur pour la connaissance de la violence à l’école.

Le fait que les modes de victimations seraient différents constitue un autre thème important dans la littérature internationale (Olweus et al. 1999, Smith et Sharp, 1994) ; les filles préféreraient le harcèlement indirect (l’ostracisme). Cela n’est cependant pas vérifié par les enquêtes françaises ; dans l’enquête UNICEF citée par exemple, si les filles sont un peu plus nombreuses (55%) à être victimes de rumeurs et médisances que les garçons (49%), les auteurs sont très majoritairement des garçons (44% des auteurs contre  23% de filles, et  33% de groupes mixtes). De plus, il y a un grand manque de connaissances empiriques en France en ce qui concerne le rejet des élèves considérés comme homosexuels, même si la littérature LGBT (Klipp, 2001) suggère que le harcèlement touche de manière préférentielle ces jeunes. Dans ce cadre, la recherche doit également s’interroger sur le rôle éventuel de l’école dans le développement d’une violence de genre (culture hétérosexiste…). Ceci conduit à s’interroger à la fois sur les auteurs et les victimes mais aussi sur les différentes formes d’agression et leur caractère éventuellement genré : agressions directes (plus masculine ?), agressions indirectes et sur leurs conséquences. La violence est en effet considérée ici dans une acception large : non seulement comme usage de la force physique mais aussi comme un abus de pouvoir qui peut revêtir des formes verbales et symboliques. Il s’agit donc de comprendre non seulement qui est victime ou agresseur mais comment on l’est. Bien entendu, les personnels des établissements scolaires sont également concernés. La gestion qui est faite par les professionnels des phénomènes de violence peut également être interrogée au regard de la thématique. La majorité des sanctions (environ 80% des retenues et exclusions au collège) concerneraient les garçons (Ayral, 2011).

Le débat est d’autant plus important que les violences sexistes sont un véritable phénomène de société et un enjeu de santé publique majeur. Ainsi les études estiment le nombre d’agressions sexuelles en France entre 65 000 et 70 000 par an (OMS, OND, ENVEFF) et la grande enquête relative aux violences envers les femmes (ENVEFF) indique qu’une femme sur dix est victime de violence conjugale. Partant du constat que les violences sexistes très prégnantes à l’âge adulte, existent dès l’école, depuis 2006, des conventions interministérielles  insistent sur l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif et dans la lutte contre les violences sexistes. Pourtant, au même moment, la mixité à l’école et les théories de genre sont remises en question.

La recherche a un rôle à jouer pour éclairer le débat hors de toute naturalisation biologisante (qui empêcherait de comprendre comment les garçons ne sont pas tous agresseurs ou les filles seulement victimes) et de toute culturalisation éventuelle. C’est le sens de cette journée d’étude, qui s’appuie sur la publication d’un numéro spécial de la revue Recherches et Education, et propose des interventions sur des recherches empiriques reposant sur des méthodologies explicites, qualitatives ou/et quantitatives visant à connaître la fréquence et les modes de victimation en fonction du genre et des recherches évaluatives portant sur l’efficacité des mesures prises pour faire face au phénomène.

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